Il
y a une vingtaine d'années, le chanteur à texte Léonard D. voyait
sa notoriété commencer à grandir. On pouvait l'entendre alors
dans des cabarets branchés, des festivals l'invitaient régulièrement
et on le voyait de plus en plus à la télé.
Malgré
la profondeur de ses textes, Léonard ne se prenait pas trop au
sérieux. Cela le conduisait de temps en temps à mettre à son
répertoire des chansons plus ou moins déroutantes. L'une d'elles
s'intitulait Les mots s'emmêlent. Elle débutait ainsi :
«
Un œuf de Pâques
Coup de
matraque
Un vieux
maniaque
Gaz
ammoniac
Alexandrie
Un bol
de riz
Printemps
pourri
Travail
patrie
Toutankhamon
Ange
démon
Révolution
Constellation…
Suivaient
neuf autres quatrains bâtis sur le même modèle.
Cette
chanson laissa perplexe le public et la critique. À
la sortie de ses spectacles et dans les journaux, les commentaires
étaient variés.
Un
soir, on avait entendu dire :
- Pensée
profonde ! On y sent toute l'inquiétude du monde.
La
presse bourgeoise écrivit alors que Léonard était un
révolutionnaire marqué par mai 68, un chanteur engagé.
D'autres
au contraire voyaient dans le choix de certains mots l'œuvre
d'un auteur plutôt réactionnaire, un nostalgique du passé.
Léonard
lisait avec délectation ces jugements contradictoires qui le
faisaient bien rire.
En
effet, il avait écrit cette chanson très vite, après une soirée
bien arrosée et il n'avait cherché à envoyer aucun message. Il
s'était simplement amusé à faire rimer quelques mots, ceux qui lui passaient par
la tête.
Les
analyses complexes des critiques lui paraissaient si prétentieuses et dérisoires
qu'il n'avait jamais jugé nécessaire de les démentir.
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