Dans le
Monde du 11 mai, il y avait une photo de
Georges Steiner, le grand critique et philosophe, qui répondait aux
questions de Nicolas Weill.
Avant même
de lire l'article, j'ai observé la photo : ce penseur de 84 ans de
renommée internationale arborait un beau sourire malicieux, avait le
regard en coin et portait un modeste pull rouge. Il se présentait au
journaliste tel qu'il est, un érudit qui reste modeste et constate
humblement qu' « on ne peut pas tout comprendre ».
Georges
Steiner a écrit en 2011 " Poésie de la pensée". Ses
idées sur le processus de création et les relations entre le
créateur et ceux qui évaluent l'œuvre
( le public et les critiques) m'ont particulièrement intéressé.
Sur le
premier thème, je me suis posé beaucoup de questions ; j'ai eu l'occasion d'apporter un témoignage, il y a
une trentaine d'années, lors d'une conférence dans laquelle, à
partir de textes que j'avais écrits, je cherchais à expliquer
comment naît un poème.
J'ai tenté de dérouler le fil en partant du déclic
initial – l'instant le plus mystérieux - pour aboutir au texte
final ( je n'écris pas définitif car il m'arrive fréquemment de
retoucher, des années plus tard un texte en vers ou en prose).
Il est
impossible de définir un processus type, tant l'étincelle qui est à
l'origine d'une création est varié : j'ai écrit le Chant de la
mer* en écoutant la Mer de Debussy, chacune des strophes de ce poème
en prose étant bâtie sur la mélodie ; le Porte-plume* fut d'abord
une chanson, j'en ai fait le symbole d'un progrès discutable ; le
poème L'instant* a été inspiré par un vieux banc usé, lors de vacances dans les Vosges, et le
dernier poème publié Minuit sonne* - jailli une nuit par hasard - a
dormi pendant des années dans un carnet : je ne parvenais pas à le
terminer.
Une chose
est sûre : la création qui relève de l'imagination (poème, roman
avec des personnages non réels) a pour point de départ un déclic
qui vient de l'inconscient, du subconscient, c'est un phénomène qui
s'impose au créateur. Ensuite arrive le travail conscient et
consciencieux, comparable à celui de l'artisan qui cherche à faire
la plus belle œuvre possible.
Pour sa
part,Georges Steiner dit que c'est " le mystère de l'innocence
qui caractérise la création." Cette affirmation me plaît.
En ce qui
concerne les relations entre le créateur et ceux qui reçoivent
l'œuvre, je partage son avis.
J'ai toujours pensé que les commentaires sont des exercices
inutiles, Steiner les juge " parasitaires". Il ajoute que "
l'œuvre n'a besoin de
personne".
Ce ne sont pas les
critiques qui aident celle-ci à vivre, même si un succès momentané peut
lui être favorable. C'est le temps qui est le meilleur juge.
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