Rechercher dans ce blog

dimanche 30 décembre 2012

Changer d'ère (2)


Nous vivons la fin d'une époque ; l'ère nouvelle reste à inventer. Dans ce billet et ceux qui suivront, voici quelques réflexions sur une voie qui me paraît être la seule possible.
 

Billet précédent : Sagesse (1)



Aujourd'hui : Une nouvelle logique

Imaginer un avenir vivable pour tous demande au préalable de tirer les leçons des erreurs des siècles passés et de remettre en cause les idées reçues, les mythes sur lesquels s'est construite la mondialisation.

Le système actuel, entre les mains d'une petite minorité qui a accaparé une grande part des richesses, fait subir à l'ensemble des peuples et à la nature les conséquences dramatiques de ses errements . Le pouvoir réel est détenu par les financiers, l'économie libérale impose sa logique : produire toujours plus, en créant si nécessaire de faux besoins ; pour elle, tout doit se transformer en monnaie.
Tout le monde est touché par cette dérive, bien sûr à des degrés divers. Dans les pays en voie de développement, c'est la malnutrition, la famine, les maladies liées à la pauvreté. Dans les pays développés, les conditions de travail deviennent de plus en plus difficiles, c'est la montée du chômage et de l'exclusion.
Quelle que soit sa situation sociale, chacun est enfermé dès sa naissance dans une logique qui le pousse à consommer, à s'endetter, à être en concurrence avec les autres. Le travail occupe une place prépondérante dans la vie, au détriment des activités libératrices. Il procure un statut social. C'est ce qui rend la perte de son emploi si difficile à assumer moralement.

A cela s'ajoute évidemment la situation de l'environnement ; le réchauffement climatique se manifeste déjà par la multiplication des catastrophes naturelles et les décisions qui pourraient ralentir le processus sont sans cesse remises à plus tard. On sait les conséquences désastreuses qu'aurait pour de nombreuses régions du monde une augmentation de 4 degrés de la température, scénario de plus en plus plausible.

Cette situation n'est plus tenable, elle conduit à l'impasse. Changer nos modes de vie ne relève plus de l'utopie, c'est devenu une nécessité. Ce changement concerne tous les citoyens, les associations, les ONG, les philosophes, les chercheurs, les artistes, les écrivains, les entrepreneurs, les politiques.


vendredi 21 décembre 2012

Contes brefs 26 : Le dictionnaire rouge




L'enfant voulait avoir pour Noël un beau dictionnaire rouge avec des pages entières remplies de dessins, un dictionnaire du bonheur, disait-il. Et le dictionnaire était là devant lui.
Il l'ouvrait au hasard et il y trouvait les mots qu'il aimait ; les autres avaient été effacés.
Ce jeu-là l'amusait beaucoup, alors il recommença plusieurs fois...
Il ouvrit le dictionnaire, les yeux fermés, puis il regarda sur quelle lettre il était tombé.
C'était la lettre H... 
et il entendit une voix qui lui disait :

« Effacées les Habitudes qui tuent l'imagination,
la Haine qu'entretiennent les barbares,
effacées l'Horreur et l'Hypocrisie.

Haschisch des sans espoir,
Hantise des hallucinés,
Hécatombes des guerres qui offrent en Holocauste leurs millions de martyrs, gommés à tout jamais.
Rayé Hitler Honte d'une Humanité qui inventa la bombe H
H comme Hiroshima.
Hiroshima rappelle-toi ce nom quand tu seras plus grand... »

Il ne comprenait pas tous les mots qu'il entendait mais cela lui plaisait car la voix était fort agréable.

Les pages du dictionnaire étaient ornées de beaux dessins. On y trouvait des îles paradisiaques, des cascades magnifiques, de très grands arbres qui touchaient le ciel.
Quand il tomba sur le mot bonheur, Il fut étonné de voir que ce mot n'était pas illustré.
Peut-être parce que le bonheur, c'est trop difficile de le dessiner, se dit-il.

Et puis soudain on entendit chanter le coq de la ferme voisine.
L'homme se réveilla, alla jusqu'à son bureau et nota dans son journal :
J'écris ce matin avec l'enthousiasme de l'enfant que je fus autrefois. Je viens de faire un beau rêve et j'ai compris que rien n'était impossible...

mercredi 19 décembre 2012

Le message de Neruda



«Je veux vivre dans un pays où il n'y ait pas d'excommuniés.
Je veux vivre dans un monde où les êtres soient seulement humains, sans autres titres que celui-ci, sans être obsédés par une règle, par un mot, par une étiquette...

Je veux que l'immense majorité, la seule majorité : tout le monde, puisse parler, lire, écouter, s'épanouir.»
Pablo Neruda - Confieso que he vivido (1974)

Quand j'ai commencé à lire Pablo Neruda, le poète chilien vivait encore. Il mourut le 23 septembre 1973, dans des circonstances qui ne sont pas encore éclaircies, douze jours seulement après la chute de Salvador Allende. Sa maison avait été saccagée, ses livres brûlés. Toute sa vie avait été consacrée à la défense des libertés, des pauvres, de la paix. Il fut un grand poète, un poète engagé.
A la même époque, existait un courant poétique qui avait choisi l'hermétisme pour exprimer la solitude, la détresse, la résignation des auteurs. Ceux-ci promenaient sur notre monde un regard désabusé. Il n'y avait pas d'espoir dans leurs vers qui disaient le mal de vivre, qui nous renvoyaient les images désabusées d'un monde déshumanisé, sans amour, sans issue.

La poésie de Neruda tranche avec cette vision. Lui aussi a souffert, il nous le dit, mais son destin a été aussi « de lutter, d'aimer et de chanter ».
Aimer, lutter, se tourner vers les autres, les comprendre : ce fut sa récompense.
Par sa simplicité vraie, Neruda est devenu le poète de son peuple, le poète de tous les peuples. En mettant sa poésie au service des autres, il a réussi une œuvre admirable et il a réussi sa vie.
Alors que les poètes du nouveau réalisme s'enfermaient dans l'égocentrisme et subissaient leur destin, avec lucidité certes, mais sans espoir, Pablo Neruda représente le courage, la lutte, le triomphe de la vie.
Dans le monde d'aujourd'hui, englué dans la tourmente bien plus qu'il y a quarante ans, son message a gardé toute sa force.
Il nous dit qu'on ne peut ignorer la misère des hommes, la haine, l'intolérance, qu'il faut les dénoncer avec toujours plus de vigueur en pensant aux enfants de demain, pour qu'ils aient la chance, eux aussi, de s'étonner devant le spectacle d'une goutte de rosée sur l'herbe du matin.

lundi 17 décembre 2012

Les grands singes et l'homme



" 99% des 3 milliards de paires de bases formant notre double hélice d'ADN sont identiques à celles du chimpanzé" 
(Anne Chemin - Le Monde du 15 décembre 2012)

Lorsque j'étais enfant, les grands singes m'intriguaient . J'éprouvais de la sympathie pour eux. Ils me semblaient si proches de nous ! A dix ans, dans une librairie, je suis tombé sur un ouvrage qui s'intitulait  Jusqu'où le singe est-il un homme ? A l'époque, les connaissances étaient beaucoup moins avancées qu'aujourd'hui. La primatologie était encore balbutiante. Cependant ce livre m'avait apporté de nombreuses informations troublantes. Le fait de savoir que l'homme et le singe avaient des ancêtres communs changea le regard que j'avais sur eux et contribua à modifier la perception que j'avais des rapports avec l'animal. La lecture de Darwin et la connaissance des lois de l'écologie, une dizaine d'années plus tard,   ont renforcé mes convictions.

Je me souviens d'avoir  visité, quand j'étais adolescent,  un zoo par un bel après-midi de juillet. Le soleil inondait les allées du parc. Je me suis soudain retrouvé dans un couloir sombre où se trouvaient les gorilles, les orangs-outans et les chimpanzés.
Je me suis attardé devant la cage où vivait un chimpanzé. Il tournait en rond, puis s'arrêta quelques instants pour se gratter, grimpa sur un tronc d'arbre factice et se mit à regarder les visiteurs. Quelques instants plus tard, il s'approcha des barreaux.
La profondeur de son regard m'étonna. Ses yeux exprimaient la tristesse de la captivité.
A quoi songeait-il ? Sans doute à sa forêt natale, aux arbres sur lesquels il grimpait pour faire une courte sieste ou pour passer la nuit ? Aux chasses qui lui demandaient intelligence, habileté et patience ?
Ce regard triste m'a marqué. Je ne supporte plus l'enfermement d'un animal dans une cage, que ce soit dans un zoo ou d'un cirque.

Les animaux possèdent une intelligence, sont des êtres sensibles. Quand tout le monde en aura conscience, les faire souffrir ou les tuer pour les manger, paraîtra inconcevable.



mercredi 12 décembre 2012

Fêtes



"Je n'aime pas les lendemains de fête
la mélancolie
des mines défaites."



L'esprit de la fête fait partie de l'histoire des hommes.
Dans un passé lointain, la fête était une pause au milieu des durs travaux. C'était une brève période de défoulement, de frénésie, une évasion hors de soi-même.
A une époque marquée par le cycle des saisons qui imposait sa loi et laissait souvent craindre de mauvaises récoltes et de longues périodes de disette, les jours de fête étaient des moments où l'on n'hésitait pas à gaspiller, à faire des d'excès de toutes sortes. Ainsi célébrait-on les feux de la Saint-Jean ou Noël qui correspondait au solstice d'hiver.

Lorsque la religion chrétienne s'est imposée dans le monde occidental, les fêtes païennes se sont adaptées au monde chrétien, le religieux se mêlant au profane, les prières aux festins.
Cette conception de la fête s'est prolongée pendant des siècles.
Puis est venu le temps  de la société de consommation avec ses excès pour une partie de la population pendant que d'autres n'ont même pas un toit.

lundi 10 décembre 2012

Après Doha


Grosse colère, en attendant 2015



A vrai dire, on n'attendait pas grand-chose du sommet de Doha, car les pays les plus industrialisés de la planète, donc les plus pollueurs, nous ont habitué lors des sommets précédents à leur position irresponsable, à leur refus de voir la réalité décrite par la communauté scientifique.
Cette attitude provoque la colère car plus le temps passe, plus les risques augmentent. L'accord obtenu ce week-end qui engage une dizaine de pays, l'Australie et l'Union européenne à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020 représente seulement 15 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Ce faible pourcentage est la preuve que le sommet de Doha a été un échec.

Colère encore des pays du Sud qui espéraient un engagement des pays développés à hauteur de 60 milliards de dollars d'ici 2015 qui auraient permis la transition entre l'aide d'urgence et la promesse des 100 milliards par an d'ici 2020, ce qui a fait dire au représentant de l'Alliance des petits Etats insulaires (Aosis) : "Ce processus ne produit que des mots et pas d'action". Un jugement qui résume bien ce qu'a été le sommet.

Colère des associations qui se battent au quotidien pour agir sur le terrain et convaincre les citoyens d'avoir un comportement responsable et qui voient leur action pédagogique mise à mal par l'attitude de pays tels que les Etats-Unis d'Amérique ou la Chine.

Colère devant ce gâchis qui s'aggrave chaque jour : multiplication des catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique, appauvrissement de la biodiversité, diminution des terres agricoles, extension des zones désertiques. Et les décisions importantes toujours remises à plus tard.
Prochain rendez-vous : 2015.
D'ici là, les mobilisations citoyennes auront pour but de renverser la pesante tendance à l'inertie.



vendredi 7 décembre 2012

Les gens (24) : Une mère


Madame Nicolin

Elle est là, dans la salle d'attente, depuis plus d'une demi-heure. Le temps lui semble interminable. Elle est de plus en plus angoissée ; depuis trois jours elle n'a pas dormi.
Que va lui dire le docteur ?
Soudain la porte du cabinet s'ouvre, le médecin vient vers elle et lui tend la main : 
- Bonjour madame Nicolin, comment allez-vous ?
Elle bredouille quelques mots, le médecin la connaît bien, il lui parle avec douceur.
- Installez-vous, madame...

Elle appréhende ce qu'il va lui dire ; quelques minutes plus tard, elle entend la phrase du docteur. Le diagnostic s'abat sur elle,tel le verdict qui condamne l'accusé. Elle n'en peut plus. A bout de nerfs, elle se met à pleurer. Elle maudit son mari qui ne veut rien faire pour éviter ces grossesses à répétition, elle maudit le sort qui l'a fait naître femme.
Elle a déjà six enfants et à quarante-deux ans, en avoir un septième ,est une catastrophe...

Elle rentre chez elle, désespérée, et retrouve son mari et ses enfants. Seul manque l'aîné : il a quinze ans et il est apprenti depuis un an à la scierie du village voisin. Les petits ont étalé leurs jouets sur le carrelage, les plus grands jouent aux cartes. Le mari est assis dans son fauteuil usé, le regard vague. Il y a trois mois, il est tombé d'un toit en travaillant et il se remet difficilement de son accident.
Elle attendra le soir pour lui apprendre la nouvelle.

Mauricette Nicolin regarde ses enfants. Elle les trouve beaux ; elle ne les a pas désirés mais elle les aime plus que tout.

C'est un beau jour d'été. Le gouvernement vient d'accorder deux semaines de congés payés aux travailleurs. L'été aurait pu être magique, mais Mauricette sait que les vacances ne sont pas pour elle. Elle ne partira pas cette année, elle doute même de partir les années qui suivront. Un jour peut-être, quand les enfants auront quitté la maison ?

Cinq mois plus tard, le 15 janvier 1937, la famille s'agrandissait. Mauricette espérait une fille, ce fut encore un garçon.



mercredi 5 décembre 2012

Le Louvre-Lens symbole d'un renouveau




  Le musée du Louvre-Lens qu'on vient d'inaugurer  a été accueilli par la population du Nord comme un signe d'espoir ; il est pour l'ex-bassin minier le symbole d'un renouveau longtemps attendu.

   Ce musée est un lien entre un passé qui fut à la fois glorieux et douloureux, et un avenir qui commence à se dessiner. 
Il dresse sa masse d'aluminium et de verre résolument moderne au milieu des terrils et des vieilles maisons de briques rouges que la population a tenu à préserver pour rendre hommage aux mineurs de tous âges et de nationalités diverses qui pendant des décennies sont descendus au fond de la mine, abîmant leur santé, y laissant trop souvent leur vie.

  Et ce musée apporte dans cette région - qui pendant plus d'un siècle symbolisa l'ère industrielle – le meilleur de la culture, des tableaux de grands maîtres, des sculptures, représentant 50 siècles d'art.

  Il a fallu plusieurs décennies pour que les gens du Nord acceptent l'évolution qui devenait inévitable. Ces gens avaient connu les tâches les plus pénibles, le travail en mer pour les uns, la chaleur des hauts-fourneaux pour les autres, les gestes répétitifs de l'industrie textile, la poussière de charbon et le risque du coup de grisou... Le travail représentait pour eux de la sueur, de la vaillance ; la révolte venait en dernier recours.

  Lorsque les usines ont commencé à fermer, lorsque la dernière mine s'est arrêtée, il a fallu se tourner vers de nouvelles activités. Le tourisme a été le premier signe du changement. Je me souviens des réticences d'acteurs locaux pensant que les nouveaux axes de développement – les activités de loisirs, la culture, le tourisme – seraient voués à l'échec.

  Le Louvre-Lens va permettre de démocratiser la culture et sera un outil de développement économique, en favorisant le tourisme et en donnant de la région une image positive, permettant d'effacer les vieux clichés véhiculés depuis des dizaines d'années sur le Nord et d'attirer ainsi de nouveaux acteurs économiques. Il marque une nouvelle étape du renouveau de la région.

Chroniques les plus lues