1. L'attente
Dans son bureau de l’hôtel de ville où il s’était isolé, Maurice Darieu couvrait de gribouillages le journal qui était étalé devant lui. C’était une de ses petites manies. Dès qu’il était contrarié il barbouillait le papier qui était à sa portée.
Il tourna la tête vers la large baie vitrée qui donnait sur la grand- place. Il aperçut au loin, entre deux immeubles, le port et la jetée. Les Parisiens avaient profité de ce premier week-end ensoleillé pour se rendre sur le littoral. Les promeneurs avaient envahi le bord de mer. Ils se pressaient le long de la digue ou buvaient une bière à la terrasse des cafés, près de la plage.
Maurice Darieu éprouvait le besoin de souffler un peu. Il savait que la soirée allait être longue et fatigante. C’était d’ordinaire un homme jovial. Son humour plaisait aux journalistes qui se délectaient des petites phrases qu’il lançait dans les réunions, des bons mots qui faisaient rire l’assistance. Cet après-midi là, pourtant, dans la solitude de son bureau, il y avait sur son visage un mélange de tristesse et d’inquiétude apparemment inexplicables. Les derniers sondages réalisés pronostiquaient sa victoire avec quatre ou cinq points d’avance sur son adversaire. Sa victoire semblait acquise pour beaucoup de gens. A quelques heures du verdict, cet avantage le laissait indifférent.
Pour Maurice Darieu, l’essentiel était ailleurs.
( à suivre)