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samedi 22 mars 2014

Plaisir des mots ( le mois des mots 2)



1. Qu'ils soient écrits, prononcés ou seulement intériorisés, les mots nous sont indispensables car les idées ont besoin des mots pour être exprimées. Et plus le mot est précis, plus la pensée sera claire.
C'est pourquoi le relâchement auquel on assiste actuellement en matière de langage, le fait d'utiliser de moins en moins de mots, de les utiliser parfois sans discernement, en les dénaturant (j'y reviendrai dans mon prochain billet) est un phénomène inquiétant qu'il faut absolument combattre.

2. Mais les idées viennent aussi des mots : le dictionnaire des idées par les mots – qui fait partie des usuels du Robert - nous le rappelle dans un ouvrage bien conçu qui permet de « faciliter le passage d'une idée à un mot ou d'un mot à une idée. » *
C'est aussi un exercice pédagogique intéressant qui entraîne à penser et à écrire : choisir un mot (cravate, pain, bille...) et développer à partir de ce mot une ou plusieurs idées.
Une centaine de textes de ce blog ont été écrits sur ce principe ( voir les rubriques : le mot de la semaine, la leçon des choses)

3. Le pouvoir des mots va au-delà du rôle de traduction de la pensée. Assemblés d'une certaine façon, avec plus ou moins d'habileté, en introduisant des éléments surprenants ( tels que « la Terre est bleue comme une orange » de Paul Eluard), en combinant des sons qui créent une harmonie, les mots participent à un phénomène étonnant : ils forment un ensemble qui procure un plaisir quand on le lit.
La poésie est la forme la plus aboutie de l'expression écrite.

4. Ecrire un poème, c'est partir d'une inspiration et ensuite travailler sur les mots. 
Chaque mot est l'objet d'une hésitation avant le choix de celui qui paraît convenir le mieux. 
Le reste est un processus mystérieux qui tient de l'artisanat, de l'alchimie, du hasard, de la fantaisie... 

5. L'attitude du poète devant le mot diffère de celle du scientifique. Pour faire la description d'un phénomène, d'une plante, d'un animal, celui-ci est obligé d'utiliser un vocabulaire très précis. Le poète n'a pas cette contrainte. Cependant le choix est parfois difficile à faire.
Voici deux exemples concrets :
Dans le poème Les oiseaux migrateurs ( 3 janvier 2010 - sur ce blog) j'écrivais :
Amaigries, épuisées / les bernaches nonnettes / poursuivaient leur voyage.
Dans la  version définitive ( septembre 2013) on lit :
Amaigris, harassés / les oiseaux migrateurs / obstinément /poursuivaient leur voyage.

Pourquoi ce changement ? Parce que j'ai estimé que préciser le nom de ces oiseaux n'apportait rien de plus à un texte évoquant la mort brutale d'oiseaux fatigués par un long périple ( Et soudain / un bruit sec / là-bas dans les marais. / Un cœur /cesse de battre.

Autre exemple : Le mot arbre revient souvent dans mes textes :
Extrait de Forêts : Et je m'enfoncerai /dans ces forêts profondes / où les arbres frissonnent / comme des épidermes.
Ici il n'est pas nécessaire de citer le nom des arbres.
Par contre dans Le saule qui évoque la mort d'une jeune fille, le symbole du saule est important :
Les branches du saule/ sous lequel chaque soir/ elle venait s’asseoir / ne boiront plus l’eau de la source.

* Avant-propos de D. et D. Delas









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