1er septembre 2018
Chaque week-end vous trouverez désormais la chronique intitulée La Rumeur du Temps. Celle-ci abordera une question se rapportant à notre époque, vue sous l’angle de la culture, ce mot étant pris dans son sens large : « ensemble des formes acquises de comportement dans les sociétés humaines. » (le Robert)
ARBRES
Deux éléments jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de
la vie sur terre : la forêt et la mer. On sait comment l’une
et l’autre ont été victimes des activités humaines en
particulier au cours des deux derniers siècles.
En ce qui concerne les forêts leur exploitation a commencé dès la
préhistoire. Les arbres ont été abattus pour se chauffer, pour
laisser la place à des champs, pour bâtir des abris… Mais pendant
des milliers et des milliers d’années, la population mondiale
était peu nombreuse et l’impact sur l’environnement est resté
faible.
Sous la société industrielle, les forêts ont été
saccagées, détruites pour construire des lotissements, des routes,
pour cultiver le sol de manière intensive. L’exemple le plus tragique de
ce massacre est celui de la forêt amazonienne - plus grand réservoir
de la biodiversité - défigurée et appauvrie par 170 000 kilomètres
de routes et par l’élevage intensif de bovins !
Bien avant les scientifiques, les poètes avaient senti l’importance
des forêts. Jusqu’au 19e siècle, ils avaient mis
l’accent sur différents aspects des bienfaits qu’ils apportent
pour l’homme et les animaux qu’ils abritent. Chateaubriand a écrit
qu’elles « ont été les premiers temples de la Divinité »,
Émile Verhaeren sentait
le « rythme profond » et la « force totale »
de l’arbre passer en lui quand il le touchait.
Depuis le 20e siècle, de nombreux poètes évoquent la Nature différemment. Ils ne la regardent plus comme
autrefois. Ils ne se contentent pas de s’émerveiller devant elle, ce sont des hommes et des
femmes engagées.
Citant Bertolt Brecht qui avait écrit ces vers: « Vraiment
je vis dans des temps obscurs…
Quels sont ces temps où
Parler d’un arbre est presque un crime -
Parce que c’est un silence sur tant de crimes »,
le poète Pierre Garnier dénonçait en 1958 « nos temps obscurs où des continents entiers sont menacés de voir leur nature rasée par les armées de défricheurs et où les plus avides commencent à cligner de l’œil aux plus lointaines étoiles. » (1)
le poète Pierre Garnier dénonçait en 1958 « nos temps obscurs où des continents entiers sont menacés de voir leur nature rasée par les armées de défricheurs et où les plus avides commencent à cligner de l’œil aux plus lointaines étoiles. » (1)
Le poète allemand Johannes R. Becher (1891-1951) faisait remarquer
que les gens qui aiment la forêt sont nombreux mais ils « ne
prennent pas conscience de l’être vivant de la forêt. »
Il pensait que « le poète est, par vocation, le médiateur
entre la nature et la société. »
La poésie moderne n’est plus mièvre comme elle l’était quand
les poètes étaient au service de rois ou de princes. Les vrais
poètes éveillent les consciences, ils nous aident à mieux
comprendre la nature et ils préparent l’avenir.
1. dans la préface du livre Trois Poètes allemands de la Nature.