Depuis dimanche soir, les
commentaires sur le premier tour des élections municipales ont été
nombreux. Qu'il s'agisse de ceux faits par les politiques ou de ceux
des journalistes, ils abordent la question de manière
superficielle : les premiers n'analysent pas : ils pensent
au second tour, les seconds s'expriment dans l'immédiateté.
Ces commentaires
incomplets se rejoignent sur certains points : ils soulignent le
niveau élevé de l'abstention, les bons scores du FN dans certaines
villes et – malgré quelques exceptions ici et là - la chute
impressionnante du PS due à la déception des électeurs qui n'ont
pas retrouvé dans les actions menées depuis deux ans par le
gouvernement les promesses du candidat à la présidence.
Je voudrais pour ma part
apporter un autre éclairage, lié aux réflexions que je mène en
ce moment sur les enjeux de la transition écologique dont j'ai
déjà présenté quelques principes dans ce blog ( notamment dans
les billets intitulés Changer d'ère et
récemment dans Les anonymes).
Rappelons au passage que
l'idée de transition est née du constat que la société
mondialisée était au bord du gouffre et qu'elle n'offrait aucune
piste crédible pour s'attaquer aux problèmes environnementaux, mais
aussi aux questions sociales et économiques.
Si dimanche dernier les
questions environnementales n'ont pas joué un rôle fondamental dans
le choix des électeurs ( malgré un score honorable des
écologistes), l'aggravation des inégalités sociales et le rejet
d'une certaine façon de faire de la politique ont conduit de
nombreux électeurs à s'abstenir ou à voter pour la droite extrême.
Comment en est-on arrivé
là ?
En France, l'Assemblée
constituante avait jeté les bases d'une société plus juste en
décidant, lors de la fameuse nuit du 4 août 1789, d'en finir avec
le « régime féodal » et avait supprimé tous les
privilèges.
On
s'est vite éloigné de l'idéal révolutionnaire de 89, exprimé par
la devise républicaine.
Dans son livre La
société des égaux (éditions
du Seuil), Pierre Rosanvallon écrit que l'égalité signifie que
« nul n'est soumis à la volonté d'autrui »*,
c'est-à-dire que chaque personne a droit à l'autonomie, que dans
ses relations sociales, elle s'exprime librement, en toute
indépendance.
Le
rapport le plus inégal entre les hommes avait été l'esclavage ;
en garantissant dès la naissance l'égalité pour tous, la
République apportait la liberté, l'émancipation.
Or,
cette égalité inscrite dans les textes, n'a jamais été une
réalité. Dans les usines et les bureaux, la hiérarchie a imposé
sa domination, les notables de la politique et les prétendues élites
ont regardé les gens du peuple avec condescendance. L'égalité des
chances devant les études et le travail n'a jamais existé. Mais
grâce aux combats menés par les travailleurs au cours des 19e et
20e siècles, les inégalités sociales se sont progressivement
réduites.
À
partir des années 80, observe Pierre Rosanvallon, les choses ont
changé : « Nous sommes au cœur
d'une contre-révolution » écrit-il.
Les
inégalités se sont accrues : il s'agit d'un phénomène
mondial ( 3 milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars
et demi par jour et 1% de la population mondiale détient la moitié
des richesses * ).
La
France n'échappe pas à ce phénomène : les droits
fondamentaux n'existent plus pour ceux qui sont privés de
travail ( on ne parle même plus de plein emploi), l'accès au
logement devient de plus en plus difficile, la grande pauvreté à
laquelle on avait promis de s'attaquer persiste.
Certains
exploitent cette situation en proposant des idées contraires aux
principes républicains : ils rejettent l'égalité et lui
préfèrent l'idée de supériorité, ils rejettent la fraternité et
prônent la division et l'exclusion. Sans égalité et sans
solidarité, les libertés n'existeraient plus.
Aujourd'hui,
dénoncer ces théories conservatrices et dangereuses ne suffit plus.
La
seule issue possible est de s'attaquer dès maintenant à l'injustice
sociale.
C'est l'une des priorités de la transition : rétablir les
équilibres écologiques et sociaux, et construire une société conviviale dans laquelle chacun serait libre et solidaire des autres.
* La société des égaux
p.39
* source : Oxfam
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