L'herbe:
sur l'herbe je n'ai rien à dire
mais
encore quels sont ces bruits
ces
bruits du jour et de la nuit
Le
vent : sur le vent je n'ai rien à dire »
Ces
quatre vers sont extraits du roman autobiographique Chêne
et chien, de Raymond Queneau ; il est entièrement écrit en vers. Tout à coup, de façon
apparemment disparate, l'auteur cite certains mots usuels : herbe,
vent, chêne, rat, sable, chien ... pour nous dire ...qu'il n'a
rien à dire.
Bien
sûr, il n'en est rien.
Est-ce
une panne d'inspiration ? Sûrement pas ! Tout au long du
poème, Queneau associe au mot sur lequel il affirme n'avoir rien à
dire une suite de mots. Et dans ces vers il démontre sa puissance
poétique, son inventivité. L'effet de surprise produit par
ces associations d'idées relève de la vraie poésie.
Ne
rien dire. Il arrive qu'un poète perde brutalement la capacité
d'exprimer ce qu'il ressent. Arthur Rimbaud, sans doute le plus grand
poète français, en est l'exemple le plus étonnant : génial
à 17 ans quand il écrit le Bateau ivre, il abandonne quelques
années plus tard la poésie pour le négoce. Il n'écrira plus
jamais. Son cas reste une énigme.
Et
il y a tous ceux – parce qu'ils n'ont jamais essayé ou que la
société a étouffé leur créativité – qui n'ont jamais réussi
à mettre sur le papier ce qu'ils éprouvaient devant une scène
vue, devant un paysage étonnant par son immensité ou sa beauté.
Ceux-là se contentent de regarder. Ils ne disent rien mais derrière
le silence se cache une sensibilité. C'est ce qui compte le plus.
Enfin
il y a les autres, ceux qui n'ont jamais pensé à admirer un coucher de soleil. Ils respirent, mangent, comptent, dépensent, mais passent à côté de la vraie vie.
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