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jeudi 27 novembre 2014

Les gens : Un chômeur

LES GENS n° 29

Depuis huit mois, Armand  a le regard sombre. Ses amis du club de basket qu’il retrouve deux fois par semaine s’inquiètent de le voir si triste. Sa femme, sa fillette, ont bien du mal à le consoler.


À quarante ans, Armand a perdu son dynamisme, sa bonne humeur. L’usine qui l’employait depuis dix ans a fermé au début de l’année. Pour la première fois de sa vie, Armand a rejoint la longue liste des demandeurs d’emploi ( on n’ose plus aujourd’hui prononcer le mot chômeur, jugé trop dur à porter ; il faut dire que pour celles et ceux qui sont dans cette situation, ce mot est insupportable.

Le chômeur se sent déprécié, il ressent une part de responsabilité dans ce qu’il lui arrive alors qu’en réalité il est une victime. Le coupable, c’est la société mal organisée, c’est  l’entreprise qui n’a pas su s’adapter à temps, qui n’a pas fait les bons choix...

La recherche d'un emploi est un long fleuve rempli d'obstacles qui épuisent celui qui cherche à retravailler et qui finissent par le désespérer.
Voilà huit mois qu’Armand occupe ses journées à consulter des annonces, à téléphoner, écrire des lettres, envoyer des CV. La plupart des courriers restent sans réponse. 
Quand enfin est  arrivée une  première réponse, Armand a repris espoir. Mais le désenchantement est vite venu ! Il lui a fallu affronter une concurrence féroce. Ils étaient peut-être une centaine de candidats, voire plus, pour le poste et quelques-uns ont été retenus pour cet entretien. 
- Sur quelles bases ?  Le  hasard y est sans doute pour quelque chose, pense-t-il.
Et trente minutes environ pour démontrer qu'on est le meilleur (ou la meilleure). Le meilleur peut-être pas, mais le plus convaincant, le plus rassurant, le plus conforme au moule.

- Donnez-moi quelques arguments qui pourraient me donner envie de vous embaucher, lui a demandé le recruteur.
Au fond de lui-même, Armand est horripilé par cette phrase.
Mais il lui faut jouer le jeu que lui impose le monde moderne pour défendre ses chances.
Il faut accepter sans broncher de répondre aux questions pièges qu’un recruteur prend un plaisir sadique à poser. 
Malheur au timide qui cherche ses mots et bafouille. Quelles que soient ses qualités et ses compétences, il sera la victime du  jeu de massacre.

 Armand  a déjà connu trois fois l’épreuve terrible de l’entretien d’embauche. Aujourd’hui, il n’en peut plus. 
Il sait que s’il s’en sort un jour prochain, des hommes et des femmes resteront irrémédiablement sans travail. Et cela, il n'arrive pas à l'accepter.

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