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lundi 20 février 2012

Les gens (30) : Fatou femme de pêcheur



   J'ai rencontré à Saint-Louis,au Sénégal, des femmes formidables qui se battaient pour défendre la pêche artisanale, d'autres qui luttaient pour le respect de l'environnement. Elles m'ont étonné par leur courage et leur intelligence. Voici le portrait de l'une d'elles.

   Les yeux fixés sur l’océan, Fatou avance lentement sur le sable, entre les grandes tables où sèche le poisson. Ce matin, son mari est parti en mer sur la  pirogue qui lui paraît si fragile quand elle la voit s’éloigner. Tant qu’il ne sera pas rentré, Fatou sera angoissée. Elle sait que le métier de pêcheur est  dangereux, que  chaque année des hommes disparaissent en mer. Son père et l’un de ses oncles qui savaient à peine nager   ne sont jamais revenus de la pêche et quand elle voit la pirogue de  Malick    partir, elle ne peut s’empêcher de penser au danger qui le menace.

  Fatou marche avec élégance, dans son boubou aux grandes taches bleues, jaunes et vertes ; le moussor assorti à sa robe la protège du soleil. C’est une  femme jeune et d’une grande beauté. Elle aime le village de pêcheurs dans lequel elle est née mais depuis qu’elle a eu l’occasion de se rendre à Paris, à Bruxelles, pour défendre la cause des femmes de pêcheurs africaines, il lui arrive de douter et parfois même de regretter l’existence qu’elle mène.
Elle rêvait d’être institutrice, la naissance d’un bébé alors qu’elle avait à peine dix-sept ans  a changé son destin. Depuis une dizaine d’années, elle se bat avec acharnement pour améliorer les conditions de vie dans le village. Mais quand la fatigue la gagne, elle repense aux séjours qu’elle a faits en Europe, au confort des hôtels où elle pouvait s'allonger dans une baignoire, aux boutiques parisiennes où elle avait vu tant de  choses tentantes. 
Sa vie n’est pas facile, les moments de joie sont rares et les luttes qu’elle mène depuis des années ne donnent pas les résultats espérés.
   Fatou poursuit sa marche. Elle arrive maintenant sur le long pont qui enjambe le fleuve et elle aperçoit les grandes maisons blanches qui rappellent l’époque coloniale. Elle songe tout à coup à ces jeunes filles qui se mariaient autrefois avec des hommes riches bien plus âgés qu’elles pour échapper à la pauvreté. Cet épisode de l’histoire du pays l’attriste et en même temps la met en colère.
Car elle a honte d’avoir elle aussi, de temps en temps, l’envie de goûter aux plaisirs d’une vie plus facile. Parfois l'idée d’abandonner les siens et de quitter son pays pour l’Europe ou l’Amérique traverse son esprit.
   Elle regrette aussitôt ces rêves insensés et elle sait qu’elle est assez forte pour ne pas céder aux  illusions qui ne mènent à rien.

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