LE CANCRE
"... sous les huées des enfants prodiges
avec des craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur. "
( Jacques Prévert )
─ Nicolin, vous êtes un cancre !
La sentence prononcée par le professeur de français résonne terriblement dans sa tête.
Cancre, ce mot lui fait mal ; intuitivement, il lui fait penser à cancer. Il saura plus tard qu'il ne se trompait pas.
Dans la cour du collège, à l'écart des camaradesdont il ne supporte plus les moqueries, le jeuneOmer repense aux critiques qu'il vient de subir.
Il n'a " rien compris au texte magnifique de Victor Hugo", a dit le prof. Ce combat de Roland et d'Olivier, il a bien essayé de le lire avec attention. Il n'y est pas parvenu, tant il l'a détesté.
Ce combat interminable entre deux hommes, ces histoires d'épées affublées de noms stupides ─ Closamont, Durandal ─, ces affaires de heaume et de haubert, il ne les a pas supportées.
Il a rendu un devoir trop court, un texte bâclé.
La grande passion d'Omer, c'est le dessin. A longueur de journée, il dessine des animaux dans leur cadre naturel. Plus tard, il écrira des livres illustrés qui feront rêver les enfants. Il parlera de poules d'eau,d'escargots, de papillons, de chevauchées fantastiques dans les prés et les bois.
Il pense passionnément à ce qu'il veut faire plus tard... et tous les zéros de son carnet de notes s'envolent et vont se perdre dans les nuages.