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vendredi 30 novembre 2012

Penser le futur




Nous vivons la fin d'une époque.
Quand on regarde la situation planétaire actuelle du point de vue environnemental, social et économique, on constate qu'elle découle d'un processus dont les effets ont commencé à se faire sentir à la fin des années 60 et qui a été confirmé lors du choc pétrolier de 1974. Deux ans plus tôt, le Club de Rome avait demandé de ralentir la croissance et peu après, René Dumont nous alertait sur les risques écologiques dans son ouvrage L'utopie ou la mort.
On les a peu écoutés et on a déjà beaucoup tardé à prendre les décisions qui garantiront les droits des générations à venir.
Il devient urgent de penser le futur. Trois axes me semblent essentiels :

1.Penser autrement :
La pensée cartésienne a fait son temps, il faut adopter la pensée complexe qui consiste à tisser des liens entre les problèmes sociaux, économiques, environnementaux et qui s'appuie sur les principes de l'écologie scientifique : interdépendance, diversité, complémentarité, rétroaction...entre autres.
La pensée complexe étudie les problèmes à la fois du point de vue local et du point de vue global ; elle intègre également dans la réflexion la notion de long terme.
Elle évolue en permanence pour s'adapter aux changements.


2.Repenser les relations humaines
Le monde n'aura pas d'avenir si la société continue d'encourager l'esprit de compétition, de sélection et de domination qui crée des experts, des spécialistes d'un côté, des exécutants et des exclus de l'autre.
Les changements nécessaires n'auront lieu que si la société fait partager le plus largement possible les connaissances, si elle crée dès l'école les conditions d'une vraie coopération, si elle apprend à vivre ensemble dans toutes les étapes de la vie. Sur ces bases, il faut aussi repenser la  démocratie. 


vendredi 23 novembre 2012

Le vent de novembre


Une certaine idée du bonheur


Ce matin, le temps me fait penser à Verhaeren :
«  Sur la bruyère longue infiniment
Voici le vent cornant Novembre.
Sur la bruyère infiniment
Voici le vent qui se déchire et se démembre... »
Et par une association d'idées, je ne peux m'empêcher de penser au monde qui offre ses  lamentables spectacles : ici des hommes qui se déchirent pour une part de gâteau, d'autres qui se tournent désespérément vers la violence, d'autres encore qui se résignent...
Certains ont choisi de se voiler la face ; ils mènent égoïstement une existence tranquille. Leur univers clos ignore la misère, la faim des autres.


Je connais la misère, la haine, l'intolérance ; mais déjà en rêve j'entrevois le monde nouveau. J'entends là-bas, au bout du chemin, monter une rumeur d'espoir. Alors m'apparaît une certaine idée du bonheur.

Au frontispice d'un temple de granit j'écris en pleine lumière : Justice Amour et Liberté.

mercredi 21 novembre 2012

La famille, hier et aujourd'hui




Les manifestations contre le mariage pour tous qui se sont déroulées en France ce week-end ont donné une triste image d'une certaine partie de la population : jeunes féministes brutalisées, femme faisant son métier de journaliste rouée de coups...
Quand l'intolérance produit tant de violence, il y a de quoi s'inquiéter sur l'état de la société.
Quelle est la motivation de ces manifestants ? Ils prétendent défendre une certaine idée de la famille, une conception qui garantirait la tranquillité de la société et qui, surtout, est conforme à la vision véhiculée depuis des siècles par la religion.

Cette image de la famille traditionnelle est-elle aussi idyllique qu'ils le prétendent ?
Ce serait oublier la réalité des faits : longtemps le mariage a été une institution dans laquelle la liberté de choix des jeunes gens n'existait pas, une institution basée sur l'inégalité de la femme et de l'homme qui était le chef de famille, la femme restant au foyer pour s'occuper des enfants et faire les travaux ménagers, une femme qui ne pouvait exercer sa citoyenneté.
L'image de la famille unie où le père apportait force et autorité et où la mère représentait la douceur a été écornée par la réalité et décrite par de nombreux auteurs : on se souvient d'André Gide disant : »Familles, je vous hais », de Jules Renard décrivant dans Poil de Carotte la haine que lui portait sa mère, d'Hervé Bazin décrivant dans Vipère au poing, une mère – Folcoche – qui martyrisait ses enfants et un père sans courage.

Les opposants au mariage entre personnes de même sexe avancent un autre argument pour justifier leur position : pour s'épanouir, les enfants devraient être élevés par la mère et le père. C'est ne pas tenir compte de la réalité : depuis plusieurs décennies, les divorces augmentent, les familles monoparentales et les familles recomposées sont fréquentes. Par ailleurs, l'adoption et la procréation assistée ont modifié la conception traditionnelle de la famille ; elles introduisent des éléments nouveaux dont il faut tenir compte.
On notera aussi dans cette évolution de la famille un élément positif : les couples modernes se fondent en toute liberté. Le mariage est devenu l'acte liant deux êtres qui s'aiment. Jusqu'à maintenant il s'agissait d'un homme et d'une femme. L'avancée proposée par la loi est de ne plus tenir compte du sexe des deux personnes qui souhaiteront s'unir de manière officielle.

lundi 19 novembre 2012

Notre-Dame-des-Landes

LE PROJET D'UNE AUTRE EPOQUE




La manifestation réussie contre le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes permet de penser que le projet peut encore être enterré. On peut seulement regretter que, contrairement à ce qui s'était passé sur le Larzac dès 1971 pour éviter l'extension du camp militaire et en Haute-Loire en 1989 pour refuser la construction du barrage de Serre de la Fare, la mobilisation nationale soit venue tardivement alors que localement, dès 1972, les paysans locaux avaient entamé leur lutte contre le projet d'aéroport.

Je ne reviendrai pas en détail sur les arguments qui ont été utilisés par les uns et les autres pour défendre ou refuser ce projet. Tous les journaux les ont donnés ces derniers jours. Je voudrais ici insister sur l'essence même de la discorde : celle-ci révèle une divergence profonde sur le modèle de développement que nous devons choisir pour le 21e siècle.
A l'évidence, Notre-Dame-des-Landes est le projet d'une autre époque. On était en 1972 quand cette idée d'aéroport est née. Georges Pompidou, président de la République, poursuivait la politique de son prédécesseur Charles de Gaulle. Pour eux, "la grandeur de la France" s'exprimait à travers de grands projets, on encourageait la consommation et rares étaient ceux qui avaient senti la crise économique qui allait suivre.
Quarante ans plus tard, le monde a changé. Continuer à penser l'avenir en agissant comme on le faisait il y a 40 ans est une grave erreur. Les opposants au projet d'aéroport ne mènent pas seulement une action locale. Ils défendent une vision plus juste, plus écologique de la société d'aujourd'hui et de demain. La référence à la lutte du Larzac est juste.
Ceux qui s'opposent à Notre-Dame-des-Landes disent qu'on a suffisamment sacrifié de terres agricoles ces dernières décennies et qu'il serait indécent de poursuivre dans cette voie. Nourrir les hommes reste une des priorités de toute société.
Ils disent qu'on a suffisamment pollué l'atmosphère depuis 40 ans et qu'il faut lutter contre le réchauffement climatique, qu'il est temps de penser à l'après-pétrole et de favoriser les modes de transports économes.
Ils disent qu'il y a suffisamment de détresse sociale dans ce pays pour se permettre d'investir des millions d'euros qui seraient plus utiles dans d'autres activités utiles socialement.
Ceux qui mettent en avant la création d'emplois générés par la construction de l'aéroport raisonnent dans une perspective de court terme.
Une réflexion axée sur le long terme conduit à rejeter ce projet pour des raisons économiques, sociales et environnementales. 

vendredi 16 novembre 2012

Orientation, le mot de la semaine (90)


Chaque semaine, voici - à partir d’un mot - une réflexion développée brièvement.

Aujourd’hui, le mot : orientation



Il y a quelques jours, je participais à un débat sur l'orientation, question cruciale qui engage l'avenir des jeunes mais qui ne peut être traitée sérieusement que si elle est prise dans un contexte global. Celui-ci comprend, outre l'orientation, l'éducation de base qui permet de maîtriser les outils indispensables : lire, écrire, compter, savoir s'organiser, travailler ensemble,  la formation professionnelle (initiale et continue) et les débouchés en terme d'emploi.
Suivant de près ces questions depuis 20 ans, alors que j'avais en charge la politique de formation de la Région Nord/ Pas-de-Calais, je me rends compte aujourd'hui que la situation a peu évolué, malgré quelques avancées positives, notamment dans l'amélioration des rapports entre l'école et l'entreprise.
Comment expliquer cette situation ?

La principale cause relève, à mon avis, dans la difficulté à appréhender le changement de société  que beaucoup continuent d'appeler "crise".
Les institutions publiques et les entreprises privées fonctionnent encore selon le modèle du siècle dernier, celui de l'ère industrielle où l'on pensait qu'il suffit de produire de la croissance pour donner du travail à tout le monde. Ce système encourageait la compétition et la sélection. S'il a donné quelques résultats à ses débuts, il a vite montré ses limites : il a produit alors exclusion, chômage et dégâts environnementaux.

De nombreux sociologues, philosophes, économistes, responsables associatifs, sont d'accord aujourd'hui pour dire que nous entrons dans une nouvelle ère qui nous impose de penser autrement.
En ce qui concerne l'orientation des jeunes, quel est l'enjeu essentiel ?
Prenons le cas d'un élève de 3e appelé à faire un choix important (quelle seconde choisir?). Né en 1997, il aura 60 ans en 2057. Quel sera le parcours professionnel de ce jeune ? Même s'il accomplit toute sa carrière dans le même secteur d'activité, il connaîtra plusieurs employeurs, s'il décide de créer sa propre entreprise il sera amené à évoluer, à s'adapter à de nouvelles technologies et peut-être aussi à changer de métier.
Pour apporter les meilleures réponses possibles à ce jeune, il est illusoire de penser que l'école et les structures publiques de formation et d'emploi pourront résoudre tous les cas individuels. Il est indispensable que toute la société s'approprie cette question globale (éducation, formation, orientation, emploi) et participe à travers les associations et les initiatives citoyennes à l'élaboration d'un projet collectif permettant de « moderniser sans exclure » pour reprendre l'expression que Bertrand Schwartz avait choisie comme titre d'un de ses livres.
Tous ensemble (école, parents, associations) nous devons nous fixer deux objectifs clairs :
1. en terme d'éducation : permettre à ce jeune de s'adapter tout au long de sa vie aux évolutions, en lui donnant les compétences nécessaires.
2. en terme d'orientation : l'aider à choisir la voie la plus favorable à son épanouissement  et à sa forme d'intelligence : pour les uns, études s'appuyant en priorité sur les acquisitions théoriques, pour les autres, voie de l'alternance et de l'apprentissage permettant d'accéder à un niveau d'études équivalent dans certains domaines à celui de l'enseignement général.
Dans cette perspective, le choix d'un métier précis apparaît secondaire ; c'est l'envie de travailler dans un domaine d'activité qui doit primer.


mercredi 14 novembre 2012

Paroles de chat (4)


La colère du chat

( Platon est un chat qui a été accueilli il y a dix ans par Boris, Sylvie et leurs enfants Emma et Jules. Ce chat a la particularité d'observer malicieusement le monde qui l'entoure)



Aujourd'hui, il nous parle de son actualité :

« La semaine aurait dû être excellente : Boris que je n'avais pas vu depuis un mois je ne sais toujours pas pour quelle raison – est enfin revenu. Aussitôt l'ambiance à la maison est devenue plus sereine, Sophie a retrouvé sa bonne humeur et les enfants leur sourire.
Et puis, le lendemain, tout a brusquement changé ; au milieu de l'après-midi, Sophie est rentrée furieuse et inquiète à la fois :
    - On a retrouvé plusieurs chats morts ce matin dans le quartier, a-t-elle dit à Boris. Ils ont sans doute été empoisonnés. Je sais qu'il y a dans le voisinage des gens qui détestent les chats.
    - Ce serait plus prudent de ne pas laisser sortir Platon pendant quelques jours, a conclu Boris.
C'est la raison pour laquelle je reste enfermé depuis six jours, et mes petites promenades commencent à me manquer.

Et puis hier soir, un autre évènement m'a mis dans une grosse colère. Sophie et Boris regardaient les infos à la télé quand soudain des images les ont fait bondir de rage. J'ai dressé les oreilles et regardé l'écran : on voyait de pauvres chats jetés brutalement d'une fenêtre et le commentateur disait qu'il s'agissait d'une performance réalisée par un artiste (*). Appeler ce geste sadique une performance artistique, quel scandale ! Et il paraît que d'autres avant lui avaient déjà fait la même chose ! Décidément, j'ai bien du mal à comprendre les humains. Certains sont si gentils avec nous, ils considèrent que nous faisons partie de leur famille. Et il y en a d'autres qui nous font souffrir et qui nous tuent. Si j'avais un conseil à donner aux hommes, c'est qu'il faudrait qu'ils s'inquiètent un peu plus de ces comportements barbares. »


(*) il s'agit d'un fait réel

lundi 12 novembre 2012

Oui, les campagnes ont un avenir





L'une des plus grosses erreurs commises par les décideurs au 20e siècle a été de ne pas enrayer la désertification des campagnes. La seconde a été de sacrifier l'agriculture paysanne au profit d'une agriculture industrielle.
Cette politique s'est révélée désastreuse du point de vue humain, économique, social et environnemental. 
Il est regrettable de constater le manque de clairvoyance des dirigeants qui n'ont pas compris l'importance de maintenir une agriculture pratiquée dans des exploitations à taille humaine où les cultures et les élevages respectaient les lois naturelles, contribuant ainsi à fournir aux populations une alimentation saine et de qualité.

La disparition progressive des fermes a appauvri les territoires ; les espaces ruraux, au fil du temps, ont perdu leur attractivité en voyant disparaître une grande partie des services publics indispensables à la vie de tous les jours.
L'environnement a souffert de ce changement qui a entraîné pollution des sols, des cours d'eau, des nappes phréatiques, dégradation de la biodiversité ...
Du point de vue économique, cela a été une gabegie et une insulte au bon sens : des milliards d’euros ont été  dépensés par l’Europe, allant essentiellement à l'agriculture « classique », celle qui utilise pesticides, insecticides, fongicides...

Pourtant, malgré la situation dans laquelle elles se trouvent, les campagnes possèdent des atouts, et le 21e siècle pourrait voir leur renouveau. 
La seule solution possible pour elles est de s'inscrire dans une démarche de développement responsable, combinant innovation, et esprit de justice (afin que l'ensemble de la population bénéficie du développement).

Le premier atout des espaces ruraux est dans la qualité des paysages qui doivent être préservés, mais il y en a d'autres, notamment la richesse du patrimoine historique et culturel. Ces arguments sont favorables au développement d'un tourisme durable mettant en valeur l'économie et les qualités humaines locales.
L'innovation peut s'exprimer pleinement dans les nouvelles technologies, en particulier grâce à Internet qui est en train de modifier les comportements et les emplois en permettant une interactivité très intéressante,
Mais, comme l'explique André-Yves Portnoff, chercheur en prospective, dans un entretien donné à l'occasion de sa venue prochaine à Calais « cela s’oppose à la culture de la rivalité qu’on nous a inculquée à l’école, alors qu’il faudrait dès l’école expliquer que l’on est plus fort lorsqu’on s’appuie sur les autres et parler plus d’émulation. participative. » Cette remarque pertinente fixe les conditions de la réussite.
L'innovation se trouve également dans l'agriculture qui doit tenir toute sa place dans le renouveau des campagnes. L'agriculture de demain ne pourra être que biologique. Et contrairement à ce qu'on entend dire souvent, celle-ci n'est pas un retour en arrière mais « une combinaison sophistiquée de sagesse ancienne et d'innovations écologiques modernes qui permettent d'aider à maîtriser les effets générateurs de rendement des cycles nutritifs, les insectes bénéfiques et la synergie des cultures » comme l'a écrit Brian Halweil, chercheur à l'Institut Worldwatch, dans une étude publiée en 2006.

vendredi 9 novembre 2012

Court terme, long terme




La réélection de Barack Obama a été un soulagement pour le monde entier car les idées défendues par son adversaire ( mélange d'obscurantisme et d'archaïsme) paraissaient très dangereuses. Pourtant, il faut bien reconnaître que le premier mandat du président américain a été plutôt décevant : on n'a pas senti chez lui la volonté d'entamer la mutation qui aurait permis d'entamer le 21e siècle dans des conditions plus favorables pour l'avenir du monde ; notamment sur les problèmes écologiques ( réchauffement climatique, biodiversité) il a été peu présent.
En France, il est bien sûr trop tôt pour porter un jugement sur le mandat de François Hollande qui a été élu, selon de nombreux commentateurs, plus sur un rejet de son adversaire que sur une adhésion à son programme, ce qui pourrait expliquer en partie la déception qu'on sent dans le pays. Cependant on peut d'ores et déjà noter que les premières décisions prises dans le domaine économique ne marquent pas une rupture franche avec le passé. A sa décharge, la liberté de manœuvre d'un dirigeant français est mince : il doit prendre en compte l'appartenance de la France à l'Union européenne et à la zone euro.

Barack Obama et François Hollande sont deux hommes politiques au pouvoir. Quelle que soit leur intelligence, ils sont enfermés dans un système paralysant qui les pousse à répondre le plus rapidement possible aux attentes des citoyens. Or actuellement c'est bien le problème du chômage avec ses conséquences – précarité, baisse du pouvoir d'achat, difficultés à trouver un logement... - qui préoccupe les gens. Ce sont donc les solutions à court terme qui sont privilégiées ; il y a aussi le fait que les hommes au pouvoir ont tendance à se soucier de leur réélection et cela les pousse à prendre des décisions aux effets immédiats.

C'est ainsi que depuis plusieurs décennies, malgré les échecs constatés dans tous les domaines, les dirigeants s'accrochent à des croyances inefficaces qui produisent des dégâts sociaux et environnementaux  alors que de nouvelles politiques conçues dans une perspective de long terme seraient nécessaires pour rétablir les équilibres. Mais celles-ci imposeraient des changements dans nos modes de vie qui, dans un système démocratique, doivent être acceptés par une majorité.
Une condition qui n'existe sans doute pas encore aujourd'hui.

vendredi 2 novembre 2012

Dire : Queneau, Rimbaud et les autres




L'herbe: sur l'herbe je n'ai rien à dire
mais encore quels sont ces bruits
ces bruits du jour et de la nuit
Le vent : sur le vent je n'ai rien à dire »

Ces quatre vers sont extraits du roman autobiographique Chêne et chien, de Raymond Queneau ; il est entièrement écrit en vers. Tout à coup, de façon apparemment disparate, l'auteur cite certains mots usuels : herbe, vent, chêne, rat, sable, chien ... pour nous dire ...qu'il n'a rien à dire.
Bien sûr, il n'en est rien.
Est-ce une panne d'inspiration ? Sûrement pas ! Tout au long du poème, Queneau associe au mot sur lequel il affirme n'avoir rien à dire une suite de mots. Et dans ces vers il démontre sa puissance poétique, son inventivité. L'effet de surprise produit par ces associations d'idées relève de la vraie poésie.

Ne rien dire. Il arrive qu'un poète perde brutalement la capacité d'exprimer ce qu'il ressent. Arthur Rimbaud, sans doute le plus grand poète français, en est l'exemple le plus étonnant : génial à 17 ans quand il écrit le Bateau ivre, il abandonne quelques années plus tard la poésie pour le négoce. Il n'écrira plus jamais. Son cas reste une énigme.

Et il y a tous ceux – parce qu'ils n'ont jamais essayé ou que la société a étouffé leur créativité – qui n'ont jamais réussi à mettre sur le papier ce qu'ils éprouvaient devant une scène vue, devant un paysage étonnant par son immensité ou sa beauté. Ceux-là se contentent de regarder. Ils ne disent rien mais derrière le silence se cache une sensibilité. C'est ce qui compte le plus.

Enfin il y a les autres, ceux qui n'ont jamais pensé à admirer  un  coucher  de  soleil. Ils  respirent,  mangent, comptent, dépensent, mais passent   à côté de la vraie vie.



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