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mardi 4 juin 2019

Michel Serres


    Michel Serres vient de mourir. C’est un auteur que j’apprécie beaucoup. Il y a dans ses livres une grande variété. On note par exemple une grande différence entre le Contrat naturel, le Tiers-Instruit et la Légende des Anges. J’avais eu l’occasion d’assister à l’une de ses conférences à la Cité des Sciences et de l’Industrie. C’était un plaisir de l’écouter.
  Le 12 octobre 2015, je lui avais consacré une chronique. C’était un humaniste si optimiste qu’il lui arrivait d’embellir la vérité, comme je le note dans ce texte :

   Il y a tellement d’écrivains et de philosophes désespérants dans le monde moderne qu’il est agréable de lire et d’écouter ceux qui délivrent des messages d’espoir. Michel Serres fait partie de ceux-là.
   C’est un auteur qui ne cesse de montrer son optimisme, à tel point qu’il lui arrive de ne pas voir la réalité : quand, par exemple, il définit notre époque « comme un âge doux » parce que le monde serait « pacifié » depuis 70 ans, il se trompe. Certes depuis 1945, aucune guerre mondiale n’a eu lieu mais un peu partout dans le monde les conflits se sont succédé et continuent aujourd’hui encore. L’historien américain Daniel Pipes en a recensé, pendant cette période, 67 ayant occasionné plus de 10 000 morts.
  Cela dit, Michel Serres travaille depuis des années à la définition d’un monde nouveau et avance des idées intéressantes ; son discours mérite d’être entendu.
  Dans un entretien récent,* interrogé sur l’évolution du monde, il répondait qu’il voyait dans la mutation qui s’est produite depuis le 19e siècle trois faits marquants : la disparition de la paysannerie dans les pays développés, l’explosion démographique et l’invention des nouvelles technologies. Cela est exact mais on ne peut passer sous silence le dérèglement climatique et l’appauvrissement de la biodiversité.

    Voyons rapidement quelles sont les conséquences des changements notés par Michel Serres.
   L’industrialisation excessive s’est faite au détriment de la ruralité ; la diminution des surfaces cultivées, la disparition de nombreuses fermes, l’exode rural, ont eu des effets négatifs sur le plan humain et sur l’environnement. Dans la perspective d’une agriculture de qualité pouvant nourrir toute l’humanité, cette façon de faire ne peut continuer : une révolution agricole est nécessaire. Cela doit faire partie des décisions à prendre le plus tôt possible.
   Le problème démographique est rarement évoqué dans le cadre de la transition. Nous étions trois milliards d’humains dans les années 1970, plus de sept milliards aujourd’hui, l’hypothèse des dix milliards atteints au cours de ce siècle paraît acquise. C’est pourtant un chiffre effrayant quand on pense à la finitude de la Terre. Dans ce domaine aussi, une croissance infinie est inconcevable. La question est complexe mais ne doit pas être abandonnée.
  Les nouvelles technologies ont bouleversé nos habitudes. Nul ne peut nier les services qu’elles rendent. Mais ne nous laissons pas dominer par elles comme ce fut le cas à partir du 19e siècle avec les machines nouvelles. Nous savons déjà que sur le plan environnemental, le bilan de l’informatique n’est pas aussi positif qu’on le pensait.
On a souvent comparé l’importance de l’invention des nouvelles technologies à celle de l’imprimerie. Mais la menace qu’elles font peser sur nos libertés en font un outil dont il faut se méfier.

* Entretien avec Héloïse Lhérété - Sciences Humaines n° 274


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