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vendredi 27 janvier 2012

La liberté de la presse




Reporters Sans Frontières  vient de faire connaître son classement des pays en ce qui concerne la liberté de la presse. Comme dans toute évaluation, il y a bien sûr une part de subjectivité et le choix des paramètres retenus peut être discuté. Ces précautions prises, on peut dire que le résultat final offre peu de surprises : dans les 179 pays évalués, la liberté de la presse va de pair avec l’état de la démocratie. C’est ainsi que les pays où  règne la dictature se retrouvent logiquement en queue de peloton : il s’agit de l'Erythrée, du Turkménistan et de la Corée du Nord, suivis de près par la Syrie, l'Iran et la Chine.
Et l’on trouve en tête de ce classement  des pays reconnus depuis longtemps pour la façon dont ils garantissent les libertés publiques : les pays nordiques ( Finlande, Norvège, Suède), l'Allemagne,  la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, le Canada et aussi la Namibie et le Cap Vert.
 D’autres pays démocratiques sont montrées du doigt par RSF : les Etats-Unis, l’Espagne, l’Italie…et la France (38e dans ce classement). Des pratiques telles que les perquisitions dans certaines rédactions, la mise en examen de journalistes, les tentatives d’atteinte au respect des sources, s’y produisent de façon inquiétante. 
En France, notamment, le désir de contrôler l’information est devenu une évidence. Les pressions exercées par le pouvoir auprès des radios et des télés, la nomination depuis 2010 du président de France Télévisions directement par le chef de l’Etat, le rôle de plus en plus important de l’argent qui pèse sur la presse, sont quelques-uns des faits qui nuisent à l’expression libre des journalistes.

vendredi 20 janvier 2012

Contes brefs (18) : Une forme de vanité




   Dans la commune de Saint-Pierre, il y a une rue qui porte le nom d'Ernest Businard. Chaque année des centaines de personnes écrivent ce nom sur une enveloppe. Certains se posent parfois la question : — Qui était ce Businard ? Un écrivain régional, un grand résistant, un inventeur méconnu ?
   Pas du tout. Ernest Businard était  commerçant. Il avait repris  au début des années 60 la quincaillerie de ses parents, un magasin que la famille possédait depuis trois générations. 

  Ernest Businard n'avait jamais fait parler de lui. C'était un homme de petite taille, légèrement bedonnant. Son visage joufflu lui donnait un air plutôt sympathique. Il avait un nez épaté que  de fines lunettes rendaient encore plus court. À près de soixante ans, le quincaillier paraissait encore jeune. Complexé par une calvitie survenue à la trentaine, il avait choisi de la cacher en portant une perruque. Ernest était célibataire. Sa mère et une vieille tante lui tenaient compagnie.

   Un soir d’hiver, au début de l’année 1975, il se retrouva seul dans sa vaste maison. Sa mère venait d’être hospitalisée et sa tante passait quelques jours chez sa fille. Ernest Businard n’avait pas le moral. Il n’arrivait pas à se concentrer sur le livre qu’il venait d’entamer. Des idées noires lui traversaient l’esprit : il venait de prendre conscience qu’il n’aurait pas de descendance et que le nom qu’il portait était condamné à disparaître.
   Pendant des semaines, cette idée le hanta. Il imagina différents moyens de laisser une trace après sa mort ; certains lui semblaient irréalistes car il n’avait pas le talent nécessaire, d’autres lui paraissaient dangereux et ne correspondaient pas à son caractère. Et puis un jour il eut une idée toute simple :
— Si je devenais maire de Saint-Pierre ? se dit-il. Dans beaucoup de communes, des rues, des places, des salles, portent le nom d’un ancien maire. Moi aussi je pourrais avoir le mien sur une plaque de  la rue principale.
Businard n’avait jamais fait connaître ses idées politiques. Dans un petit village, c’est plutôt une bonne chose, pensait-il.

   Aux élections qui suivirent, le maire sortant, un agriculteur octogénaire, ne se représenta pas. Ernest Businard conduisit une liste intitulée « Pour l’avenir de Saint-Pierre ». Il avait en face de lui une liste menée par l’instituteur, un homme qui ne cachait pas des idées " très à gauche". Businard l’emporta largement.

   Il exerça ainsi trois mandats consécutifs. Le quatrième s’interrompit brutalement, à la suite d’un accident qui lui fut fatal.
Quelques mois auparavant, il avait fait savoir à son premier adjoint que son vœu le plus cher était de voir son nom inscrit sur la salle de sports et sur la rue principale de la commune.
Quelques mois après sa disparition, ce vœu  a été exaucé.

lundi 9 janvier 2012

Un étonnant coup d'état (fin)


Un an plus tard

( Ceci est la suite des billets du 19 décembre  et du 30 décembre 2011)



Albéric Lenouard avait passé deux semaines à Santa Rosa. Le souffle nouveau de liberté y était visible et on sentait les gens heureux. Il n’y avait eu aucun débordement dans le pays. La seule question qui aurait pu diviser la population — Que faut-il faire du dictateur déchu ? — s’était résolue simplement : le vieil homme pris de panique avait tenté de se réfugier dans une île qu’il possédait. Son bateau, pris dans une forte tempête, s’était fracassé sur les rochers et le dictateur s’était noyé.
Le 23 décembre 2042,  jour anniversaire du début de la révolution des rubans ( c’est ainsi que la presse l’avait nommée), Albéric était de retour  à Santa Rosa pour observer la situation du pays.
Dès son arrivée, il fut frappé par la métamorphose du paysage. L’air lui parut plus doux à respirer. On lui expliqua qu’un plan d’urgence avait été établi. Il prévoyait la plantation de millions  de lapachos, de cerisiers, de pommiers, d’hévéas. Phénomène contraire à ce qui s’était passé en Europe deux siècles plus tôt, on voyait les gens quitter les villes inhumaines, les usines tristes, les bureaux sinistres, pour venir s’installer à la campagne. Beaucoup  de gens travaillaient chez eux et cultivaient un coin de terre. Ce mouvement avait entraîné une énorme chute des ventes dans les immenses magasins  qui bientôt seraient  condamnés à fermer. Ce n’était pas dramatique, bien au contraire. Les gens faisaient désormais leurs courses près de chez eux et les petits magasins où l’on trouvait les produits de la région florissaient.
Mais ce qui étonna le plus Albéric, ce fut la réforme de l’école, un élément essentiel de la nouvelle politique, selon Diego, un jeune professeur qui  lui en parla avec enthousiasme :
 — Dans l’ancien régime, expliqua-t-il, l’enseignement était au service des pouvoirs qui étaient tous détenus par le dictateur et  sa famille. On apprenait aux élèves comment devenir de bons soldats, de bons consommateurs, des  travailleurs qui exécutent les tâches le plus vite possible et sans rechigner. Les plus riches réussissaient leurs examens, les autres occupaient des postes subalternes ou ne trouvaient pas de travail.
Avec la réforme, les notes ont été supprimées et les examens qui sont des machines à exclure ont disparu. Tout le monde aura les mêmes chances, chacun pourra voir son projet de vie aboutir. Les enseignants ne participeront plus à la sélection des élèves, ils les aideront à découvrir ce qu’est la vraie vie : le chant, la poésie, la danse, l‘amitié, l‘amour des gens et de la nature…
Albéric écoutait le jeune professeur avec ravissement. 
— Ainsi, pensait-il, les utopies auxquelles je croyais dans ma jeunesse sont en train de se réaliser ! Je n’y croyais pas trop, même si je l’espérais.
Et il se mettait à rêver de voir prochainement le reste du monde  s’inspirer de cette révolution douce.



vendredi 6 janvier 2012

Convivialité, le mot de la semaine (61)


Chaque semaine, voici — à partir d’un mot —  une   réflexion développée brièvement. 

          Aujourd’hui,  le mot :   convivialité




Nous  vivons dans une société rude. Les rapports humains y sont difficiles. Les inégalités sociales, les pesanteurs de la hiérarchie, ne favorisent pas les rapports positifs. L’esprit de compétition, la volonté de domination sont un obstacle majeur à la convivialité. Ce mot, de nos jours, n’a souvent qu’un sens restreint : on l’associe à l’idée de réunion entre amis ou membres d’une famille, autour d’un repas.
Dans la société post-industrielle, la convivialité sera un principe de base. Les rapports  positifs ne concerneront plus comme aujourd’hui de petits cercles mais  tous les membres de la société. Le mot convivialité prendra alors un sens plus large, celui qu’Ivan Illich lui a donné pour définir une nouvelle vision du travail, du rapport entre l‘homme et l‘outil :
« J'entends par convivialité l’inverse de la productivité industrielle... 
La convivialité est la liberté individuelle réalisée dans la relation de production au sein d’une société dotée d’outils efficaces. »
Ce passage de la productivité à la convivialité offre des perspectives immenses ; c’est pour l’être humain la promesse d’un épanouissement dans le travail, la fin d'un enfermement, l'accès à la liberté dans la vie sociale.


mercredi 4 janvier 2012

En marchant (3)


ALORS  VINT  L’HEURE DE LA VOITURE…

Pour ceux qui sont nés après 1960, il est sans doute difficile d’appréhender la rapidité avec  laquelle se sont exercées les mutations qui ont bouleversé le monde dans la deuxième moitié du 20e siècle.
Depuis leur naissance, ils vivent quotidiennement avec la télévision et l’ordinateur ; ils écoutent la musique qu’ils aiment, chez eux sur des chaînes hi-fi perfectionnées et partout où ils vont, sur des appareils portables. 
Bref, ils vivent entourés d’une technologie dont  ils ne songeraient même pas à se passer. Mais ce qui a le plus changé la vie des gens dans les pays industrialisés, au cours de ces 50 dernières années, c’est la place prise par l’automobile. Elle a modifié nos habitudes dans tous les domaines (aller au travail, faire les courses, partir en vacances…)
Dans les années qui ont suivi la seconde guerre mondiale, avoir une voiture était un symbole de réussite sociale. Dans les familles modestes, on marchait ou on prenait son vélo  et, pour parcourir de plus  longues distances, on choisissait le train.
Les enfants allaient en classe à pied. Certains faisaient ainsi plusieurs kilomètres par jour. Beaucoup d’ouvriers allaient à l’usine à pied ; ils venaient des villages voisins le matin, on les voyait repasser le soir. Cela représentait pour certaines d’entre eux deux heures de marche tous les jours.
On faisait les courses près de chez soi. Il y avait dans chaque village une épicerie, une boulangerie, une boucherie et souvent un de ces magasins miraculeux où l’on trouvait toutes sortes d’articles : des pantoufles, un couteau suisse, du papier peint, des jouets, des cahiers et des gommes…
On marchait jusqu’à la ferme pour acheter le lait, les œufs et le beurre.


Quand venait l’été, on ne cherchait pas le bonheur à des milliers de kilomètres de chez soi. Mes meilleurs souvenirs de vacances lorsque j’étais enfant, ce sont ces belles journées où nous partions vers la mer en famille, à pied. Nous passions par de petits chemins, à travers champs. Vers midi, nous mangions les moules cueillies quelques instants plus tôt sur les rochers. Elles cuisaient sur un feu de bois et c’était un délice. Nous avions parcouru dans la journée une quinzaine de kilomètres et nous rentrions le soir fatigués et heureux.
Bien sûr, il n’est pas question d’idéaliser cette époque. La vie était rude, les injustices sociales étaient flagrantes. Mais cette façon de vivre avait un mérite : la majorité des gens pratiquaient la sobriété et il n’y avait pas, comme aujourd’hui, cette envie de posséder toujours plus et l’angoisse créée par notre mode de vie qui amène toute personne responsable à se poser cette question lancinante : Quel avenir préparons-nous pour nos enfants ?

( à suivre)












lundi 2 janvier 2012

Que ferons-nous de 2012 ?




Au-delà de la tradition qui veut que l’on adresse au début de chaque  année ses vœux à la famille, aux amis, aux personnes que l’on connaît, il y a l’opportunité de prendre de bonnes résolutions et celle de réaffirmer des convictions.
En ce sens, la formule de la ligue ROC que préside  Hubert Reeves : «  Faisons ensemble ce qu’il faut pour que l’année soit la meilleure possible » me plaît.  Je vois dans les diverses  échéances de 2012 des occasions  de contribuer aux changements nécessaires.

D’abord, pour la planète. Retenons cette date : du 20 au 23 juin, se tiendra la réunion de Rio, 20 ans après le sommet de la Terre qui avait marqué la prise de conscience par les Etats de l’aggravation des  problèmes écologiques
Le thème retenu est : l’économie verte.
Après les calamiteuses réunions de Copenhague et Durban sur le changement climatique, ce sommet sera forcément attendu.
Tout partisan du développement soutenable sait qu’une économie réellement verte est impossible dans le cadre de la société industrielle actuelle. Dans les mois qui viennent, le rôle des associations écologistes sera capital. Mobilisons-nous et rappelons qu’une économie durable doit aussi être équitable et avoir une éthique, ce qui implique de ne plus faire  du profit le moteur de l’activité économique.

Si les grandes décisions sont prises au niveau mondial, chaque pays garde  heureusement le pouvoir d’agir en faveur du bien-être de ses habitants. C’est ainsi que  plusieurs états ont fait le choix d’abandonner le nucléaire, énergie coûteuse et dangereuse. L’élection présidentielle en France sera l’occasion d’exprimer le souhait des citoyens. Personnellement je juge malsain le climat créé ces dernières années par de nombreux faits et déclarations de caractère xénophobe voire raciste. La peur de l’étranger est un thème éculé, sans fondement, un discours honteux. Faisons en sorte que notre pays redevienne en 2012 une terre d’accueil.

Enfin, il faut souhaiter que chaque citoyen vivant dans les pays industrialisés puisse se libérer de l’emprise qu’exercent  sur lui ceux qui le poussent à consommer sans fin, ceux qui font croire que la possession de gadgets à la mode est synonyme de bonheur. 
Rendre chaque individu autonome pour qu’il ne soit plus  prisonnier du dogme de la croissance et de la consommation, c’est l’objectif à atteindre si nous voulons que l'humanité s'en sorte.

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