«Je veux vivre dans un pays où il n'y ait pas d'excommuniés.
Je veux vivre dans un
monde où les êtres soient seulement humains, sans autres titres que
celui-ci, sans être obsédés par une règle, par un mot, par une
étiquette...
Je veux que l'immense
majorité, la seule majorité : tout le monde, puisse parler, lire,
écouter, s'épanouir.»
Pablo Neruda - Confieso que he vivido
(1974)
Quand j'ai commencé à
lire Pablo Neruda, le poète chilien vivait encore. Il mourut le 23
septembre 1973, dans des circonstances qui ne sont pas encore éclaircies,
douze jours seulement après la chute de Salvador Allende. Sa maison
avait été saccagée, ses livres brûlés. Toute sa vie avait été
consacrée à la défense des libertés, des pauvres, de la paix. Il
fut un grand poète, un poète engagé.
A la même époque,
existait un courant poétique qui avait choisi l'hermétisme pour
exprimer la solitude, la détresse, la résignation des auteurs. Ceux-ci promenaient sur notre monde un regard désabusé. Il
n'y avait pas d'espoir dans leurs vers qui disaient le mal de
vivre, qui nous renvoyaient les images désabusées d'un monde
déshumanisé, sans amour, sans issue.
La poésie de Neruda
tranche avec cette vision. Lui aussi a souffert, il nous le dit,
mais son destin a été aussi « de lutter, d'aimer et de
chanter ».
Aimer, lutter, se tourner
vers les autres, les comprendre : ce fut sa récompense.
Par sa simplicité
vraie, Neruda est devenu le poète de son peuple, le poète de tous
les peuples. En mettant sa poésie au service des autres, il a réussi
une œuvre
admirable et il a réussi sa vie.
Alors
que les poètes du nouveau réalisme s'enfermaient dans
l'égocentrisme et subissaient leur destin, avec lucidité certes,
mais sans espoir, Pablo Neruda représente le courage, la lutte, le
triomphe de la vie.
Dans
le monde d'aujourd'hui, englué dans la tourmente bien plus qu'il y a
quarante ans, son message a gardé toute sa force.
Il
nous dit qu'on ne peut ignorer la misère des hommes, la haine,
l'intolérance, qu'il faut les dénoncer avec toujours plus de
vigueur en pensant aux enfants de demain, pour qu'ils aient la chance, eux aussi, de s'étonner devant le spectacle d'une goutte de rosée
sur l'herbe du matin.
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