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vendredi 30 décembre 2011

Contes brefs : Un étonnant coup d'état (suite)



La révolution des rubans

  Le 23 décembre 2041, Albéric  Lenouard est envoyé par son rédacteur en chef  pour couvrir les événements survenus dans un petit pays d’Amérique du Sud. Un coup d’état vient d’y survenir. Il arrive dans un pays en liesse ( voir le billet du  19 décembre 2011)

Albéric  s’attendait à trouver une ambiance tendue, il arrivait dans un pays en fête. Point de soldats dans les rues, aucun char à l’horizon ! Une musique joyeuse montait de toutes les maisons. Soudain, une rumeur joyeuse se fit entendre ; elle devint de plus en plus forte. Quelques secondes plus tard, Albéric aperçut la tête d’un défilé qui allait lui paraître interminable. Celui-ci était composé d’une majorité de jeunes d’à peine vingt ans. La plupart agitaient des bâtons sur lesquels étaient fixés des rubans de toutes les couleurs qui tournoyaient dans le vent. La synchronisation des mouvements était parfaite. Des musiciens jouaient de la flûte, d’autres tapaient sur des instruments de percussion de fortune. Cette allégresse faisait plaisir à voir.
Plongé dans cette ambiance de fête, Albéric débuta allégrement son enquête.
— Le pays est joyeux parce que son cauchemar vient de prendre fin. Ce que vous voyez là, c’est le soulagement d’un peuple qui retrouve la liberté après 40 ans de soumission, lui dit un jeune qu’il interrogeait. 

Et il lui décrivit la situation dans laquelle son pays se trouvait : « La vie ici était infernale. Toux ceux qui s’opposaient au dictateur étaient emprisonnés. L’eau manquait. On la vendait au marché noir. Il n’était pas rare d’en échanger un litre contre quatre bouteilles de bon vin. L’air était irrespirable et les hôpitaux ne pouvaient plus accueillir tous les malades. 
Les arbres avaient été abattus à la suite d’une enquête de la Commission nationale de la Sécurité Routière qui avait conclu que 85 % des véhicules accidentés avaient terminé leur course contre un arbre. Le dictateur avait alors jugé nécessaire d’abattre les arbres responsables des accidents. Le fonctionnaire chargé de faire exécuter l’ordre était un homme zélé. Il n’aimait pas le travail à moitié fait ; le lendemain, il ne restait aucun arbre dans le pays.
Depuis 30 ans, la musique avait été interdite sous prétexte qu’ « elle adoucit les mœurs ».Le dictateur voulait un peuple qui travaillât suffisamment pour ne plus avoir le temps de penser.
Petit à petit, les gens avaient sombré dans la morosité.
Et puis, l'année dernière, des jeunes jugeant la situation désespérée avaient réagi. Ils avaient décidé de renverser le vieux dictateur. La révolution des rubans était en marche.»

( à suivre)


lundi 26 décembre 2011

Propos de lendemain de fête




Il ne faut voir dans mes propos aucune nostalgie, il s’agit  simplement d’un constat : la fête n’est plus ce qu'elle était, les marchands ont tué son esprit.
Prenons l’exemple de Noël. Jusqu’au siècle dernier, c’était pour tous, chrétiens et non croyants, une fête d’espoir,  un appel à la paix. Pour faire plaisir à ceux qu’on aimait,  un modeste cadeau suffisait. Jean Guéhenno, né en 1890, a raconté la joie qu’il éprouvait quand il recevait le jour de Noël une orange :
« Je pensais tenir dans mes mains le bonheur du monde » écrit-il.
Cinquante ans plus tard, un père Noël en pain d’épices, quelques mandarines, une boîte de pralines ou un camion en bois rendaient heureux les enfants. Et puis la folie consommatrice a fait son chemin, avec ses excès, ses scènes surréalistes. La semaine dernière, on a vu des supermarchés ouverts jusqu’à minuit. Une chaîne de télé a montré la foule qui se pressait devant les portes d’un supermarché ouvrant à 5 heures du matin !  Au moment de l’ouverture, ce fut une grosse bousculade, une course incroyable pour atteindre les rayons !
Pendant des jours, sur toutes les radios, on a pu entendre  défiler les recettes, on a  parlé d’huîtres chaudes, de foie gras, de chapon farci aux foies de volailles, de gigot de chevreuil à la gelée de groseilles…
L’indigestion n’était pas loin.
La fête de Noël n’est plus ce qu’elle était. Et si l’on retrouvait l’émerveillement par la simplicité ?

vendredi 23 décembre 2011

RITE, le mot de la semaine (60)


Chaque semaine, voici — à partir d’un mot —  une   réflexion développée brièvement. 

          Aujourd’hui,  le mot :   rite


«  L’escalade du pouvoir de s’autodétruire devient le rite sacrificiel des sociétés hautement industrialisées. » écrivait en 1973 Ivan Illich dans son livre La convivialité.
C’était il y a près de 40 ans. Les ravages produits par la société de consommation n’ont fait que s’aggraver depuis que ces lignes ont été écrites et la période des fêtes dans laquelle nous venons d’entrer nous en fournit à nouveau une belle démonstration.
L’expression « rite sacrificiel » s’applique parfaitement à cette période. Nous sommes en effet en présence d’un rite occidental qui mêle le religieux et le païen, la foi pour les uns, les agapes pour une forte majorité. Nombreux sont ceux qui subissent  la subordination au système qui pousse à acheter, le plus possible, même en période de régression économique.
Et ce rite, comme beaucoup d’autres, impose le sacrifice. 

Il y a d'abord l‘aberration que sont les dépenses faites à cette occasion ( cadeaux inutiles suggérés par le marketing, excès de nourriture). Le consommateur moderne  préfère tout au long de l’année acheter des produits alimentaires industriels bon marché mais ne lésine pas sur le prix d'un objet non indispensable. Sa santé, l’état de l’environnement comptent moins apparemment que l’achat du téléphone ou de la télé dernier cri. 

Autre sacrifice contre lequel il serait temps de s’élever massivement : celui des millions de bêtes ( dindes, poulets, chapons, canards, oies, chevreuils, biches, agneaux, porcs, bovins…) pour la plupart élevées dans des conditions cruelles, ou qu’on fait souffrir ( je pense au gavage pratiqué pour produire le foie gras) victimes du rite de fin d'année.
J’invite ceux qui ne l’ont pas  encore fait à lire l’ouvrage de Fabrice  Nicolino  Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde. Il y dénonce les dérives d’une agriculture industrielle prête à tout pour augmenter ses profits.
Après avoir lu Bidoche, beaucoup n’auront sans doute plus envie de participer au « rite sacrificiel ». 

mercredi 21 décembre 2011

EN MARCHANT (1)


Préalables



  Il y a de nombreuses façons d’appréhender la marche et chacun choisit la manière de la pratiquer qui lui convient. 
La marche  est au cœur des récits de nombreux écrivains voyageurs, de poètes, de philosophes  défenseurs de la nature qui en ont fait un art de vivre. Henry David Thoreau est sans doute celui qui a le mieux montré son importance en faisant de la marche la base d’une  société  qui  résisterait à la société industrielle naissante( voir son ouvrage  De la marche écrit au milieu du 19e siècle ), Jean-Jacques Rousseau, dans Les rêveries du promeneur solitaire a conduit une réflexion philosophique sur le bonheur qui demande une relation étroite entre l’homme et la nature, relation que la promenade favorise. Théodore Monod, en décrivant  ses voyages à travers le désert, Jean-Marie Pelt, dans son Tour du Monde d’un écologiste et sa suite Le nouveau tour du monde font partager leurs émotions de voyageurs et leur amour de la nature.
Beaucoup de choses ont été écrites sur la marche. Modestement, je voudrais exprimer ici son importance, les  joies et les bienfaits qu'elle procure. 
Si nos contemporains l’ont quelque peu délaissée ces derniers temps, on peut y voir le signe ( mais il y en a beaucoup d’autres) d’une société qui va mal et qui donne l’impression de ne pas savoir  encore dans quel sens elle veut aller : soit poursuivre  dans la même voie et aller vers la catastrophe, soit changer radicalement pour que le monde devienne vivable pour tous.



lundi 19 décembre 2011

Contes brefs (17) : Un étonnant coup d'état


CONTE

Le 23 décembre 2041, Albéric Lenouard buvait une bière à la terrasse d’un café parisien ; il était environ cinq heures de l’après-midi. Vêtu légèrement ( il était en chemisette, un pull autour du cou), Albéric profitait des derniers rayons du soleil. Il s’était habitué peu à peu à ces hivers doux, sans neige, qui étaient de plus en plus fréquents.
Albéric était heureux. Il allait enfin pouvoir profiter de quelques jours de repos et passer les fêtes de fin d’année en famille. Journaliste dans une grande chaîne  de télé européenne, il menait une vie trépidante et l'année qui s’achevait avait été riche en événements.
Soudain son portable sonna. Il le portait au poignet comme c’était la mode depuis quelque temps. Il appuya sur un bouton et le visage de John Blotch ,son rédacteur en chef, apparut aussitôt.
Ce n’était pas dans les habitudes de celui-ci d’appeler quand il était en congé.
— Ça ne présage rien de bon, pensa le journaliste.
Il avait raison.
— Il se passe des choses étonnantes en Amérique du Sud, dans un petit pays dont je n’ai jamais entendu parler, dit le rédacteur en chef. C’est un coup d’état comme on n’en a jamais vu. Il faut que tu partes ce soir même.
Albéric était surpris : les reporters partaient de moins en moins souvent vers des pays lointains car les prix des voyages aériens étaient devenus exorbitants. Des correspondants locaux, la plupart du temps des étudiants, envoyaient aux agences des photos et des informations qu’il était difficile de vérifier. Mais la dégradation des conditions de travail des journalistes n’était pas un phénomène nouveau. 
Albéric n’eut pas le temps d’exprimer ses réticences.
— Ta place dans l’avion est déjà   retenue, annonça Blotch. Ton vol est prévu à 22 heures.
C’est ainsi que, sans bien réaliser ce qu’il lui arrivait, Albéric Lenouard, partit quelques heures plus tard, sans en avoir envie mais content malgré tout de briser la monotonie habituelle.
Le lendemain matin, il parcourait les rues de Santa Rosa en liesse.

(à suivre)
  



vendredi 16 décembre 2011

Succès, le mot de la semaine (59)


Chaque semaine, voici - à partir d’un mot -  une   réflexion développée brièvement. 

          Aujourd’hui,  le mot :   succès



« Ce qu’il y a de plus proche de l’échec, c’est le succès. » écrit Jean d’Ormesson dans son livre C’est une chose étrange à la fin que le monde.
A première vue, l’association de ces deux mots que tout semble opposer  paraît saugrenue. Il n’en est rien. Jean d’Ormesson a raison. Il suffit pour s’en persuader de faire intervenir le facteur temps.

En ce qui concerne les gens, il arrive souvent qu’ils tirent parti de leurs échecs, en analysant leurs erreurs, en modifiant leur stratégie afin de retourner la situation en leur faveur. Il faut pour cela de la persévérance, de la patience, bref, il faut du temps.
D’une manière générale, le résultat d’une action, d’un fait, ne peut s’apprécier sur le champ : le succès et l’échec ont besoin de temps pour être évalués justement.
Cela est vrai notamment pour les artistes, les écrivains. Certains connaissent la célébrité de leur vivant, parfois de façon éphémère, et tombent plus tard dans l’oubli. Combien de membres de l’Académie française, de lauréats de prix littéraires, de peintres officiels, sont retombés dans l’anonymat !
Le contraire existe également : des peintres, des poètes, ont connu l’échec toute leur vie et leur génie a été reconnu après leur mort.

Certaines grandes décisions, celles que prennent les hommes d’état, les personnages publics, certaines victoires, certains faits marquants de l’histoire, peuvent apparaître d’abord comme des réussites ; dix ans, vingt ans, un siècle plus tard, on se rend compte que ces présumés succès ont eu des conséquences négatives et deviennent, avec le recul, des échecs.
 Ce principe est bien connu des écologistes qui préconisent de penser globalement et d’étudier toute question dans l’optique du long terme.




mercredi 14 décembre 2011

Le mythe de la mobilité



Il y a quelques jours, je me trouvais à Hesdin, gros bourg du Pas-de-Calais situé entre Montreuil  ( rendu célèbre par Victor Hugo qui y situa quelques scènes fameuses des Misérables) et Arras. Je me promenais à travers la ville qui a gardé son charme d’autrefois, admirant ici l’hôtel de ville et son beffroi, plus loin la vieille église Notre-Dame, m’arrêtant à plusieurs reprises pour voir la Canche couler paisiblement. Je passais devant la maison  qui avait abrité l’abbé Prévost, l’auteur de Manon Lescaut et je me disais que cette petite ville, avec son riche patrimoine et son histoire ( son destin a été lié au 16e siècle à celui de Charles Quint) ne devait pas seulement avoir pour vocation d’attirer les touristes, elle devrait — comme bien d’autres en milieu rural  — pouvoir retenir ses jeunes, ses cadres, obligés de quitter un cadre de vie très agréable pour trouver du travail ailleurs, dans une région plus prospère, souvent à proximité d’une grande ville où ils ne trouvent pas la même qualité de vie.



Cette situation d’une ville qui voit sa population décliner tout en ayant  beaucoup d’atouts m'amène à remettre en cause le mythe moderne de la mobilité qu’on présente aux jeunes de notre époque comme une panacée, un préalable incontournable à l’obtention d’un emploi.
Bien sûr, il n’est pas question de refuser  catégoriquement toute mobilité mais de dénoncer la mobilité subie — conséquence avant tout d’un mauvais aménagement du territoire — qui  a des effets néfastes pour les gens et pour la société.
La désertification des zones rurales est dramatique. Prenons l’exemple d’Hesdin : à l’époque de la Révolution, la ville comptait 3768 habitants ; depuis, elle a perdu 35% de sa population pendant qu’en France on passait de 27 à 65 millions d'habitants. Cet appauvrissement des campagnes a entraîné peu à peu la disparition de services publics et a conduit à une perte d’attractivité. Cela est devenu un cercle infernal.
Pour les personnes obligées de quitter leur région, le déracinement est souvent mal vécu car leur nouveau cadre de vie n’a pas la qualité de celui qu’elles viennent de quitter. Elles perdent du temps dans les déplacements, découvrent le stress des grandes villes, les loyer plus chers, parfois la solitude…
Faut-il se résigner à cette situation ?  Non car la recherche d’une qualité de vie meilleure devient un objectif de plus en plus répandu ; d’autre part la création de nouvelles activités, de nouveaux services liés au numérique, au développement durable, au bien-être, à la culture, en dehors des grands axes,  peut désormais être viable.
Une  nouvelle politique d’aménagement du territoire contribuant au renouveau des campagnes, impensable il y a dix ans, n’est plus une utopie.

lundi 12 décembre 2011

Sur la terre, comment ça va ?




La conversation, de Jean Tardieu,  est un délicieux poème plein d’humour qui enchante les enfants. Il commence par ces  vers :
 « Comment ça va sur la terre?
— Ça va ça va, ça va bien. »
Quand je les entends, je pense à tous ces personnages qui,  lorsqu'on leur pose aujourd’hui la même question, répondent  que ça va bien, soit parce qu’ils sont de mauvaise foi, soit parce que leur aveuglement est inébranlable. 
Illustration  par quelques exemples :

1. « Le nucléaire français est sûr »
C’est ce message que livrent sans cesse ceux qui nous gouvernent et que la catastrophe de Fukushima n’a pas fait changer d’avis.
Quelques courageux militants de Greenpeace viennent de leur apporter la preuve que nos centrales ne sont pas protégées. On croit régler le problème en les traitant d’irresponsables. Affligeant !

2. « Le réchauffement climatique ne présente aucun risque. » Ce serait même «  une farce » selon les climato-sceptiques américains membres du parti républicain. Malgré tous les constats effectués par la quasi majorité des scientifiques, ces irréductibles persistent dans leur obscurantisme. Pendant ce temps-là, les responsables réunis à Durban sont incapables de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre le réchauffement de la planète. Lamentable !

3. Les  farines animales pourraient être de retour en France.
C’est ce que propose le Conseil National de l’Alimentation, alors que le triste épisode de la vache folle est encore dans toutes les mémoires. Pour l’instant le gouvernement n’y est pas favorable. Mais peut-on encore espérer le retour vers un élevage naturel, sans danger pour l’homme et dans le respect du droit des animaux ? Utopique pour l'instant.

4. « La biodiversité est-ce si important ? »
Hubert Reeves, président d’Humanité et Biodiversité, ne cesse de le répéter : « La biodiversité, c'est fondamental. Notre existence est liée à tout le vivant dans la biosphère. » Les responsables entendent-ils ce message ?
Peut-être, mais insuffisamment. Le déclin de la biodiversité s’aggrave en Europe. Sont principalement touchés : les mollusques d’eau douce, les poissons d’eau douce, les amphibiens, les plantes vasculaires. 

— Alors, sur la terre, comment ça va ?
— Nous devons avoir le courage de dire la vérité ; ça va mal, ça ne tourne plus rond.

mercredi 7 décembre 2011

Contes brefs (suite) : Le journal d'Adèle B.


L'USURPATRICE
( suite du billet du 30 novembre)



Durant l’automne 2004, un nouveau visage fit son apparition dans les magazines et à la télé : une jeune femme de trente ans qui avait été cadre dans une entreprise de communication  avant de connaître le chômage venait de remporter l’un des ces  prix littéraires qui permettent  - parfois brièvement - de connaître la notoriété.
D’interview en interview, elle racontait toujours la même histoire, celle d’une chômeuse qui avait entrepris d’écrire un livre pour ne pas perdre complètement le moral, puis qui avait déposé son manuscrit sans trop y croire chez un grand éditeur. Et quelque temps plus tard, elle avait eu la surprise d’apprendre que son texte avait plu et serait édité. Elle pensait sincèrement, disait-elle, que l’aventure s’arrêterait là. Et puis l’impensable était survenu ; on lui avait  décerné ce prix  auquel elle ne s‘attendait vraiment pas.
Cette belle histoire attendrissait les lecteurs.

Son livre, La jeunesse d’Adèle B. racontait l’histoire d’une  fille de paysans du début du 20e siècle qui, ne supportant plus les pesanteurs d’un milieu familial étouffant, était partie vivre chez une tante vivant dans la banlieue parisienne. Les premières années, elle avait exercé plusieurs petits boulots. Un jour, alors qu’elle était serveuse dans un restaurant parisien, elle avait rencontré un peintre renommé. Elle était devenue sa maîtresse et avait eu un fils de cet homme qui était de vingt ans son aîné.
Le livre couvrait treize années de la vie d’Adèle. Il s’achevait sur une évocation bouleversante  de la première guerre mondiale et la mort brutale du compagnon d’Adèle.
La société de l’époque était décrite avec justesse, l’univers des  artistes, écrivains et peintres, que l’héroïne avait côtoyés, était évoqué avec des accents de vérité et le texte émaillé de pensées qui   attestaient l’originalité de la romancière.
Les critiques avaient accueilli favorablement ce premier ouvrage. 

                                              o

Ce  succès inattendu  avait perturbé Valérie Lecas. Quand elle avait tapé le texte de son arrière grand-mère, elle avait choisi de supprimer les dates du journal pour en faire un roman. Cela avait été sa seule intervention, tout le reste était  l’œuvre de son aïeule. Au moment où elle avait appris que le livre serait édité, après avoir hésité un instant, elle avait choisi de ne rien dire. Ensuite, il était trop tard pour dévoiler la vérité.
Ce secret qu’elle portait depuis des années était de plus en plus lourd à porter et elle imaginait sans cesse des issues effrayantes à cette supercherie...

dimanche 4 décembre 2011

Réchauffement climatique




Bruxelles, ce samedi

Conférence de Durban :Mobilisons-nous

Après l’échec de la conférence de Copenhague, il y a deux ans, se déroule en ce moment la réunion de Durban.
L’objectif aujourd’hui  serait de limiter le réchauffement climatique à 2 °. Cet objectif peut-il être atteint ? Rien ne le garantit. Les premières informations que nous avons sur les 86 pays ayant déposé leurs engagements auprès de l’ONU ne permettent pas l’optimisme : la situation ne s’est pas améliorée depuis 2009, elle s’est même plutôt détériorée et pour l’avenir le volonté des pays reste insuffisante.
Selon les experts, nous ne disposons plus de beaucoup de temps pour inverser la tendance actuelle ( 5 à 6 ans).
Pour faire prendre conscience aux responsables de la nécessité de modifier dès maintenant les comportements afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, une forte mobilisation citoyenne est nécessaire.

J’étais ce samedi à Bruxelles où un défilé était organisé à l’appel des associations écologistes à l‘occasion de la conférence de Durban. 
Dans le cortège, toutes générations confondues, dans une ambiance festive malgré la gravité des enjeux, les manifestants ont montré leur détermination et leur envie d’agir pour léguer une planète  vivable aux générations à venir.
Soyons nombreux à nous mobiliser !



vendredi 2 décembre 2011

Chômage, le mot de la semaine (57)


Chaque semaine, voici - à partir d’un mot -  une   réflexion développée brièvement. 

          Aujourd’hui,  le mot :   chômage



Depuis quatre décennies, un fait pernicieux ronge notre société, il s’agit du chômage. Les derniers chiffres déclarés pour la France ( inférieurs à la réalité) montrent une nouvelle aggravation de la situation. Certains voudraient nous faire croire que cela est irrémédiable et rares sont ceux qui osent parler de plein emploi.
Tout le monde aurait-il oublié ce paragraphe de la  Déclaration universelle des droits de l'homme (art. 23 - 1948) :
« Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage » ?

Pour chercher des solutions au chômage  mieux vaut ne pas trop écouter les économistes : la plupart d’entre eux ne prennent  pas en compte les paramètres qui interviennent dans ce problème et proposent des pistes qui aggraveraient la situation sociale ( par exemple : plus de flexibilité, diminution des salaires…) et environnementale ( produire plus, consommer plus…)
La crise du chômage  doit être regardée à plusieurs niveaux.

o Il y a d’abord les causes internationales : l’économie mondialisée vise d’abord le profit, la satisfaction des actionnaires. Tout ce qui concourt à augmenter les bénéfices est pratiqué : délocalisations, suppression des emplois, mécanisation poussée à l’extrême ( dans ce domaine l’agriculture industrielle a atteint un niveau de cynisme grave), discriminations ( aux Etats-Unis, la population noire et afro-américaine compte plus du double de chômeurs que la population blanche)

o au niveau national, on peut citer, entre autres, les insuffisances du système scolaire qui ne permet pas à chaque jeune d’obtenir les diplômes qui faciliteraient son insertion professionnelle, les carences de l’orientation, les discriminations visant les femmes, les jeunes à la recherche d’un premier emploi et les adultes de 50 ans et plus…

o au niveau local : Dans un pays où l’aménagement du territoire a produit de profonds déséquilibres, certaines régions ne sont plus en mesure d’offrir du travail à leurs habitants. Si la mobilité est positive quand elle est désirée, il est regrettable de voir de nombreux jeunes quitter leur région parce qu’ils y sont contraints. Les régions concernées souffrent aussi de cet exode. 

Combattre le chômage impose de prendre en compte de multiples paramètres, dans un esprit de moralisation de l’économie. 


mercredi 30 novembre 2011

Contes brefs (16) Le journal d'Adèle B.


CONTE

Ce matin-là, Valérie Lecas avait le moral au plus bas. Son compagnon venait de la quitter pour une raison qu’elle n’avait pas encore comprise, sa grand-mère qu’elle aimait tant était morte quelques jours plus tôt et, depuis huit mois, elle était sans travail.
C’était un dimanche de novembre. D’habitude, elle courait autour du lac pendant une bonne heure mais, ce jour-là, elle n’avait pas envie de faire des efforts physiques intenses. Elle décida de jeter un coup d’œil sur le carton que sa mère lui avait donné la veille : il contenait des objets ayant appartenu à sa grand-mère. 
Elle reconnut les photos qui ornaient l’armoire de la vieille femme, quelques souvenirs qu’elle avait ramenés de vacances, une dizaine de livres aux pages jaunies ; au fond du carton, il y avait deux gros cahiers qu’elle feuilleta. C’était le journal que son arrière-grand-mère Adèle avait tenu à partir d’avril 1904, le jour de ses seize ans. La dernière page du second cahier indiquait : 15 mai 1917. 
Valérie n’avait jamais entendu parler de l’existence de ce journal. Les deux jours qui suivirent, elle les consacra à la lecture des faits racontés par son aïeule. Elle entrait au fil des pages dans l'histoire d'une vie dont elle ignorait les détails, d'abord celle  d’une adolescente  vivant dans un petit village de la Creuse puis dans celle d’une jeune femme qui se retrouvait à Paris au milieu d’artistes célèbres avant de connaître les épreuves de la grande guerre. 
Le style était alerte, les événements bien décrits, les impressions personnelles exprimées avec justesse. C’était un récit émouvant. Bien qu’ayant été rédigé un siècle plus tôt, il donnait l’impression d’être moderne.
Quand elle eut terminé la lecture du journal, Valérie décida de taper le texte sur son ordinateur. Dans quel but ? Elle l’ignorait encore.

(à suivre)

lundi 28 novembre 2011

Small is beautiful


LE CHARME D'UN PETIT VILLAGE ICI


En 1973, l’économiste britannique E.F. Schumacher publiait «  Small is beautiful,  une société à la mesure de l’homme ». Ce livre contenait bon nombre d’idées intéressantes qui, si elles avaient été appliquées à temps, auraient pu éviter la  succession de crises qui ont conduit le monde dans une situation dont il ne sortira pas sans dégâts ( je pense notamment à l’état actuel de la biodiversité qui continue de se dégrader d’année en année).
Malheureusement, le message de Schumacher n’a pas été suffisamment entendu. Seules quelques préconisations telles que la monnaie locale et le microcrédit ont été expérimentées.
En  donnant à son livre le titre « SMALL IS BEAUTIFUL », Schumacher attirait l‘attention sur les dangers du gigantisme qui n’a cessé  de se développer pour des raisons  économiques et un goût immodéré pour les prouesses techniques. Ce gigantisme sans  humanité, on le retrouve aujourd’hui dans tous les domaines : ce sont les villes surpeuplées avec leurs tours de plus en plus hautes, les établissements scolaires avec leurs milliers d’élèves, les hôpitaux de plus en plus éloignés des gens car les petites structures ont été fermées au profit d’immenses CHU, les ports internationaux démesurés, comme celui de Rotterdam, les grandes entreprises qui ont avalé les petites.
Selon Schumacher, le centralisme appelle l’ordre, la décentralisation est synonyme de liberté. S’il ne rejette pas complètement le premier,    il pense que les grosses organisations sont destructrices et il donne la priorité aux initiatives locales.
Schumacher reprochait aussi à la société industrielle son incapacité à préserver le capital naturel qui appartient à tous.
Comme les partisans actuels de la décroissance, il était attaché à l’idée de bien-être qui doit prendre le dessus sur la possession de biens matériels. C’est ce positionnement qui l’a conduit à préconiser la simplicité volontaire.

vendredi 25 novembre 2011

Indigné(s), le mot de la semaine (56)


Chaque semaine, voici - à partir d’un mot -  une   réflexion développée brièvement. 

          Aujourd’hui,  le mot :   indigné(s)


« On peut être irrité à tort ; on n’est indigné que lorsqu’on a raison »
Victor HUGO.



Devant une situation qui heurte la conscience morale ou provoque un sentiment d’injustice, la réaction normale est d’exprimer sa colère. 
De tout temps, des personnalités se sont élevées  pour s’indigner et mobiliser l’opinion publique  soit pour rétablir la vérité soit pour lutter contre des inégalités : c’est ce qu’ont fait Voltaire au moment de l’affaire Calas et Zola  quand a eu lieu l’affaire Dreyfus ; c’est ce que fit Victor Hugo pour dénoncer la misère  puis le régime autoritaire de Napoléon III. Stéphane Hessel a pris la relève l'an dernier pour dire sa colère devant l’échec économique, social et sociétal du système dominant.
Son message a été entendu. Partout dans le monde, des manifestations aux formes variées, toujours pacifiques et conviviales, sont organisées par « les indignés ».
Ce mouvement vient de gagner les USA. A Harvard, symbole de la réussite américaine, des étudiants contestataires dénoncent le coût exorbitant des études. Aux Etats-Unis, au sein de l’Union Européenne, le chômage des jeunes ne cesse d’augmenter, l’inégalité entre  les revenus les plus élevés et les bas revenus a augmenté, l’insécurité sociale progresse.
Les indignés disent qu’ils en ont assez d’une société mise en situation d’échec par la voracité d’une petite minorité.
Le modèle occidental a fait son temps, il faut le remplacer. 

mercredi 23 novembre 2011

Développement durable et supercherie




J’ai déjà eu l’occasion de dénoncer dans plusieurs billets les supercheries auxquelles se livrent de grands groupes en utilisant le concept de développement durable pour séduire une clientèle qui a pris conscience de la nécessité d’agir pour l’environnement, en ignorant souvent que le véritable développement durable — que je préfère appeler soutenable —  s’appuie sur trois piliers : outre l’environnement, il  respecte les hommes et il est équitable, ce qui implique entre autres de ne pas spolier  les pays du Sud. 
Ne soyons pas dupes de ces grands groupes internationaux qui s’habillent « en vert écolo » à grands coups de marketing pour augmenter leurs bénéfices.
La pratique du blanchiment vert est une tromperie. Il faut la dénoncer. C’est ce que fait l’association Les Amis de la Terre en attribuant depuis quelques années, avec une pointe d’humour mais sur des bases sérieuses, leur prix Pinocchio.
Cette année, parmi les entreprises épinglées, on relève  la Société Générale pour son implication dans le financement du nucléaire, et en particulier celui d’un réacteur au Brésil, dans un environnement peu sûr ( des glissements de terrain fréquents interdiraient l’évacuation en cas de nécessité) ; le groupe agro-industriel Terreos qui, en produisant au Mozambique un agrocarburant destiné à l’Europe, réduit la surface dont les  paysans ont besoin pour produire les aliments nécessaires aux populations locales ; enfin le groupe Vinci qui a signé avec l’Etat un contrat de concession pour le futur aéroport du Grand Ouest. Ce projet, s’il aboutit, détruira près de 2 000 hectares de terres agricoles et le  bocage dans les environs de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes.
Rappelons encore que le développement soutenable doit s’appuyer sur des principes  éthiques et une démarche participative trop souvent bafoués par ceux qui prétendent le mettre en œuvre.

lundi 21 novembre 2011

CONTES BREFS (15) : Marta et la voix de Dieu


MARTA

Marta Glanska avançait péniblement sur le sentier gelé, un matin froid de novembre. Elle recevait en plein visage le vent glacial qui rougissait sa peau. Elle sentait ses mains s’engourdir sous les gants. Elle marchait, le dos courbé, à bout de forces, traversant sans le voir ce magnifique paysage des Beskides, au sud de la Pologne. 
Marta venait d’avoir soixante-cinq ans, elle en paraissait quinze de plus. Son corps était usé par un demi-siècle de durs travaux. Elle avait d'abord travaillé dans les champs, ensuite le travail à la chaîne l’avait brisée. La guerre  lui avait pris son mari  et de nombreux amis et elle s’était retrouvée seule pour élever  ses trois enfants, dans un pays  qui avait perdu les joies de la liberté. 

Marta avançait haletante entre les grands arbres. Le lourd fagot qu’elle portait lui blessait l’épaule et elle sentait de vives douleurs dans le dos.
— Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi dois-je tant souffrir ? dit-elle  d’une voix faible.
La forêt était déserte, silencieuse.
— Mon Dieu,  reprit-elle, je n’en peux plus !
Et Marta poursuivait son chemin quand soudain l’inimaginable se produisit : une voix lui demandait :
— Qui est là ? Qui m’appelle ?
Marta était incrédule :
— Il m’a entendue, pensa-t-elle. Celui que personne n’a jamais vu, celui dont personne n’a entendu la voix ! Il m’a parlé , moi la modeste Marta !

Et Marta continua sa route d’un pas plus rapide, soulagée.
Le fardeau maintenant lui semblait si léger !

mercredi 16 novembre 2011

DROITS DES ANIMAUX


POULES PONDEUSES :  LA HONTE



La défense des droits de l’animal n’est pas une priorité pour bon nombre de personnes. C’est pourtant une exigence, car la barbarie est inexcusable.
Dans la civilisation occidentale, pendant des siècles, les hommes ont fait souffrir des bêtes en pensant qu’elles n’avaient aucune sensibilité.
Descartes, que nos professeurs nous avaient présenté comme un grand penseur, a contribué à cette hérésie en développant son idée d’ « animal-machine ».
La société contemporaine n’a plus l’excuse de l’ignorance ; chacun sait aujourd’hui qu’un animal souffre, tout comme un être humain.      Mais le souci du profit maximum l’emporte sur la raison et l’éthique. L’essentiel pour l’élevage industriel étant de gagner le plus possible d’argent dans les délais les plus rapides, il  s’est organisé en conséquence, en réduisant les coûts, au mépris du respect des droits des animaux. 

Les exemples ne manquent pas. J’en prendrai un seul pour illustrer mon propos : la production des œufs.
Voilà un aliment courant, utilisé sous différentes formes, consommé par beaucoup d’entre nous, y compris par les végétariens.
Dans des conditions normales, une poule vit au rythme du soleil. Elle marche, court, picore, cherche sa nourriture dans la terre, de l’aube au crépuscule. Elle fait des nids, se met à l’écart pour pondre. Elle peut vivre une dizaine d’années.
Dans un élevage industriel, la poule, sélectionnée génétiquement pour produire beaucoup d’œufs, vit dans un espace confiné, sans voir la lumière du soleil. Les cages, disposées sur plusieurs étages, contiennent généralement 5 poules, chacune vivant dans 450 centimètres carrés ( à titre de comparaison, une feuille 21x27 fait 567 cm2.) Le sol grillagé blesse les pattes, les poules ne pouvant se retirer pour pondre deviennent agressives. Au bout d’un an, quand la production d’œufs commence à baisser, elles sont abattues.
Ce n’est pas la nouvelle législation européenne qui changera la situation : la surface réservée à chaque animal augmentera de quelques centimètres carrés seulement !

En tant que consommateurs responsables, nous ne pouvons nous contenter de dénoncer ces pratiques. Refuser de consommer les œufs  provenant d’un élevage industriel est la seule réponse possible.


lundi 14 novembre 2011

LE PUITS





            1

Le  puits  aux pierres noircies par le temps 
connaissait tant de secrets !
Personne ne voulait en voir sortir la Vérité.

         2

Depuis longtemps, il gardait son mystère.
Les gens n’osaient regarder le fond du puits.    
Ils craignaient ce trou noir  inquiétant 
d’où l’on ne revient pas.


          3

On racontait mille légendes sur le vieux puits.
Et quand des  bruits étranges montaient dans la nuit,
certains disaient : — C’est le diable !
Mais peut-être n'était-ce que le murmure de l’eau 
croupissante  ?

vendredi 11 novembre 2011

Le mot de la semaine : transition (54)


Chaque semaine, voici - à partir d’un mot -  une   réflexion développée brièvement. 

          Aujourd’hui,  le mot :   transition



Dans le mot transition  il y a avant tout l’idée d’un passage.  Cela s’applique à des domaines très variés ( thèmes d’un discours,  sentiments, état de la matière, régime politique…)
La transition annonce un changement ; elle s’accompagne donc souvent d’un sentiment d’incertitude plus ou moins justifié. Quand par exemple  un pays  vient de renverser un dictateur, ses habitants se demandent si le régime qui  sera mis en place après la période transitoire correspondra à leurs attentes.
L’idée de  transition s’impose à nous si nous voulons en finir avec le dérèglement mondial ( volontairement, je n’utilise pas le mot crise pour évoquer les problèmes environnementaux, sociaux, économiques qui secouent le monde depuis un demi-siècle car le mot est impropre.) Nous sommes en présence d’un monde qui s’effondre (la société industrielle) et qui ne se relèvera pas si l’on continue de faire les mêmes erreurs dans le futur. L’urgence est d’entamer la transition vers une société nouvelle, basée sur l’éthique, sur le respect des hommes et de l’environnement. 
Le processus de transition est déjà enclenché dans certaines villes qui préparent la société de l’après- pétrole et s’engagent dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Il a démarré aussi à l’initiative d’associations telles que Greenpeace qui agit pour obtenir la transition énergétique en France. Cette transition-là ne présente aucun risque (nous connaissons les faiblesses et les dangers de la politique énergétique actuelle)  et elle est urgente.
Mobilisons-nous pour la réussir.

mercredi 9 novembre 2011

Contes brefs : Portrait d'un ambitieux




À quatorze ans, Hervé Dubroc aspirait déjà à connaître la célébrité.
Il n’avait jusqu’alors manifesté aucun talent particulier, n’avait montré aucun don pour la musique, le dessin ou l’écriture ni même pour le sport. C’était un élève faible : il avait redoublé deux fois à l’école primaire mais était cependant parvenu jusqu’en terminale. Après deux échecs au bac, il avait quitté l’école. Peu passionné par le travail, il avait fait brièvement quelques petits boulots. Depuis son mariage avec une infirmière libérale qui gagnait bien sa vie,  trouver un travail n'était pas sa préoccupation première.
Alors qu’il avait une vingtaine d’années,  Dubroc s’était découvert un intérêt  pour la politique. Il pensait en effet que celle-ci lui permettrait de satisfaire ses ambitions. Il avait d'abord choisi de militer dans un parti d’extrême gauche, ce qui correspondait le mieux à ses idées. 
Il n’y resta pas longtemps : dès qu’il eut compris que ses chances de réussite étaient minces, il se tourna vers l’écologie qui lui paraissait plus prometteuse. Cinq ans plus tard, il devenait adjoint au maire d’une ville de plus de 30 000 habitants.

À l’approche de la quarantaine, Dubroc envisage son avenir avec optimisme. Il espère devenir sénateur avant l’âge de cinquante ans. 
En attendant, il cherche à se rendre populaire dans son camp ; il est de tous les combats pour la défense de l’environnement, signe toutes les pétitions qu’on lui présente contre le gavage des oies, contre la corrida, il dénonce les grandes surfaces, les dérives de la société de consommation. Sa sincérité paraît évidente.
Pourtant, son comportement est bien éloigné des convictions affichées : on ne l’a jamais vu trier ses déchets parce qu’il « trouve le geste dérisoire », il se délecte de foie gras dès que l’occasion se présente, il assiste chaque été à des corridas qu’il juge « d’une grande beauté ».
Pour lui, le réchauffement climatique est un thème de discours, rien de plus. 
Quand il parle de l’avenir de l’humanité, il  pense d’abord à son propre avenir.

lundi 7 novembre 2011

Scientifiques et artistes...


CE QUI LES RAPPROCHE

On oppose souvent la démarche de l’artiste à celle du scientifique. La première serait caractérisée par la rigueur, par la référence constante à la raison ; la seconde relèverait de l’imagination, parfois même demanderait une part de folie.
Cette opposition n’est qu’apparente. L’homme de science et l’artiste, qu’il soit peintre, musicien ou poète, sont confrontés au hasard, à l’incertitude, au mystère. L’un et l’autre cherchent à comprendre le monde et à inventer l’avenir. Souvent l’intuition joue pour chacun d’eux un rôle important.
Cette similitude a  été relevée par de grands savants et de grands poètes, tels que  Jean Rostand et Francis Ponge. 
Au bout du scalpel ou du microscope, il y a pour l’un et pour l’autre la  beauté de la découverte, la joie de la connaissance, la pénétration dans le monde de la nature dont ils cherchent à percer les secrets.
Le scientifique et le poète sont fascinés par les mystères qui leur échappent.


C’est ainsi que le premier, en observant  le cœur des tournesols, a constaté  la présence de deux séries de spirales, l'une allant dans le sens des aiguilles d'une montre, l'autre dans le sens contraire, distribuées selon un modèle mathématique, en général 21 et 34 ou 34 et 55, nombres reliés au nombre d'or (phi: 1,618).  Les botanistes se penchent encore aujourd'hui sur cette organisation  mystérieuse.
Devant le tournesol, l’artiste, lui aussi,  cherche à comprendre le mystère de la vie.

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