La crise écologique frappe l’ Afrique de point fouet. La question de l’eau, sous ses différents aspects, est sans doute l’une des plus préoccupantes. Les conséquences de la sécheresse, de l’érosion côtière, de l’urbanisation du littoral, l’exploitation abusive de la ressource halieutique, mettent en péril les populations locales, prises malgré elles, dans le carcan de la mondialisation.
Aujourd’hui, la crise de la pêche constitue une menace majeure. Elle est révélatrice de la crise environnementale qui touche la planète et du désastre économique subi par les pays du Sud.
En Afrique, et surtout à l’Ouest de ce continent, la pêche représente une source de revenus et d’alimentation pour plusieurs millions de personnes. Au Sénégal, par exemple, le poisson est la principale source d’apport en protéines pour les habitants ( environ 75%)
Cela justifie les craintes que l’on doit avoir pour l’avenir de ses habitants.
La première cause de la crise de la pêche est la concentration humaine sur les zones côtières ( en moyenne 60%).
Cette concentration entraîne une forte pollution domestique et industrielle.
L’utilisation des chaluts de fond constitue un danger pour le milieu marin et met la ressource en péril.
Enfin, le développement de la prospection pétrolière en mer, notamment en Mauritanie et en Guinée-Bissau, est un autre facteur de pollution. Or certaines prospections ont lieu dans des aires protégées marines, dans des conditions inadmissibles ( surveillance insuffisante, technologie inadaptée)
Il faudrait, au minimum, interdire l’accès des zones protégées aux prospections pétrolières. Naturellement, c’est la pauvreté des pays concernés qui conduit les Etats à accepter ces pratiques, en contrepartie de devises qui constituent pour eux une planche de salut. Tant que le déséquilibre Nord/Sud existera, le problème des prospections pétrolières se posera.
Le problème de la ressource provient de la conjonction de plusieurs facteurs parmi lesquels on peut citer : l’exploitation abusive des stocks à haute valeur commerciale,
une insuffisance d’ études sur la ressource, l’absence de vision globale des politiques de pêche, les Etats privilégiant les approches nationales.
Depuis une vingtaine d’années, la pêche artisanale a connu un fort développement. Cette évolution est grave car les pêcheurs artisans opèrent dans la bande la plus côtière où se trouvent les zones de reproduction et les nourriceries. Faut-il pour autant les accabler?
J’ai eu l’occasion de rencontrer des représentants de ces artisans, en particulier ceux de Saly et de Saint-Louis, au Sénégal. Ils sont les premiers à se plaindre de la situation vécue comme un engrenage qu’ils ne peuvent maîtriser.
Parmi les problèmes qu’ils mettent en avant, il y a l’impossibilité de vendre leur pêche à un prix convenable. Ceci est dû en grande partie à l’absence de moyens de réfrigération qui les contraint à vendre le poisson noble à des cours dérisoires et qui les pousse à pêcher davantage pour accroître leurs faibles revenus. Le seul moyen de conservation du poisson reste la plupart du temps le séchage naturel, dans des conditions archaïques, le long des plages.
Ces artisans luttent pour une évolution de leur profession: amélioration des conditions de travail, évolution de la législation de la pêche, reconnaissance du prix réel du poisson.
Dans les accords de pêche, ils regrettent que les pays africains mènent de façon isolée les négociations, ce qui les met en position de faiblesse.
Mais plus que la pression exercée sur la ressource par la pêche artisanale, c’est la mondialisation qu’il faut mettre en cause.
C’est elle qui a permis l’accès au marché européen et nord- américain plus rémunérateur, c’est elle qui a poussé à la capture d’ espèces à haute valeur.
Le développement du commerce international a créé une forte demande sur certaines
espèces : requins, raies, mérous, dorades…
Celle-ci compromet, pour ces espèces, la durabilité de la ressource et par là-même l’avenir de la pêche.
D’autre part, les états côtiers de l’Afrique de l’Ouest étant dans l’impossibilité d’exploiter toutes les ressources se trouvant dans les eaux qui relèvent de leur juridiction permettent à des pays étrangers de venir pêcher dans leurs eaux. En contrepartie, ils reçoivent les devises qui manquent tant à leur économie.
Mais ces contreparties financières sont injustes car elles sont nettement en -dessous de la valeur des ressources capturées.
La pêche africaine connaît une crise qui reflète de manière accentuée la crise mondiale.
La mauvaise santé des écosystèmes n’explique pas à elle seule cette crise.
S’il est nécessaire d’intégrer la protection de l’environnement dans les politiques de pêche, si des mesures concrètes doivent être prises pour protéger certaines espèces, pour reconstituer les stocks, il faut en finir avec un système qui surexploite abusivement la ressources, au détriment des populations locales.
La régulation de l’effort de pêche ne pourra réussir que si elle est incluse dans une politique globale s’appuyant sur une réelle équité vis-à-vis des pays du Sud, et sur le respect des générations futures