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mercredi 9 novembre 2011

Contes brefs : Portrait d'un ambitieux




À quatorze ans, Hervé Dubroc aspirait déjà à connaître la célébrité.
Il n’avait jusqu’alors manifesté aucun talent particulier, n’avait montré aucun don pour la musique, le dessin ou l’écriture ni même pour le sport. C’était un élève faible : il avait redoublé deux fois à l’école primaire mais était cependant parvenu jusqu’en terminale. Après deux échecs au bac, il avait quitté l’école. Peu passionné par le travail, il avait fait brièvement quelques petits boulots. Depuis son mariage avec une infirmière libérale qui gagnait bien sa vie,  trouver un travail n'était pas sa préoccupation première.
Alors qu’il avait une vingtaine d’années,  Dubroc s’était découvert un intérêt  pour la politique. Il pensait en effet que celle-ci lui permettrait de satisfaire ses ambitions. Il avait d'abord choisi de militer dans un parti d’extrême gauche, ce qui correspondait le mieux à ses idées. 
Il n’y resta pas longtemps : dès qu’il eut compris que ses chances de réussite étaient minces, il se tourna vers l’écologie qui lui paraissait plus prometteuse. Cinq ans plus tard, il devenait adjoint au maire d’une ville de plus de 30 000 habitants.

À l’approche de la quarantaine, Dubroc envisage son avenir avec optimisme. Il espère devenir sénateur avant l’âge de cinquante ans. 
En attendant, il cherche à se rendre populaire dans son camp ; il est de tous les combats pour la défense de l’environnement, signe toutes les pétitions qu’on lui présente contre le gavage des oies, contre la corrida, il dénonce les grandes surfaces, les dérives de la société de consommation. Sa sincérité paraît évidente.
Pourtant, son comportement est bien éloigné des convictions affichées : on ne l’a jamais vu trier ses déchets parce qu’il « trouve le geste dérisoire », il se délecte de foie gras dès que l’occasion se présente, il assiste chaque été à des corridas qu’il juge « d’une grande beauté ».
Pour lui, le réchauffement climatique est un thème de discours, rien de plus. 
Quand il parle de l’avenir de l’humanité, il  pense d’abord à son propre avenir.

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