Une idée toujours pertinente
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Dix avis sur la décroissance * |
Au début des années 2000, on assista à l'émergence d'un mouvement qui fit parler de lui et fit la une de plusieurs magazines, comme c'est le cas aujourd'hui pour le veganisme. Il s'agissait de la décroissance.
Ce phénomène traduisait une prise de conscience plus forte des risques planétaires, à la fois sur le plan environnemental (dérèglement climatique, appauvrissement de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles, problème de l'eau...) et sur le plan humain (crise urbaine, maladies liées à la pollution, montée des exclusions...)
Présenté par certains de ses partisans comme une idée neuve, le concept de décroissance avait été développé au milieu du siècle précédent par certains penseurs qui voyaient là une solution à la crise globale qui commençait à toucher la société industrielle. Il inspira les choix de société faits par les mouvements écologistes dans la foulée de mai 1968.
Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994) économiste né en Roumanie, considéré parfois comme le « père » de la décroissance, a contribué par ses travaux sur la physique thermodynamique et la biologie évolutionniste à définir une économie qui remet en cause la croissance. En 1972, André Gorz introduisait le terme de non-croissance, décliné par le Club de Rome sous l'appellation croissance zéro.
En 2002, sous le patronage d'Ivan Illich, un colloque avait eu lieu à Paris sur ce thème. Il s'intitulait Défaire le développement, refaire le monde. Ce titre annonçait clairement qu'il fallait abandonner l'idée de développement et construire un autre monde basé sur la décroissance.
En 2005 l'association Casseurs de Pub, très active, menait des actions médiatiques dénonçant la société de consommation.
La même année, au mois d'octobre, les Etats Généraux de la décroissance équitable étaient lancés à Lyon à l'initiative de partisans de la décroissance parmi lesquels on comptait Paul Ariès, Jean-Claude Besson-Gérard, des rédacteurs du journal La Décroissance...
J'ai participé à cette initiative qui réunissait une mouvance multiforme qu'on aurait aimé voir travailler ensemble. Mais les différences étaient trop fortes entre ceux qui préféraient s'en tenir à la promotion d'actions individuelles et ceux qui voulaient faire entrer rapidement la décroissance dans le champ politique en présentant des candidats aux élections.
La mise en commun des positions diversifiées n'a pu se faire. Les décroissantistes n'ont pas su tirer la leçon de l'échec relatif de l'écologisme et la mouvance dispersée a été peu à peu moins visible.
Pourtant, dix ans plus tard, le concept reste toujours aussi pertinent. Plus que jamais, le choix d'une société tournant le dos à une croissance sans limites s'impose.
D'ores et déjà des citoyens ont changé leurs habitudes et réduit leur impact écologique. Mais l'addition de comportements vertueux ne saurait suffire pour résoudre les déséquilibres planétaires.
Le développement d'actions menées au niveau international par les citoyens et les associations pour peser dans l'urgence sur les décisions politiques est bien sûr utile mais l'engagement des gouvernements des pays développés est aussi nécessaire. Ceux-ci doivent comprendre qu'on ne peut plus mener des politiques basées sur la croissance et qu'il faut s'appuyer sur une autre logique, sur d'autres valeurs que le productivisme - qu' il soit capitaliste ou communiste – afin de rétablir les équilibres environnementaux et sociaux.
Pour cela il faut mettre en place une société basée sur la sobriété (ou simplicité volontaire) dans les pays riches et l'équité afin que les populations des pays du Sud et les exclus des pays riches aient accès aux besoins vitaux (eau, nourriture, santé, éducation, logement...)
* Ouvrage coordonné par Baptiste Mylondo. Dans ce livre auquel j'ai collaboré, politiques, sociologue, économiste donnent leur vision de la décroissance.