1. Qu'ils
soient écrits, prononcés ou seulement intériorisés, les mots nous
sont indispensables car les
idées ont besoin des mots pour être exprimées. Et plus le mot est
précis, plus la pensée sera claire.
C'est
pourquoi le relâchement auquel on assiste actuellement en matière
de langage, le fait d'utiliser de moins en moins de mots, de les
utiliser parfois sans discernement, en les dénaturant (j'y reviendrai dans mon prochain
billet) est un phénomène inquiétant qu'il faut absolument
combattre.
2. Mais les idées viennent aussi des mots : le dictionnaire des
idées par les mots – qui fait partie des usuels du Robert - nous
le rappelle dans un ouvrage bien conçu qui permet de « faciliter
le passage d'une idée à un mot ou d'un mot à une idée. » *
C'est
aussi un exercice pédagogique intéressant qui entraîne à penser
et à écrire : choisir un mot (cravate, pain, bille...) et
développer à partir de ce mot une ou plusieurs idées.
Une
centaine de textes de ce blog ont été écrits sur ce principe (
voir les rubriques : le mot de la semaine, la leçon des choses)
3. Le pouvoir des mots va au-delà du rôle de traduction de la pensée.
Assemblés d'une certaine façon, avec plus ou moins d'habileté, en
introduisant des éléments surprenants ( tels que « la Terre
est bleue comme une orange » de Paul Eluard), en combinant des
sons qui créent une harmonie, les mots participent à un phénomène
étonnant : ils forment un ensemble qui procure un plaisir quand
on le lit.
La
poésie est la forme la plus aboutie de l'expression écrite.
4. Ecrire un poème, c'est partir d'une inspiration et ensuite
travailler sur les mots.
Chaque mot est l'objet d'une hésitation avant le choix de celui qui paraît convenir le mieux.
Le reste est un processus mystérieux qui tient de l'artisanat, de l'alchimie, du hasard, de la fantaisie...
Chaque mot est l'objet d'une hésitation avant le choix de celui qui paraît convenir le mieux.
Le reste est un processus mystérieux qui tient de l'artisanat, de l'alchimie, du hasard, de la fantaisie...
5. L'attitude du poète devant le mot diffère de celle du scientifique.
Pour faire la description d'un phénomène, d'une plante, d'un
animal, celui-ci est obligé d'utiliser un vocabulaire très précis.
Le poète n'a pas cette contrainte. Cependant le choix est parfois
difficile à faire.
Voici
deux exemples concrets :
Dans
le poème Les oiseaux migrateurs ( 3 janvier 2010 - sur ce blog)
j'écrivais :
Amaigries,
épuisées / les bernaches nonnettes / poursuivaient leur voyage.
Dans la version définitive ( septembre 2013) on lit :
Amaigris,
harassés / les oiseaux migrateurs / obstinément /poursuivaient leur
voyage.
Pourquoi
ce changement ? Parce que j'ai estimé que préciser le nom de
ces oiseaux n'apportait rien de plus à un texte évoquant la mort
brutale d'oiseaux fatigués par un long périple ( Et
soudain / un bruit sec / là-bas dans les marais. / Un cœur /cesse
de battre.
Autre
exemple : Le mot arbre revient souvent dans mes textes :
Extrait
de Forêts : Et je m'enfoncerai /dans ces forêts profondes / où
les arbres frissonnent / comme des épidermes.
Ici
il n'est pas nécessaire de citer le nom des arbres.
Par
contre dans Le saule qui évoque la mort d'une jeune fille, le
symbole du saule est important :
Les
branches du saule/ sous lequel chaque soir/ elle venait s’asseoir /
ne boiront plus l’eau de la source.
* Avant-propos de D. et D. Delas
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