Repères : une série de billets qui présentent de manière synthétique les questions de notre temps ; des réflexions basées sur l'observation, l'expérience, les souvenirs personnels et la théorie.
LE RIRE
une question à prendre au sérieux
(traitée en quelques phrases)
(traitée en quelques phrases)
1. Derrière l’image classique du clown enjoué qui fait rire l’assistance se cachent quelques mystères qui ne préoccupent pas le spectateur, et en particulier l’ enfant.
Pourtant on peut se demander : qui est-il ? Qui est cet homme au visage blanc ou au nez rouge? Pourquoi a-t-il choisi ce métier ? Quand il a quitté la piste, est-il un homme heureux ?
2. Le mécanisme du rire a fait l’objet de maintes études, ses fonctions sont bien connues : on peut rire et faire rire pour obtenir une cohésion sociale, pour uniformiser, pour oublier le tragique de la condition humaine ; le rire peut avoir aussi une fonction subversive...
Je n’associe pas forcément le rire à l’idée de plaisir et de joie.
Le rire peut être une manifestation de la cruauté de l’homme :
«Ce n’est pas l’homme qui tombe qui rit de sa propre chute » écrivait Baudelaire dans De l’essence du rire.
Je n’ai jamais apprécié le rire ambigu qui est obtenu en dénigrant d’autres personnes, d’autres communautés. La limite entre la moquerie bienveillante et la parole blessante aux relents de nationalisme ou de racisme n’est pas toujours facile à définir.
3. Une avancée scientifique récente a remis en cause la formule célèbre de Rabelais : « Le rire est le propre de l’homme». On sait aujourd’hui que les rats et les grands singes rient quand on les chatouille, comme le font les bébés, mais ils sont incapables de rire lorsqu’on leur raconte une histoire amusante.
Cette constatation permet de fixer la frontière entre le rire et l’humour.
4. Dès le plus jeune âge, j'ai été attiré par la puissance de l’humour.
Charlie Chaplin et Jacques Tati sont parvenus à dénoncer dans leurs films les travers de la société moderne bien avant la plupart des sociologues. N’oublions pas que le film Les Temps modernes a été réalisé en 1936, trente ans avant la prise de conscience des problèmes écologiques !
Deux humoristes ont marqué - selon moi - le 20e siècle : Fernand Raynaud et Raymond Devos. Le premier a décrit la société française des années 50 à 70 avec une justesse remarquable. Son sketch L’étranger dans lequel il dénonçait le racisme est l’un des plus réussis et mérite d’être revu aujourd’hui.
Quant à Raymond Devos, il montrait sur scène l’étendue de son talent : conteur, clown, mime, musicien...Mais ses textes seuls valent le détour : il jouait à merveille avec les mots et introduisait sans cesse des situations loufoques. Devos mettait en scène l’absurdité.
5. Rire ou pleurer ?
Dans le Barbier de Séville, Beaumarchais fait dire au Comte :
- Qui t'a donné une philosophie aussi gaie ?
- Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer » répond Figaro.
Tout est dit dans ces deux phrases : le rire est souvent utilisé comme une arme permettant de se débarrasser des soucis, des angoisses, d’échapper à la réalité qu’on a du mal à affronter.
Il est utilisé dans les sketches, au cinéma, en poésie dans ce but.
Les problèmes du couple, la condition humaine, les difficultés de communication entre les êtres sont abordés avec réalisme par Ingmar Bergman et avec le sourire par Woody Allen.
Pour faire aimer la poésie, j’ai toujours préconisé de faire découvrir les poèmes remplis d’humour de Georges Fourest, de Robert Desnos, de Prévert, de Supervielle plutôt que des textes ardus peu accessibles.
Le rire est plus complexe qu'on le pense. Il n'est pas toujours signe de sérénité.
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