Madame
Nicolin
Elle
est là, dans la salle d'attente, depuis plus d'une demi-heure. Le
temps lui semble interminable. Elle est de plus en plus angoissée ;
depuis trois jours elle n'a pas dormi.
Que
va lui dire le docteur ?
Soudain
la porte du cabinet s'ouvre, le médecin vient vers elle et lui tend
la main :
- Bonjour
madame Nicolin, comment allez-vous ?
Elle
bredouille quelques mots, le médecin la connaît bien, il lui parle
avec douceur.
- Installez-vous,
madame...
Elle
appréhende ce qu'il va lui dire ; quelques minutes plus tard,
elle entend la phrase du docteur. Le diagnostic s'abat sur elle,tel le verdict qui condamne l'accusé. Elle
n'en peut plus. A bout de nerfs, elle se met à pleurer. Elle maudit
son mari qui ne veut rien faire pour éviter ces grossesses à
répétition, elle maudit le sort qui l'a fait naître femme.
Elle
a déjà six enfants et à quarante-deux ans, en avoir un septième
,est une catastrophe...
Elle
rentre chez elle, désespérée, et retrouve son mari et ses enfants.
Seul manque l'aîné : il a quinze ans et il est apprenti depuis
un an à la scierie du village voisin. Les petits ont étalé leurs
jouets sur le carrelage, les plus grands jouent aux cartes. Le mari
est assis dans son fauteuil usé, le regard vague. Il y a trois
mois, il est tombé d'un toit en travaillant et il se remet
difficilement de son accident.
Elle
attendra le soir pour lui apprendre la nouvelle.
Mauricette
Nicolin regarde ses enfants. Elle les trouve beaux ; elle ne les
a pas désirés mais elle les aime plus que tout.
C'est
un beau jour d'été. Le gouvernement vient d'accorder deux semaines
de congés payés aux travailleurs. L'été aurait pu être magique, mais Mauricette sait que les vacances ne sont pas pour elle. Elle ne
partira pas cette année, elle doute même de partir les
années qui suivront. Un
jour peut-être, quand les enfants auront quitté la maison ?
Cinq
mois plus tard, le 15 janvier 1937, la famille s'agrandissait.
Mauricette espérait une fille, ce fut encore un garçon.
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