Chaque vendredi la chronique intitulée La Rumeur du Temps aborde une question se rapportant à notre époque, vue sous l’angle de la culture, ce mot étant pris dans son sens large : « ensemble des formes acquises de comportement dans les sociétés humaines. »
(le Robert)
LA MER
La
semaine dernière, j’évoquais le
rôle important des forêts
indispensables à la vie. On
peut en dire autant des océans. C’est vraisemblablement mon
intérêt pour l’écologie
qui me pousse à les associer lorsque j’écris ce
texte publié en 1983 :
«
Et je m'enfoncerai dans ces forêts profondes où les arbres
frissonnent comme des épidermes.
Je
boirai à la source le suc de vérité.
Puis
j'irai vers la mer où la vague dessine sur le roc de granit les
fleurs de l'avenir. »
***
***
L’humanité
doit beaucoup à la mer. Les premières formes de vie sur la Terre
sont apparues dans des zones aquatiques. Les océans abritent des
végétaux qui fournissent plus d’oxygène que les forêts. Ils
assurent aussi la régulation du climat.
De
tout temps, les poètes ont célébré la mer. Baudelaire l’a
associéé à la liberté :
« Homme
libre,
toujours tu chériras
la mer !
La
mer est ton miroir; tu contemples
ton âme
Dans
le déroulement infini de sa lame... »
Lamartine
a chanté la
mer calme du golfe de Gênes :
« Que
j’aime à contempler dans
cette anse écartée
La
mer qui vient dormir sur la grève argentée,
Sans
soupir et sans mouvement ! »
Pour
d’autres poètes, la mer représente les voyages et l’aventure
mais elle est aussi celle qui entraîne les marins vers la mort, ce
que Victor Hugo a si bien décrit dans Oceano Nox.
Oui, l’humanité doit beaucoup à la mer mais depuis deux siècles des
hommes sans morale l'exploitent abusivement et la polluent : les marées noires
défigurent les côtes, les produits toxiques utilisés dans
les champs et les usines sont rejetés à la mer, les navires de
croisière perturbent les écosystèmes (à Venise la situation est
devenue catastrophique), le plastique s’accumule en certains
endroits et entraîne la disparition de toute vie. La
pêche intensive met en péril la reproduction des espèces...
Tout être responsable ne peut constater ces actes destructeurs sans exprimer sa colère et son envie de bâtir un autre monde.
Tout être responsable ne peut constater ces actes destructeurs sans exprimer sa colère et son envie de bâtir un autre monde.
Pourtant
il y en a qui continuent de regarder la mer sans voir qu‘elle est en danger, sans chercher à la comprendre. C’est ce que
j’exprime
dans
le poème en prose
Chant de la mer dont
voici deux extraits :
1.
Ȏ mer grise des jours de brume, mer
verte des matins d'été !
Je
pleure pour ces gens pressés qui ne t'ont jamais vue,
pour
ceux qui traînent leur ennui dans des tours de béton,
pour
ceux qui s'enferment dans des prisons
qu'eux-mêmes
construisirent,
pour
ceux qui plus tard ne te verront pas telle
que
tu étais jadis.
2.
Je regarde la mer que le soleil enflamme
et
je pense à ceux qui ne savent voir la beauté du soleil
triomphant à midi sur la mer,
triomphant à midi sur la mer,
à
ceux qui n'entendent pas la musique des vagues,
le murmure du vent sur la dune.
le murmure du vent sur la dune.
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