" On
vit avec quelques idées familières. Deux ou trois.
Au hasard des mondes et
des hommes rencontrés, on les polit, on les transforme. Il faut dix
ans pour avoir une idée bien à soi ─ dont on puisse parler.
Naturellement, c'est un
peu décourageant."
écrit Camus dans sa
nouvelle Le vent à Djémila extraite de Noces.
A première vue, cette
réflexion peut surprendre.
La nature
complexe d'un être humain, en particulier celle d'un écrivain ou
d'un philosophe qui a développé sa pensée à travers de nombreux
ouvrages, peut-elle être réduite à deux ou trois idées ?
Ce sont les auteurs
eux-mêmes qui répondent.
Daninos a un jour écrit
que les écrivains refaisaient toujours le même livre.
Interrogé par François
Busnel pour la revue Lire, Patrick Modiano avait tiré la même
conclusion. Après chaque livre, avait-il déclaré, « je
pense avoir abordé quelque chose de nouveau. »
Mais il avait ajouté
qu'il s'agissait d'une illusion.
L'auteur
doit-il pour autant en tirer un sentiment de découragement ? Je ne
pense pas. La comparaison de deux textes d'un même auteur écrits à
trente ou quarante ans de distance montre généralement une
évolution du style, un approfondissement de la pensée qui différencient
l'œuvre de jeunesse et celle de la maturité.
Cela est
vrai pour la plupart des auteurs. L'idée qu'ils ont exprimée est la
même et nombreux sont ceux qui trouvent dans le livre écrit quand
ils avaient vingt ou trente ans une maladresse dont ils ne sont
généralement pas fiers.
Il faut
s'appeler Arthur Rimbaud pour faire figure d'exception. Chez lui le
génie avait éclaté à l'adolescence et on peut se demander ce
qu'aurait été sa poésie s'il avait continué à écrire.
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