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samedi 29 novembre 2014

Repères 24 : L'HISTOIRE

Repères : une série de billets qui présentent de manière synthétique les questions de notre temps ; des réflexions basées sur l'observation, l'expérience, les souvenirs  personnels et la théorie.

n° 24


Le rôle de l’histoire est fondamental dans la formation du citoyen. Elle contribue fortement à comprendre le présent. 
Or, en matière d’histoire, les repères que les générations précédentes possédaient  manquaient d’objectivité et la méthode utilisée relevait plus du récit ( une suite d’histoires) que de l’analyse). C’est ainsi qu’au début du 20e siècle, l’Histoire de France de Jacques Bainville, journaliste proche de Maurras était très prisée. Il est révélateur qu’un autre journaliste, Zemmour,  se réfère à cet auteur en 2014. C'est aussi une référence inquiétante.

Il est temps de construire de nouveaux repères, fidèles à la vérité historique et qui traduisent l’évolution de l’Histoire. Des  repères porteurs d'espoir.


Aux débuts de l’école laïque, les élèves des écoles primaires ont eu droit à des leçons d’histoire dès le cours élémentaire. Trop jeunes pour  maîtriser  la notion du temps sur une période aussi longue que l’histoire de l’humanité, les élèves recevaient un enseignement caricatural de l’histoire se résumant à l’étude de personnages marquants ( Vercingétorix, Clovis, Charlemagne, Henri IV, etc…) et d’évènements importants ( les grandes découvertes, les guerres, la Révolution, le colonialisme…).
Les dates étaient  les principaux repères.
Cette conception de l’histoire se prolongeait au collège et au lycée. On ajoutait seulement des informations plus précises.

Depuis plusieurs décennies, l’influence  de grands historiens tels que Fernand Braudel, Georges Duby, Emmanuel Leroy- Ladurie a permis de présenter l’histoire sous un autre angle, beaucoup plus fécond, en la reliant à d’autres paramètres géographiques, sociaux, économiques, culturels, en s’intéressant davantage à l’organisation sociale. Il ne s’agissait plus alors de faire appel seulement  à la mémoire, l’essentiel est devenu de chercher à comprendre.

Aujourd’hui, s’il est toujours intéressant de connaître l’histoire de son pays, on est obligé d’intégrer celle-ci à celle des autres pays. C’est d’abord une histoire de l’Europe qui s’impose pour ensuite aboutir à une histoire de l’Humanité.
Je ne prendrai que deux exemples liés à l’actualité pour illuster ce propos.
Le magazine l’Histoire consacre dans son numéro de décembre un dossier à Charlemagne, mort en 814. On y explique qu'on ne peut considérer celui-ci comme un personnage français mais comme un Européen. Il est né, pense-t-on, près de Senlis, ses racines sont entre Metz  et Aix-la-Chapelle où il avait sa résidence (*). Il a aussi régné en Belgique, aux Pays-Bas). Plusieurs pays partagent donc son histoire. 


Nous célébrons cette année le centenaire du début de la Grande Guerre. J’étais le 11 novembre à Etaples (62) dans le cimetière où reposent  environ 11 100 soldats  morts entre 1914 et 1918. Sur un mur étaient inscrites les nationalités des victimes. Il y avait des Britanniques (8817), des Canadiens (1145), des Australiens, des Néo-Zélandais, des Sud- Africains, des Indiens, des Belges et des Allemands.
 Les uns venus du monde entier pour sauver la liberté des Français, les autres obligés d’obéir.

L’histoire, de nos jours, ne peut se limiter au cadre étroit de la France. Elle doit traduire notre appartenance à la même planète.


* Source Rolf Grosse interrogé par l’Histoire

jeudi 27 novembre 2014

Les gens : Un chômeur

LES GENS n° 29

Depuis huit mois, Armand  a le regard sombre. Ses amis du club de basket qu’il retrouve deux fois par semaine s’inquiètent de le voir si triste. Sa femme, sa fillette, ont bien du mal à le consoler.


À quarante ans, Armand a perdu son dynamisme, sa bonne humeur. L’usine qui l’employait depuis dix ans a fermé au début de l’année. Pour la première fois de sa vie, Armand a rejoint la longue liste des demandeurs d’emploi ( on n’ose plus aujourd’hui prononcer le mot chômeur, jugé trop dur à porter ; il faut dire que pour celles et ceux qui sont dans cette situation, ce mot est insupportable.

Le chômeur se sent déprécié, il ressent une part de responsabilité dans ce qu’il lui arrive alors qu’en réalité il est une victime. Le coupable, c’est la société mal organisée, c’est  l’entreprise qui n’a pas su s’adapter à temps, qui n’a pas fait les bons choix...

La recherche d'un emploi est un long fleuve rempli d'obstacles qui épuisent celui qui cherche à retravailler et qui finissent par le désespérer.
Voilà huit mois qu’Armand occupe ses journées à consulter des annonces, à téléphoner, écrire des lettres, envoyer des CV. La plupart des courriers restent sans réponse. 
Quand enfin est  arrivée une  première réponse, Armand a repris espoir. Mais le désenchantement est vite venu ! Il lui a fallu affronter une concurrence féroce. Ils étaient peut-être une centaine de candidats, voire plus, pour le poste et quelques-uns ont été retenus pour cet entretien. 
- Sur quelles bases ?  Le  hasard y est sans doute pour quelque chose, pense-t-il.
Et trente minutes environ pour démontrer qu'on est le meilleur (ou la meilleure). Le meilleur peut-être pas, mais le plus convaincant, le plus rassurant, le plus conforme au moule.

- Donnez-moi quelques arguments qui pourraient me donner envie de vous embaucher, lui a demandé le recruteur.
Au fond de lui-même, Armand est horripilé par cette phrase.
Mais il lui faut jouer le jeu que lui impose le monde moderne pour défendre ses chances.
Il faut accepter sans broncher de répondre aux questions pièges qu’un recruteur prend un plaisir sadique à poser. 
Malheur au timide qui cherche ses mots et bafouille. Quelles que soient ses qualités et ses compétences, il sera la victime du  jeu de massacre.

 Armand  a déjà connu trois fois l’épreuve terrible de l’entretien d’embauche. Aujourd’hui, il n’en peut plus. 
Il sait que s’il s’en sort un jour prochain, des hommes et des femmes resteront irrémédiablement sans travail. Et cela, il n'arrive pas à l'accepter.

mardi 25 novembre 2014

Sur mon bloc-notes (48)

À la manière d'un journal qui permet de noter régulièrement des réflexions diverses ou de brefs comptes rendus, de choses marquantes, d'activités, ces Pensées éparses et Brèves sont une autre façon de faire entendre la rumeur du temps présent.

Semaine 48




Caprices de la technique
Ce carnet de bord terminait tranquillement sa sixième année, 830 articles avaient été rédigés, et autant de photos publiées ( dont celles - très belles-  de Ramon Ciuret qui collabore régulièrement à ce blog) lorsque la mauvaise surprise est survenue la semaine dernière : toutes les photos avaient disparu !
J’ai dû me rendre à l’évidence : il me faudrait les remettre une par une à leur place. Ce que j’ai commencé à faire. Dans quelques jours tout devrait être achevé.
J’ai profité de cet incident pour choisir un nouveau modèle mieux adapté aux appareils mobiles.
Petit rappel : la navigation dans le blog se fait à partir de la barre noire (à droite), par les catégories ou les dates de parution).

La chronique et le poème
Il faut environ une heure pour rédiger une chronique, il faut beaucoup plus de temps pour écrire un poème en prose ou en vers. 
Plusieurs semaines, voire plusieurs mois. sont souvent nécessaires  pour atteindre la forme définitive du poème. 
L’une a pour but d’apporter une information, d’exposer une position, défendre une cause...aussi clairement que possible.
Le second a pour ambition d’exprimer une émotion, un sentiment, d’une manière qui est propre à son auteur.

( Je rappelle que les textes parus dans la Rumeur du temps sont la plupart du temps retravaillés  et publiés dans les Murmures du temps présent, blog consacré uniquement à la littérature.)*

Pensées éparses

  - C’est un saltimbanque, Couche, qui a imaginé il y a trente ans les Restos du cœur, une initiative destinée à aider momentanément les plus pauvres en attendant que la situation sociale s’améliore. Une idée simple basée sur la générosité et la solidarité.
L’an dernier, 130 millions de repas ont été servis, et malheureusement la pauvreté perdure.
Combien d’années faudra-t-il encore pour qu’on parvienne à faire reculer durablement la misère en basant notre société sur les principes de solidarité et de partage ?

  - Ce qui m’attriste un peu dans ce bonheur tout neuf, disait une jeune femme, c’est qu’il ne sera plus jamais tout à fait le même.

- La terre, ce vaisseau fou qui poursuit sa course mécanique, emportant avec elle sept milliards de personnes, fourmis fébriles et confuses jouant des coudes pour une place au soleil.

 - Il y a plus de vérité dans un poème de Prévert évoquant le bruit terrible  « de l’œuf cassé sur un comptoir d’étain... quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim » que dans un rapport sur la pauvreté fourni par une administration.

* Poèmes 

samedi 22 novembre 2014

Repères n° 23 : LA DANSE




Repères : une série de billets qui présentent de manière synthétique les questions de notre temps ; des réflexions basées sur l'observation, l'expérience, les souvenirs  personnels et la théorie.

n° 23

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La danse exprime avant tout la vie parce qu'elle est mouvement.
Les premières civilisations l’ont pratiquée en marquant le rythme avec les pieds et les mains puis avec des instruments rudimentaires. Ces danses  permettaient une communion avec les éléments, parfois avec le divin.
Dans la culture occidentale, il y a  une tendance à sous-estimer l'importance de la danse qui est un reflet de  toute civilisation. Elle traduit le caractère des peuples : les danses folkloriques françaises sont moins enjouées que les danses africaines souvent endiablées et  qui traduisent la joie de vivre.
Au Sénégal, elle est omniprésente. Voir des discours entrecoupés de chants et de danses, comme cela m'est arrivé à Dakar, est étonnant pour le Français qui voit plutôt dans le discours une  longue épreuve monotone.

La danse va bien au-delà de la beauté  qu'elle offre, de la légèreté des corps qui paraissent échapper à la gravitation, de l'harmonie entre les mouvements et les sons.
Certes cet aspect est important car il procure un plaisir subtil. Devant un ballet de Marie-Claude Pietragalla, on est forcément admiratif et j'ai encore en mémoire la beauté de la Messe pour  le temps présent, de Maurice Béjart, dansée sur une musique de Pierre Henry et Michel Colombier. Cette danse atteignait le sublime car elle renouvelait le genre, s’affranchissait du carcan des règles anciennes pour exprimer une danse libérée.

Oui la danse est un art à part entière. Je la compare à la poésie dont elle se rapproche par les interrogations qu'elle soulève, par les liens qu'elle crée avec la nature, avec le cosmos. Béjart pensait qu'elle était même supérieure aux mots qui entraînent parfois incompréhension et discorde.
La danse moderne, comme la poésie, a su se renouveler en inventant de nouvelles formes.

 Maurice Béjart ( encore lui) disait : «  Danser, c'est avant tout communiquer, s'unir, rejoindre, parler à l’autre dans les profondeurs de son être. »

La danse est un art qui s'adresse à chacun de nous, c'est aussi un acte social, la manifestation de l'appartenance à un groupe, comme le montre aujourd'hui  la danse urbaine qui séduit des jeunes  dansant sur des rythmes qu'ils se sont appropriés.

jeudi 20 novembre 2014

Printemps 1974




  
Printemps 1974.   Georges Pompidou vient de mourir et une campagne présidentielle va débuter.
Cette année 1974 confirme mon engagement dans le monde de la poésie. Je viens de publier un premier recueil. J’écris régulièrement des chroniques et des poèmes dans la revue Présence.
  Je participe en mars, à Paris, au congrès du cercle de poètes et d’artistes dont je suis  devenu membre. Le manifeste de celui-ci m’a plu : c’est un texte basé sur l’humanisme, le respect des hommes de tous les pays, le respect de la nature et des animaux. Manifeste d’un groupement culturel qui a une réelle dimension politique.
(Je suis persuadé que la politique, dans son sens noble d’organisation des affaires publiques, intéresse encore beaucoup de monde aujourd'hui).

  Ce congrès littéraire est l’occasion de rencontrer des femmes, des hommes, dont je lis régulièrement les textes, et de discuter avec eux. Les conversations montrent que ceux qui constituent ce groupe ont des opinions très variées, sur la poésie d’abord ( il y a les partisans de la poésie classique et ceux qui sont résolument modernes), sur la société aussi. Je constate que les propos du révolutionnaire, de l’anarchiste et du « modéré»  se mêlent dans la bonne humeur).
   Arrive l’heure du banquet. Celui-ci est présidé par Wilfrid Lucas *, poète normand qui vient d’avoir 92 ans. Ce grand poète   a été couronné en 1950 par l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre , des poèmes de forme classique inspirés par la foi catholique.
  Je regarde, admiratif, ce vieillard au beau sourire qui malgré les épreuves - il a en particulier perdu l’ouïe pendant la première guerre mondiale - qui parle de poésie avec enthousiasme ; il  s’enflamme et montre son amour de la vie.
Il est un homme heureux.

Je pense ce matin à cette rencontre de poètes car j’ai entrevu ce jour-là l’image d’une société fraternelle, ouverte, respectueuse des autres, toutes générations confondues. Un groupe comme il en faudrait  beaucoup pour changer le cours des choses.

* Wilfrid Lucas : 1882- 1976

lundi 17 novembre 2014

Sur mon bloc-notes (47)


À la manière d'un journal qui permet de noter régulièrement des réflexions diverses ou de brefs comptes rendus, de choses marquantes, d'activités, ces Pensées éparses et Brèves sont une autre façon de faire entendre la rumeur du temps présent. 



Semaine 47

La mission  Rosetta  
Depuis qu’il est sur la terre, l’Homme  ne cesse de chercher à comprendre le monde qui l’entoure, comment celui-ci s’est formé, comment est apparue la vie, 
En faisant preuve d’intelligence, pas à pas, avec l’aide de machines qu’il a conçues, il a apporté des réponses scientifiques à des questions essentielles.
L’homme moderne a plus de connaissances que son lointain ancêtre mais il sait que de nombreux faits lui échappent encore. Il s’est aventuré dans l’immensité de l’espace, il côtoie dans ses recherches les temps les plus lointains - au-delà des quatre milliards d’années -  avec la mission Rosetta dont le but est de mieux  comprendre la formation et l’évolution du système solaire.  
Le long voyage de la sonde Rosetta qui a duré plus de dix ans, la perfection de sa trajectoire et de l’attterrissage ( malgré un petit ennui à l’arrrivée qui empêchera de faire quelques mesures), tous ces succès techniques ont étonné le monde entier.
À quoi  ces prouesses vont-elles servir  ?
- À répondre à des questions que les hommes se posent depuis longtemps, à mieux connaître cet univers qui  peu à peu se dévoile.
Dans deux mille ans, et bien plus tard, il y aura encore des mystères à découvrir et  des hommes curieux qui poursuivront la tâche des ancêtres.

Le choix des mots
1. Préjugés
La langue française révèle, dans le choix de certains mots, de très vieux préjugés. C’est à partir de cette observation que Hubert Reeves  propose, dans un article récent, de revoir certaines expressions qu’on attribue aux animaux telles que « se conduire comme une bête» ou « cruauté bestiale». 
Après avoir rappelé l’intelligence des animaux et le comportement  étonnant de beaucoup d’entre eux, il invite  à exclure de nos écrits et nos paroles des termes blessants qui  ne sont plus adaptés.
Les progrès de l’éthologie méritent qu’on adapte notre vocabulaire à la réalité.

2. Manque de mesure
Le patron de la FNSEA (agriculteurs productivites) n’appécie pas l’action des écologistes auxquels ils s’opposent souvent sur la  défense de l’environnement. Est-ce une raison  pour qualifier ceux-ci de  « djihadistes verts » ?
Une certaine mesure s’impose  quand on parle de personnes. Dans le cas présent, la comparaison avec des djihadistes capables de commettre les crimes les plus horribles et infamantes.
Elle montre par ailleurs la nature de celui qui s’exprime ainsi.

Conseil à un jeune homme sérieux.
Au jeune homme qui  aimerait avoir  la gravité d’un vieux notable de province, que faut-il souhaiter ?
- De réveiller l’enfant qui est en lui, de retrouver sa part de rêve et ses paradis imaginaires.
On a envie de lui dire :
- Oublie de te prendre trop au sérieux. 

samedi 15 novembre 2014

Repères : les journalistes

Repères : une série de billets qui présentent de manière synthétique les questions de notre temps ; des réflexions basées sur l'observation, l'expérience, les souvenirs  personnels et la théorie.

n° 22


Dans l’esprit du jeune qui souhaite devenir journaliste, ce métier  représente l’aventure, l’ouverture sur le monde, la liberté. La réalité aujourd’hui est sans doute bien moins séduisante.
Journaliste est un métier qu'il est difficile de définir car il a multiples visages. Il y a peu de points communs entre le reporter de guerre et celui -ou celle - qui lit sur un prompteur des nouvelles concernant des faits dont il n'a rien vu.

C'est aussi  un métier que certains pratiquent, curieusement, sans avoir fait les études adaptées. Imagine-t-on un médecin, une infirmière qui n’auraient pas de diplôme ?

C’est un métier difficile  car nous vivons dans un monde sans repères, sans morale, sans respect. 
Autrefois, sur le terrain,  les reporters de guerre bénéficiaient de certaines règles qui les protégeaient plus ou moins ; de nos jours, ils sont à la merci de la barbarie de certains combattants : parfois pris en otages, assassinés sauvagement dans l’accomplissement de leur mission qui consiste à observer, témoigner, interroger pour  porter une information honnête dans le monde entier.
C’est un métier dans lequel  celui qui fait sérieusement son travail peut brutalement être remercié pour avoir déplu au prince.
Il y a quelques mois, Hervé Kempf qui suivait pour le Monde le dossier  de l'aéroport de Notre Dame des Landes, se vit reprocher les   investigations qui l'avaient poussé légitiment à critiquer ce projet. Son journal ne voulut pas qu'il continue l'enquête.
Hervé Kempf  décida de cesser sa collaboration au Monde
D'autres journalistes ont fait le même choix dans le passé. Mais la plupart - qu'ils travaillent dans la presse écrite, à la radio ou à la télé - subissent des pressions qui viennent du monde politique ou économique. Ils cessent de faire un véritable travail d'investigation qui permet d'apporter à ceux qui les lisent ou les écoutent les éléments qui les aideront à se forger leur propre opinion. Cela donne un journalisme aseptisé, uniformisé, qui consiste à présenter en quelques minutes, voire quelques secondes, des faits qui  défilent les uns après les autres, sans être approfondis.
Peut-on encore appeler cela du journalisme ?
Hélas non. Et pourtant, une démocratie vivante a besoin d'une information non tronquée.
L’idée de  liberté de la presse est née en France avec la Révolution de 1789, elle a été établie officiellement en 1881. En ce début de siècle, elle rencontre encore de nombreux obstacles.
On voit ainsi différents métiers ( les instituteurs, les journalistes...) qui auparavant bénéficiaient du respect  des gens  et sont de nos jours victimes de menaces, d’injures, parfois de coups.
Cette évolution négative des mœurs est un mauvais signe pour l’avenir de la démocratie.



jeudi 13 novembre 2014

Le drame de Sivens : décryptage

Maintenir la biodiversité
Le drame qui s’est produit à la fin d’octobre dans le département du Tarn - la mort de Rémi Fraisse étudiant de 21 ans - ne doit pas se perdre dans la masse des évènements dont parlent pendant quelques jours  les télés d’infos en continu avant de passer à autre chose, sans que l’analyse des faits ait été faite. 

Il ne faut pas oublier ce drame qui marquera le mandat du président Hollande ; il est une faillite de la démocratie qui ne parvient pas à gérer les différends,  la conséquence  d’une série d’erreurs. 
Un innocent est mort d’avoir voulu défendre l’environnement. Il a été tué par une grenade qu’un gendarme avait lancée. Cela n’aurait jamais dû se produire.

Le contexte
Le conflit survenu  à propos  du  projet de barrage de Sivens est arrivé  après  deux décisions  gouvernementales qui étaient en contradiction avec les intentions annoncées par le gouvernement ( l’engagement  dans le processus  de la transition écologique).

- Il y a eu d’abord la volonté de poursuivre le projet de l’aéroport  de Notre-Dame des Landes, projet  coûteux, nuisible à l’environnement et inadapté à l’avenir du transport aérien.
- Puis ce fut, suite aux manifestations des « bonnets rouges», l’abandon  de l’écotaxe qui aurait permis de financer des projets permettant de  réduire la circulation des camions..
Enfin est venue l’acceptation du barrage sur  le Tescou, vieux projet que les experts ont jugé surdimensionné;

Trois dossiers, trois  renoncements, et une mauvaise appréciation de l’importance des enjeux écologiques.

Des coïncidences révélatrices
Deux évènements se  sont télescopés à la fin du mois d’octobre :
- le décès accidentel de M. de Margerie, patron d’une multinationale  pétrolière bien connue pour porter peu d’intérêt à l’écologie, responsable de la marée noire qui toucha  la côte bretonne en 1999. Ce grand patron  eut droit à un hommage quasi national auquel prirent part le chef de l’Etat, le Premier Ministre et  plusieurs ministres dont celui de l’Intérieur. 
- Rémi Fraisse, militant écologiste, mort pour avoir voulu défendre la biodiversité, n’eut droit dans les heures qui suivirent son décès à aucun mot de compassion de la part des hauts responsables de l’Etat.
Plus grave encore, on tenta de nuire à la réputation de  ce militant  pacifique  en entretenant  la confusion sur sa personnalité. Certains dirent même qu’il avait sur lui la nuit de sa mort un cocktail Molotov!

Le point de vue écologiste
La position des écologistes ( spécialistes, militants associatifs et politiques) hostiles au projet est légitime. Elle tient compte de la situation environnementale mondiale et locale qui nécessite de combattre le déréglement climatique, de respecter la biodiversité déjà très appauvrie et d’économiser l’eau.
Le site de Sivens comportant une zone humide qui joue un grand rôle dans les équilibres écologiques, cette zone doit être impérativement préservée.

L'avenir  des agriculteurs
On comprend leur inquiétude : les périodes de sécheresse sont de plus en plus fréquentes ( de même que les périodes d’inondations - signes du déréglement). Dans les prochaines années, les perturbations seront plus graves encore, avec une augmentation de la température de 2 degrés au minimum et peut-être de 4 degrés.
Ils doivent comprendre que la construction d’un barrage ne résoudra pas durablement leurs problèmes car ce serait une fuite en avant, une opération coûteuse, contraire à l'intérêt général. 
La sagesse et l’efficacité consisteraient à aider ces agriculteurs à abandonner la culture du maïs qui réclame beaucoup d’eau pour s’orienter vers des cultures variées, adaptées à l'évolution du climat et ne nécessitant pas de nombreux arrosages.

Il reste un aspect que je ne traite pas car il relève de la justice : c’est celui des responsabilités. Bien sûr nous attendons tous que la vérité soit connue de tous.

mardi 11 novembre 2014

Sur mon bloc-notes ( semaine 46)

À la manière d'un journal qui permet de noter régulièrement des réflexions diverses ou de brefs comptes rendus de lectures, de choses marquantes, d'activités, ces Pensées éparses et Brèves sont une autre façon de faire entendre la rumeur du temps présent.




11 novembre
Les millions de morts de la première guerre mondiale, militaires et civils, ceux qui ont vu leur jeunesse brisée, la douleur des parents, des jeunes femmes qui ont perdu un fils , un mari ou un fiancé dans les tranchées...tous ces faits ne peuvent être oubliés.
Se souvenir de ces années terribles est nécessaire pour continuer de consolider la paix qui reste si fragile dans certaines zones et bafouée dans trop de régions.
Il suffit de revenir sur les causes des deux guerres mondiales pour mesurer l’importance du rapprochement entre les peuples qui s’est opéré en Europe après 1945.
Si la construction de l’Europe est loin d’être parfaite, on doit lui reconnaître sa contribution à une paix durable dans les pays qu’elle réunit.
Les nostalgiques d’un passé qui connut en permanence la guerre feraient bien d’intégrer ce facteur dans leur piètre réflexion.

Préjugés
Le monde du football brille rarement par la pertinence de ses jugements. On a souvent relevé des propos homophobes dans la bouche de certains joueurs. Dernièrement, l’entraîneur de Bordeaux a fait du joueur africain un portrait injurieux, conforme aux préjugés tant de fois entendus sur les Africains depuis l’époque de la colonisation. 
Il serait temps que les responsables du football enseignent à leurs cadres afin de les retransmettre aux licenciés les principes des droits de l’homme, et notamment l’égalité des êtres humains quelle que soit la couleur de leur peau, leur religion, leur orientation sexuelle.

Manitas de Plata
Il était sans aucun doute le plus grand guitariste gitan, le meilleur ambassadeur du flamenco à travers le monde.
Manitas de Plata est mort dans la pauvreté. Sa musique a enchanté le monde entier. 
C’est en pensant à lui que j’avais  écrit le poème Pablo :

C'était un soir d'été / nous étions insouciants ; 
la Méditerranée / était là près de nous.
Il a pris sa guitare / et je l'ai écouté.
J'ai vu ses doigts d'argent / danser dans la nuit bleue.

Sa musique était souvent joyeuse, mais j’y percevais parfois des sons qui exprimaient la tristesse d’un peuple victime de préjugés, ce que j’ai traduit ainsi :

Puis soudain 
des accords  déchirants  
blessent la douceur du soir.
Et la mer qui sanglote.

Prix littéraires
Il fut un temps où j’achetais systématiquement le livre ayant obtenu le prix Goncourt. De grands écrivains l’ont eu dans le passé :  Proust, Malraux, Elsa Triolet, Julien Gracq, Modiano. Marguerite Duras...et je n’ai jamais regretté mon achat.
J’ai perdu cette habitude à la suite de quelques déceptions ces dernières années.
Bien sûr, les prix littéraires ne peuvent donner un livre excellent chaque année (ou si ce livre existe, il n’est pas nécessairement mis en compétition pour les prix) . Il faut en effet compter dans cette attribution  sur les maisons d’édition qui influencent plus ou moins le vote des jurés.
Cette année le choix du livre Pas pleurer, de Lydie Salvayre, semble ne pas être contesté. Elle y évoque la guerre d’Espagne, un thème qui m’intéresse et  me donne envie de lire ce livre.

samedi 8 novembre 2014

Repères n° 21 : la télévision

Repères : une série de billets qui présentent de manière synthétique les questions de notre temps ; des réflexions basées sur l'observation, l'expérience, les souvenirs  personnels et la théorie.


La télévision 
J’ai connu l’époque où les téléviseurs étaient rares dans les maisons. En 1956, il n’y en avait que 500 000 en  France ; dans les années 60, on en comptait près de  deux millions. La télévision commençait à se démocratiser. 
Peu à peu, on la vit pratiquement dans tous les foyers. On peut dire qu’en quelques décennies elle a réussi à modifier les habitudes des gens, même si ce ne fut pas une révolution aussi forte que celle que devait être plus tard l’informatique.
La plus  notable des conséquences du développement de la télé a eu lieu dans le domaine de l’information : les nouvelles du monde entier ont pénétré partout instantanément avec la force des images. 
Ceux qui détenaient le pouvoir sentirent tout de suite les avantages qu’ils pouvaient tirer de ce nouvel outil de communication : le général de Gaulle sut se montrer sur l’écran chaque fois qu'il le jugeait utile et il mit les journalistes de télé à son service ( au service de la France dans son esprit).
Dans le domaine de la culture, la diffusion de pièces de théâtre, de documentaires, de films, fut une bonne chose.
La distraction, la détente , étaient apportées par des émissions de variétés, de cirque, des spectacles  sportifs qui arrivaient jusque dans les villages les plus reculés. Certains réalisateurs , Jean-Christophe Averty par exemple, faisaient preuve d’une grande créativité.

Grâce à la télévision, le monde apparut soudain sous un visage nouveau.
Dans la nuit du  21 juillet 1969, 600 millions de personnes étaient devant leur écran pour vivre un évènement exceptionnel : les téléspectateurs purent regarder Neil Armstrong faire ses premiers pas sur la Lune. Chacun  prit alors conscience de son appartenance à la Terre.

Dans les années 60, la télévision a été plus présente dans les écoles. J’ai fait partie de ceux qui l’ont utilisée en tant qu’outil  pédagogique. Des émissions scolaires s’adressant à différents niveaux étaient produites. Le mouvement du film apportait plus de vie que la diapositive et les élèves étaient captivés par ce support qui complétait les leçons de l’enseignant. Une femme a contribué au développement de l’audio-visuel scolaire : Jacqueline Marguerite. 

La télévision avait donc des aspects positifs. Mais au moment où elle se répandait, on ne pouvait s'empêcher d'émettre des réserves. N'allait-elle pas prendre trop de place dans les emplois du temps, au détriment du sommeil ou  d'autres loisirs comme  la lecture ou les sorties au cinéma ? N'allait-elle pas  freiner les échanges conviviaux ?

Le téléviseur est devenu rapidement un objet autour duquel s’agglutinent les familles,  mais il  est aussi souvent -il faut le reconnaître - le compagnon des personnes seules qui trouvent dans la voix d’un chroniqueur ou d’une animatrice , dans une belle musique ou un beau film, un peu de réconfort.

Evolution de la télé
Depuis 1950, comment a-t-elle évolué ?
Du point de vue technique, les progrès sont indéniables. On est passé du noir et blanc à la couleur, la qualité de l’image s’est améliorée , le nombre de chaînes s’est agrandi.
Mais cela ne peut cacher la faiblesse de nombreux programmes, la médiocrité de certaines émissions (la télé-réalité par exemple) et celle de certains animateurs : le poids de la publicité et celui de l’audimat ont fait baisser la qualité.

Aujourd’hui la télé  est le reflet de notre société. Ce ne sont plus les professionnels qui fixent la ligne à suivre, ce sont des hommes de la finance qui imposent leurs règles.
L’audace, l’inventivité des débuts de la télé manquent cruellement.
Cernée par les nouveaux moyens de communication, la télévision risque de connaître des jours difficiles si elle ne prend pas un autre chemin.

Note : L’évolution de l’information à la télé sera abordée dans le prochain billet



jeudi 6 novembre 2014

Le mot (93 ) : La curiosité



Curiosité. Voilà un mot ambigu qui désigne à la fois  un défaut et une qualité. D’un côté, la curiosité malsaine de celui qui cherche à connaître des choses qui ne le concernent pas ; de l’autre, la curiosité intellectuelle et citoyenne qui permet d’apprendre des choses nouvelles, de s’informer et d'agir en connaissance de cause. 
Cette forme de curiosité est indispensable à celui qui veut avoir un comportement responsable. 

Combien de gens, hélas, ne sont pas suffisamment curieux ! Par négligence, par peur de connaître la vérité, par indifférence, par complicité volontaire, parce qu’ils se laissent manipuler, ils laissent faire, en tant que citoyens et consommateurs, des choses abominables ou dangereuses.

Voici quelques exemples pour illustrer ces propos : 
L’état de la planète : tous les scientifiques du monde entier ( hormis ceux qui sont à la solde de grands groupes pollueurs) ont établi un diagnostic précis des problèmes écologiques et préconisé des solutions pour stopper la dégradation. 
Trop de gens ne se sentent pas concernés. Trop peu cherchent à en savoir plus ; ils subissent, résignés.
La consommation : Tout ce qu’on achète pour se nourrir, se vêtir, se distraire, se déplacer, devrait, dans un souci de responsabilité,  être l’objet d’une curiosité permettant de rendre l’achat soutenable écologiquement et socialement.

Cette barquette de fraises, d’où vient-elle
- D’ Espagne ? Elle a fait plus de 1000 kilomètres pour arriver ici, on a utilisé pour la produire engrais chimiques, insecticides, pesticides, on a employé des travailleurs au noir mal payés. 
Mieux vaut acheter des fraises bio de la région.
Et cette chemise bon marché ?
- Elle vient de Chine, Des jeunes filles aux salaires de misère l’ont fabriquée. Je ne l'achète pas.
Et ce  smartphone qu’on souhaite offrir à l’aîné, que sait-on de lui ?
- Cette semaine, l’émission Cash investigation ( sur France 2) vient de nous en dire un peu plus après un long travail de recherches : ce beau bijou de la technologie a été fabriqué en faisant travailler des enfants de 12-13 ans, en exploitant au Congo, dans les mines de tantale, des hommes et des enfants dont certains meurent dans des éboulements.

Et ce rôti de veau,  cette cuisse de poulet qui paraissent si bons, que sait-on d’eux ?
- Beaucoup préfèrent ne pas le savoir. Ils se contentent de regarder l’image trompeuse d’une belle prairie ou d’un poulet dodu qui accompagne la viande. Le reste : les pollutions, les grandes quantités d’eau utilisées pour élever ces bêtes, les souffrances des vaches et des poules, l’horreur des abattoirs, ils ne veulent pas en entendre parler.

Dans un monde où l’on nous cache la vérité, il est nécessaire pour chacun de nous  d’être vigilants. Avec l’aide d’associations et de médias responsables, faisons preuve de curiosité. C'est le premier pas  vers la liberté.

mardi 4 novembre 2014

Sur mon bloc-notes ( semaine 45 )

À la manière d'un journal qui permet de noter régulièrement des réflexions diverses ou de brefs comptes rendus de lectures, de choses marquantes, d'activités, ces Pensées éparses et Brèves sont une autre façon de faire entendre la rumeur du temps présent.



Bonheur et économie
L’économiste Claudia Senik vient d’écrire  un livre intitulé L’économie du bonheur dans lequel elle présente ses travaux sur  l’écart entre la réalité économique  mesurée   - avec des erreurs certes - par les indicateurs tels que  le PIB ou  l’IDH ( indice de  développement humain ) et le ressenti des personnes.
Il s’agit là d’un thème de recherche intéressant qui mérite d’être exploré davantage.  Ce problème touche particulièrement la France où   les gens  paraissent plus pessimistes que dans les pays voisins.
Il faut d'abord noter que le lien entre croissance et bonheur n’est pas systématique. 
D’abord, parce que les activités économiques entrant dans le calcul de la croissance n’ont pas toutes des retombées positives pour les gens (je pense notamment aux accidents de voiture ). 
Ensuite, les disparités très fortes dans la répartition des richesses générées par ces activités  entraîne des situations qui peuvent être déprimantes dans certains foyers.
Il  est étonnant par contre de constater que ce pessimisme touche aussi, dans des situations semblables, les  Français expatriés qui  se sentent moins heureux que les expatriés d’autre pays.
Le problème est-il  psychologique ? J’y reviendrai dans un instant.
Un autre fait intervient dans ce phénomène : la tendance à la nostalgie qui pousse certains Français à embellir le passé au point, chez les plus conservateurs, de refuser  de s’adapter à la nouveauté, ce qui, pour un pays, est un lourd handicap.

Causes d’un pessimisme
Le pessimisme du Français est-il dans sa nature, plus que dans celle du Suédois ou de l’Allemand ? Je pense  que c’est la société française qui est en partie responsable.
La crise économique est mondiale, cependant certains peuples s’en tirent mieux que les autres. Pourquoi ?
En France, la société est bloquée : celui qui naît dans une famille pauvre a moins de perspectives de promotion que celui  qui naît dans  une famille aisée. Notre société favorise les élites, les non-diplômés  ont peu de chances de s'en sortir. Dans un monde de consommation et de rivalité, ceux qui sont exclus éprouvent une forte frustration.
La jalousie règne, l’insatisfaction rend malheureux.
Le Français s’est habitué par ailleurs à trop compter sur l’Etat-Providence qui n’a plus les moyens d’assumer ses responsabilités comme au temps des Trente Glorieuses. 
Pour toutes ces raisons, il est désarmé et pessimiste.

Le Français  va devoir à l’avenir reprendre confiance en lui et dans les autres. Dans le domaine du travail, par exemple, il faut que davantage de jeunes prennent le risque d’entreprendre.
Qu’attend-on de nos responsables ?
Qu’ils créent les conditions nécessaires pour assurer ce changement des mentalités. Cela passe par une réforme de l’école et une autre vision de l’entreprise qui donnent leur chance à tous et par des mesures diminuant  les inégalités, telle que la réduction de l’écart des salaires. 

Le barrage de Sivens  
Nous connaissons depuis quelques jours les circonstances dans lesquelles est décédé Rémi Fraisse, le jeune écologiste engagé dans la défense du site de la zone humide du Testet, sur le cours du Tescou. C’est une grenade offensive  tirée par un gendarme qui l’a tué. 
La mort d’un militant pacifique est une bavure qui ensanglante ce quinquennat. 
Une réunion importante  sur l’avenir de cette zone se tenant aujourd’hui, j’attendrai d’en connaître les conclusions pour revenir prochainement sur ce dossier bien mal engagé.

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