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mardi 4 octobre 2016

La bride sur le cou n°14




La bride sur le cou : un regard critique et lucide sur la société globalisée et les particularités françaises.
Désormais vous retrouverez cette chronique le premier mardi de chaque mois.

Conquérir nos libertés

  Je lisais dernièrement dans Politis cette phrase prononcée par Alain Badiou :
« La politique réelle consiste à refuser le problème posé par l’adversaire et à imposer le sien propre. »
Dans une démocratie aboutie, cette façon de penser le débat ne m’aurait pas plu. D’abord le mot adversaire ne serait pas le plus juste, et la démocratie suppose une écoute de l’autre qui peut conduire dans certains cas à un rapprochement des points de vue.
   Mais nous ne sommes pas aujourd’hui dans cette démocratie idéale où l'on est d'accord sur les principes de base (la liberté, le respect des autres, la justice), où les arguments sont basés sur une réalité vérifiable par les chiffres, nous sommes dans le monde du mensonge, de l’aliénation provoquée par une accumulation d’images, de paroles qui déforment la réalité pour imposer une façon de vivre, pour orienter le vote dans un certain sens (celui qui convient aux dominants).

   Dans la situation actuelle, Alain Badiou a donc raison : nous ne devons pas aller sur le terrain de ceux qui prêchent le sécuritaire à tout prix, qui parlent des dangers de l’immigration ou prônent encore plus de néolibéralisme pour sauver l’emploi. Toutes ces thèses qui sont celles de la droite extrême pour les unes et du patronat pour l’autre sont fausses. Ce sont pourtant celles-ci qui ont été reprises par le gouvernement et qui sont développées à longueur de journée par les radios, les télévisions et la plupart des journaux que les financiers et les politiques rendent dociles.

   Nous devons échapper au conditionnement qui selon Ivan Illich produit « une main-d’œuvre spécialisée, des consommateurs dociles, des usagers résignés(1) »  et nous avons l'obligation de remettre dans le débat les questions essentielles qui permettront de construire une autre société. Celles-ci sont bien connues : il s’agit des trois piliers de la devise française auxquels il faut ajouter le respect du vivant qui demande que cesse la domination de l’humain sur la nature et donc sur les autres humains et les non-humains.

   Est-il possible de mener de front la lutte sur ces quatre axes ? J’en doute fortement. Ce qu’il faut conquérir prioritairement, ce sont les libertés.
Jusqu’à ce jour, l’être humain n’a jamais été libre. La Révolution française a mis fin au pouvoir monarchique ; Michel Foucault a montré que le pouvoir d’en haut est devenu au 19e siècle anonyme et il a étendu sa surveillance sur tout le monde. Nous le constatons particulièrement  en cette période d’état d’urgence où sous prétexte de lutter contre le terrorisme  les libertés sont de plus en plus réduites.
La société moderne, par le biais des monopoles (école, hôpital, armée, prison) et des entreprises, a perfectionné ses méthodes de surveillance, elle a discipliné les individus, elle a institué des règles qui empêchent la démocratie d'exprimer justement la diversité des opinions.

    Conquérir nos libertés, c'est le préalable à un véritable changement.

1. La convivialité p.10



   


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