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mercredi 22 mai 2013

Steiner, la poésie et ses mystères



Dans le Monde du 11 mai, il y avait une photo de Georges Steiner, le grand critique et philosophe, qui répondait aux questions de Nicolas Weill.
Avant même de lire l'article, j'ai observé la photo : ce penseur de 84 ans de renommée internationale arborait un beau sourire malicieux, avait le regard en coin et portait un modeste pull rouge. Il se présentait au journaliste tel qu'il est, un érudit qui reste modeste et constate humblement qu'  « on ne peut pas tout comprendre ».
Georges Steiner a écrit en 2011 " Poésie de la pensée". Ses idées sur le processus de création et les relations entre le créateur et ceux qui évaluent l'œuvre ( le public et les critiques) m'ont particulièrement intéressé.

Sur le premier thème, je me suis posé beaucoup de questions ; j'ai eu l'occasion  d'apporter un témoignage, il y a une trentaine d'années, lors d'une conférence dans laquelle, à partir de textes que j'avais écrits, je cherchais à expliquer comment naît un poème. 
J'ai tenté de dérouler le fil en partant du déclic initial – l'instant le plus mystérieux - pour aboutir au texte final ( je n'écris pas définitif car il m'arrive fréquemment de retoucher, des années plus tard un texte en vers ou en prose).
Il est impossible de définir un processus type, tant l'étincelle qui est à l'origine d'une création est varié : j'ai écrit le Chant de la mer* en écoutant la Mer de Debussy, chacune des strophes de ce poème en prose étant bâtie sur la mélodie ; le Porte-plume* fut d'abord une chanson, j'en ai fait le symbole d'un progrès discutable ; le poème L'instant* a été inspiré par un vieux banc usé, lors de vacances dans les Vosges,  et le dernier poème publié Minuit sonne* - jailli une nuit par hasard - a dormi pendant des années dans un carnet : je ne parvenais pas à le terminer.
Une chose est sûre : la création qui relève de l'imagination (poème, roman avec des personnages non réels) a pour point de départ un déclic qui vient de l'inconscient, du subconscient, c'est un phénomène qui s'impose au créateur. Ensuite arrive le travail conscient et consciencieux, comparable à celui de l'artisan qui cherche à faire la plus belle œuvre possible.
Pour sa part,Georges Steiner dit que c'est " le mystère de l'innocence qui caractérise la création." Cette affirmation me plaît.

En ce qui concerne les relations entre le créateur et ceux qui reçoivent l'œuvre, je partage son avis. J'ai toujours pensé que les commentaires sont des exercices inutiles, Steiner les juge " parasitaires". Il ajoute que " l'œuvre n'a besoin de personne".
Ce ne sont pas les critiques qui aident celle-ci à vivre, même si un succès momentané peut lui être favorable. C'est le temps qui est le meilleur juge.



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