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mardi 5 mai 2015

Carnet de bord : Une jupe trop longue

Le Carnet de Bord livre chaque semaine des réflexions sur notre époque, inspirées par mes activités, mes loisirs, mes sorties et l'actualité. Ces libres cheminements ont pour but de faire entendre « la rumeur du temps présent ».



Sur mon carnet de bord, j’ai noté cette semaine :
jeudi 30 avril : La radio annonce la mort de Patachou. Les jeunes générations ne la connaissent peut-être pas. Pour la mienne, elle représente la chanson populaire de qualité. Et bien sûr, on n’oubliera pas qu’elle a donné sa chance à Brassens. 
vendredi 1er mai : La fête du travail se déroule dans une ambiance morose ; et l’on est triste de voir - une fois encore - à cette occasion la désunion des syndicats.
samedi 2 : Au nom de la laïcité, on dit et on écrit n’importe quoi. Cela devient insupportable.
(Je développe ci-dessous)
dimanche 3 : Visite de la Cité internationale de la dentelle  et de la mode à Calais. On y croise beaucoup de monde. Conserver la mémoire des savoir-faire techniques est l’une des missions de l’action culturelle.

UNE JUPE TROP LONGUE

Avant d’émettre un avis sur l’épisode de cette jeune fille à qui on a reproché de porter une jupe trop longue pour se rendre au collège, je tiens à préciser mon attachement fort au principe de laïcité que j’ai servi tout au long de ma carrière d’enseignant.

A l’heure où certains politiques et essayistes s’emparent de la laïcité pour la détourner à des fins contraires à ce qu’elle est réellement, je pense nécessaire de rappeler ce qu’elle est.
Et pour cela, il suffit de retourner aux sources, celles qu’on nous enseignait lors de nos études dans les écoles normales : la lettre de Jules Ferry aux instituteurs :
« La loi du 28 mars (1882) se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d’une part, elle met en dehors du programme obligatoire l’enseignement de tout dogme particulier ; d’autre part, elle y place au premier rang l’enseignement moral et civique. L’instruction religieuse appartient aux familles et à l’Église, l’instruction morale à l’école. Le législateur n’a donc pas entendu faire une œuvre purement négative. Sans doute il a eu pour premier objet de séparer l’école de l’Église, d’assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui sont communes et indispensables à tous, de l’aveu de tous.»

La seconde partie de la lettre de Jules Ferry insistait sur l’importance de la   morale :
« Mais il y a autre chose dans la loi du 28 mars : elle affirme la volonté de fonder chez nous une éducation nationale, et de la fonder sur des notions du devoir et du droit que le législateur n’hésite pas à inscrire au nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer. Pour cette partie capitale de l’éducation, c’est sur vous, Monsieur, que les pouvoirs publics ont compté. En vous dispensant de l’enseignement religieux, on n’a pas songé à vous décharger de l’enseignement moral ; c’eût été vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru tout naturel que l’instituteur, en même temps qu’il apprend aux enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage ou du calcul ».

Dans cette perspective de la laïcité, la morale - enseignée essentiellement par l’exemple - apprend aux jeunes à vivre ensemble, à respecter les autres, à avoir un comportement responsable.

Les lois qui ont défini la laïcité, notamment celle de 1905, ont précisé les principes énoncés par Jules Ferry. Elles ont garanti la liberté de conscience et de culte, ainsi que l’indépendance de la société civile à l’égard des institutions religieuses.
Ces lois ont été votées à une époque où le catholicisme dominait largement en France. Depuis quelques décennies, la religion musulmane a pris une place plus importante mais reste très minoritaire. Ce qui n’a pas empêché certains politiques et intellectuels de tous bords et certaines féministes, de combattre au nom de la laïcité, et en n’hésitant pas à utiliser parfois le mensonge, ce qu’ils considéraient comme une menace.

Ce qui s’est produit récemment dans un collège des Ardennes est la preuve d’un sectarisme contre-productif  : une jeune musulmane de 15 ans  a été interdite de cours à deux reprises dans son collège. La principale  lui reprochait de porter une jupe qui était  jugée  trop longue. La ministre de l’Education a fait connaître sa position : pour elle, la direction de l’établissement a fait preuve de discernement en prenant cette décision.

Cette jupe de couleur noire ( cela a été précisé !) a donc été considérée comme un «  signe ostentatoire d’appartenance religieuse » à cause de sa longueur. 
J’y vois plutôt un signe vexatoire pour la jeune fille, une attitude qui ne reflète pas l'esprit de la laïcité.

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