La
bride sur le cou : un regard critique et lucide sur la société
globalisée et les particularités françaises.
Désormais
vous retrouverez cette chronique le premier mardi de chaque mois.
Conquérir nos libertés
Je
lisais dernièrement dans Politis cette phrase prononcée par Alain
Badiou :
« La
politique réelle consiste à refuser le problème posé par
l’adversaire et à imposer le sien propre. »
Dans
une démocratie aboutie, cette façon de penser le débat ne m’aurait
pas plu. D’abord le mot adversaire ne serait pas le plus juste, et
la démocratie suppose une écoute de l’autre qui peut conduire
dans certains cas à un rapprochement des points de vue.
Mais
nous ne sommes pas aujourd’hui dans cette démocratie idéale où l'on est d'accord sur les principes de base (la liberté, le respect des autres, la justice), où les arguments sont basés sur une réalité vérifiable par les
chiffres, nous sommes dans le monde du mensonge, de l’aliénation
provoquée par une accumulation d’images, de paroles qui déforment
la réalité pour imposer une façon de vivre, pour orienter le vote
dans un certain sens (celui qui convient aux dominants).
Dans
la situation actuelle, Alain Badiou a donc raison : nous ne
devons pas aller sur le terrain de ceux qui prêchent le sécuritaire
à tout prix, qui parlent des dangers de l’immigration ou prônent
encore plus de néolibéralisme pour sauver l’emploi. Toutes ces thèses qui
sont celles de la droite extrême pour les unes et du patronat pour
l’autre sont fausses. Ce sont pourtant celles-ci qui ont été
reprises par le gouvernement et qui sont développées à longueur de
journée par les radios, les télévisions et la plupart des
journaux que
les financiers et les politiques rendent dociles.
Nous
devons échapper au conditionnement qui
selon Ivan Illich produit « une main-d’œuvre
spécialisée, des consommateurs dociles, des usagers résignés(1) » et
nous avons l'obligation de remettre dans le débat les questions
essentielles qui permettront de construire
une autre société. Celles-ci sont bien connues : il s’agit
des trois piliers de la devise française auxquels il faut ajouter le
respect du vivant qui demande que cesse la domination de l’humain
sur la
nature et donc sur les
autres humains et
les non-humains.
Est-il
possible de mener de front la lutte sur ces quatre axes ? J’en
doute fortement. Ce qu’il faut conquérir prioritairement, ce sont
les libertés.
Jusqu’à
ce jour, l’être humain n’a jamais été libre. La Révolution
française a mis fin au pouvoir monarchique ; Michel Foucault a
montré que le pouvoir d’en haut est devenu au 19e siècle anonyme et il a étendu
sa surveillance sur tout le monde. Nous le constatons particulièrement en
cette période d’état d’urgence où sous prétexte de lutter
contre le terrorisme les libertés sont de plus en plus réduites.
La
société moderne, par le biais des monopoles (école, hôpital,
armée,
prison)
et des entreprises,
a perfectionné ses méthodes de surveillance, elle
a discipliné les individus, elle
a institué des règles qui empêchent la démocratie d'exprimer justement la diversité des opinions.
Conquérir nos libertés, c'est le préalable à un véritable changement.
1.
La convivialité p.10
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