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mercredi 7 décembre 2011

Contes brefs (suite) : Le journal d'Adèle B.


L'USURPATRICE
( suite du billet du 30 novembre)



Durant l’automne 2004, un nouveau visage fit son apparition dans les magazines et à la télé : une jeune femme de trente ans qui avait été cadre dans une entreprise de communication  avant de connaître le chômage venait de remporter l’un des ces  prix littéraires qui permettent  - parfois brièvement - de connaître la notoriété.
D’interview en interview, elle racontait toujours la même histoire, celle d’une chômeuse qui avait entrepris d’écrire un livre pour ne pas perdre complètement le moral, puis qui avait déposé son manuscrit sans trop y croire chez un grand éditeur. Et quelque temps plus tard, elle avait eu la surprise d’apprendre que son texte avait plu et serait édité. Elle pensait sincèrement, disait-elle, que l’aventure s’arrêterait là. Et puis l’impensable était survenu ; on lui avait  décerné ce prix  auquel elle ne s‘attendait vraiment pas.
Cette belle histoire attendrissait les lecteurs.

Son livre, La jeunesse d’Adèle B. racontait l’histoire d’une  fille de paysans du début du 20e siècle qui, ne supportant plus les pesanteurs d’un milieu familial étouffant, était partie vivre chez une tante vivant dans la banlieue parisienne. Les premières années, elle avait exercé plusieurs petits boulots. Un jour, alors qu’elle était serveuse dans un restaurant parisien, elle avait rencontré un peintre renommé. Elle était devenue sa maîtresse et avait eu un fils de cet homme qui était de vingt ans son aîné.
Le livre couvrait treize années de la vie d’Adèle. Il s’achevait sur une évocation bouleversante  de la première guerre mondiale et la mort brutale du compagnon d’Adèle.
La société de l’époque était décrite avec justesse, l’univers des  artistes, écrivains et peintres, que l’héroïne avait côtoyés, était évoqué avec des accents de vérité et le texte émaillé de pensées qui   attestaient l’originalité de la romancière.
Les critiques avaient accueilli favorablement ce premier ouvrage. 

                                              o

Ce  succès inattendu  avait perturbé Valérie Lecas. Quand elle avait tapé le texte de son arrière grand-mère, elle avait choisi de supprimer les dates du journal pour en faire un roman. Cela avait été sa seule intervention, tout le reste était  l’œuvre de son aïeule. Au moment où elle avait appris que le livre serait édité, après avoir hésité un instant, elle avait choisi de ne rien dire. Ensuite, il était trop tard pour dévoiler la vérité.
Ce secret qu’elle portait depuis des années était de plus en plus lourd à porter et elle imaginait sans cesse des issues effrayantes à cette supercherie...

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