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lundi 14 mars 2016

n° 1055 - Regard 2016, semaine 11)





Causes du mal et Graines d'espoir

   Le terrorisme vient encore de frapper en Côte d’Ivoire et en Turquie. En Allemagne, les électeurs ont sanctionné le parti d’Angela Merkel et l’extrême droite fait une percée remarquée. Je ne partage pas les idées de la Chancelière mais il faut lui reconnaître un certain courage dans la façon dont elle a géré la question des réfugiés. Les xénophobes, les racistes lui ont fait payer son empathie pour ceux qui se voient obligés de fuir leur pays en guerre. En France, le gouvernement s’enfonce dans une politique incompréhensible pour le peuple de gauche. Au lieu de retirer un projet de loi sur le travail inspiré par le patronat le plus réactionnaire, il poursuit des manœuvres désespérées pour amadouer les syndicalistes réformistes et des étudiants qui ont compris les dangers que présente cette loi.
   Tous ces signes sont liés : ils démontrent que le monde ne tourne plus rond, que les gens privés d’une information honnête (parce qu’elle est dans les mains de la finance) font de mauvais choix et que la plupart des politiques aveuglés par le goût du pouvoir  sont incapables de prendre la mesure du changement qu’il serait nécessaire de mettre en route.

   Nous sommes entrés dans le XXIe siècle et la pensée de ceux qui dirigent le monde a deux siècles de retard.
   Darwin disait que les espèces qui survivent sont celles qui savent s’adapter au changement. La faculté de s’adapter à une situation nouvelle est aussi une des définitions de l’intelligence.
  Les individus faisant preuve d’intelligence et portant des idées nouvelles ne manquent pas dans le monde. Ils sont parmi les sociologues, les chercheurs, les auteurs, les citoyens. Mais on n’entend pas leur voix.
    La société du profit préfère donner la parole à des philosophes médiatiques qui n’ont jamais créé le moindre concept (ce que Deleuze exigeait du vrai philosophe) mais vont sur le plateau défendre une religion, un pays ou la haine de l’étranger) ; l’écologie qui devrait être au cœur du projet politique de ce siècle est représentée dans les médias par quelques “stars” du système ou des opportunistes qui ont oublié les principes fondateurs de l’écologie ; l’information - pourtant indispensable au bon fonctionnement de la démocratie - est cadenassée pour cacher la vérité aux citoyens (si le coût réel du nucléaire et de l’agriculture industrielle était connu ceux-ci demanderaient sûrement d’autres politiques). 
Heureusement quelques médias indépendants résistent *  : Politis, Charlie Hebdo, Médiapart...). Mais leur influence reste trop faible pour entraîner un changement rapide.

    Les signes de résistance à cette société sans morale et sans imagination se font jour, ici et là, annonçant de nouvelles formes de luttes. Il faut, malgré les obstacles, semer sans cesse des graines d'espoir.

* Il y a quelques jours TerraEco a annoncé qu’il devait s’arrêter ; c’est une triste nouvelle.

samedi 12 mars 2016

Une photo, une phrase : Poésie



Le 18e Printemps des Poètes  qui se déroule ce mois-ci a pour thème le Grand XXe siècle, cent ans de poésie.

La photo :
   Les livres consacrés à la poésie peuvent être rangés dans plusieurs catégories : les recueils qui forment un ensemble cohérent ( les Fleurs du mal, Terraqué, de Guillevic...), les livres qui regroupent l’ensemble de l’œuvre d’un auteur ( Verlaine, Rimbaud...), les livres thématiques, comme ceux de l’excellente collection de Folio Junior, En poésie (l’arbre, la liberté, la fête, la Bretagne...), enfin les anthologies dans lesquels les poètes peuvent être regroupés par période ou par pays. Tous ces types de livres m’intéressent. Quelques-uns sont toujours à portée de la main.



La phrase

   Je plains l’homme ou la femme qui dit être insensible à la poésie car il se prive ainsi d’une des joies les plus fortes, celle qui permet d’accéder à la beauté, aux grandes émotions, à la compréhension du monde ; je plains celui qui ne sait voir la poésie qui est dans la nature, dans la vague qui rencontre le rocher, dans la goutte d’eau qui glisse sur la feuille, dans la perfection de la toile d’araignée, car la poésie n’est pas seulement dans les livres, elle est autour de nous, elle est en nous.

mercredi 9 mars 2016

Mars 2016 : 18e Printemps des Poètes




«J’appelle poésie cet envers du temps, ces ténèbres aux yeux grands ouverts.»
(Louis Aragon)

   Le 18e Printemps des Poètes  qui se déroule ce mois-ci a pour thème le Grand XXe siècle, cent ans de poésie.
Ce sera l’occasion de mettre à l’honneur les poètes du siècle dernier. Ils sont nombreux à avoir trouvé une place dans les anthologie. Parmi eux citons :
Apollinaire, Supervielle, Cendrars, Saint John Perse, Eluard, Breton, Aragon, Michaux, Ponge, Prévert, Queneau, Tardieu, Senghor, René Char, Guillevic, Césaire, Bonnefoy, Jaccottet, Jouve, Reverdy, Desnos, Follain, René-Guy Cadou, Andrée Chedid....

   La poésie n’occupe pas la place qu’elle mérite dans notre société. J’ai expliqué dans mon livre Changer d’ère - la société conviviale - les raisons  de ce désintérêt :
« La société moderne encourage les égoïsmes,‭ ‬les corporatismes,‭ ‬les luttes implacables pour parvenir à la réussite sociale qui permettra aux heureux élus d'obtenir la reconnaissance des autres et en même temps un train de vie satisfaisant.‭ ‬Elle laisse au bord de la route les exclus du système et elle néglige les valeurs non marchandes.‭ ‬C'est pourquoi la dimension poétique de l'homme qui lui permet de créer,‭ ‬de rêver,‭ ‬d'accéder à la beauté des arts a été jusqu'à maintenant négligée. ( page 38)

Dans ce livre, je rappelle aussi la dimension poétique de l’écologie. J'explique comment la société conviviale que j’appelle de mes vœux libèrera l’être humain : elle favorisera la créativité sous toutes ses formes et en particulier l’accès à la poésie.
« De Ronsard à Guillevic en passant par Victor Hugo et Verhaeren,‭ ‬nombreux sont les poètes qui ont célébré‭ ‬les valeurs ayant fondé l'écologie‭ ‬:‭ ‬les rapports harmonieux de l'homme avec la nature,‭ ‬le respect du vivant,‭ ‬la solidarité entre les êtres.
Tout le monde ne peut devenir Rimbaud mais il faut permettre à toute personne d'avoir accès à la beauté de ses textes.‭ ‬Un poème tel que‭ ‬Sensation illustre le réenchantement de la vie‭ ‬:

‭"‬ Par les soirs bleus d'hiver,‭ ‬j'irai par les sentiers,
Picoté par les blés,‭ ‬fouler l'herbe menue‭…
Je ne parlerai pas,‭ ‬je ne penserai rien‭ ‬:
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin,‭ ‬très loin,‭ ‬comme un bohémien
Par la nature,‭ ‬heureux comme avec une femme‭."

‭Comme chaque année, je contribuerai à cette nouvelle édition du Printemps des Poètes en évoquant quelques auteurs du 20e siècle que j’apprécie.

lundi 7 mars 2016

Regard (2016 - semaine 10) : Le réveil citoyen






Le réveil citoyen

    Depuis des mois, les décisions gouvernementales se succédaient, incompréhensibles pour les uns, saluées par l’opposition pour les autres. La prolongation de l’état d’urgence recevait, selon un sondage, l’approbation d’une majorité de Français, la question de la déchéance de nationalité n’avait pas entraîné une forte vague de protestation. La résignation semblait avoir gagné le pays et soudain voilà que le peuple se réveille : sous prétexte de simplification, le gouvernement veut modifier le droit du travail ; le projet donne satisfaction au MEDEF ( normal ! il semblait écrit par lui), du côté des travailleurs, l’accueil est différent : de nombreuses mesures inquiètent, notamment celles qui permettraient un licenciement plus facile.
   
   À l’initiative de Caroline de Haas, une pétition est lancée pour demander le retrait du projet de loi : en quelques jours, le nombre de signataires dépasse la barre du million de personnes. Dans deux jours auront lieu des rassemblements qui auront pour but de renforcer le mouvement contre ce projet dangereux. 
Hier soir sur une chaîne d’infos en continu, un débat avait lieu sur ce nouveau mode d’action utilisant Internet. Il opposait Caroline de Haas à Jean-Louis Debré. Débat intéressant car il permettait la confrontation de deux conceptions opposées de la démocratie : une vision moderne pour la première qui estime que voter pour une personne ce n’est pas lui donner un blanc-seing pour cinq ou six ans, surtout quand l’élu fait le contraire de ce qu’il avait promis. Pour le second, au contraire la seule légitimité est celle des élus à qui on délègue des responsabilités sans avoir un droit de regard sur l’action menée. Vision dépassée qui ne tient pas compte de la réalité de l’histoire : de tout temps, les luttes se sont révélées nécessaires pour améliorer le sort des gens : grèves,  manifestations dans la rue hier. À ces luttes anciennes, il faut ajouter désormais les outils fournis par Internet.

samedi 5 mars 2016

Une photo, une phrase n° 26 : La neige



J'aime fixer l’instant que j'ai apprécié ou qui m'a ému.  En voyage ou chez soi, l’appareil photo reste l’outil idéal pour garder  les images que la mémoire pourrait oublier.

La photo

   Cet hiver, la neige n’est pas encore tombée sur la Côte d’Opale (entre Dunkerque et Berck). Aucun déplacement n’a été nécessaire pour prendre la photo : il a suffi de me placer devant la fenêtre de ma chambre un après-midi de décembre, en 2009.



La phrase

  Si j’excepte les années d’enfance où l’hiver ramenait immanquablement les mémorables batailles de boules de neige et procurait la joie de dresser  des  bonshommes que j’espérais voir fondre le plus tard possible, la neige en tant que loisir ne m’a jamais passionné mais le spectacle des flocons drus  qui virevoltent avant de se poser sur le sol m’a toujours passionné et je regrette de ne pouvoir admirer depuis quelques hivers la colline et les arbres du jardin transfigurés par la couche de neige virginale qui les recouvre.

vendredi 4 mars 2016

Profiter du jour présent




   Vivre l’instant présent sans se soucier du lendemain. L’idée est ancienne. Horace,  Épicure,  préconisaient déjà cela avant notre ère.  
La littérature est la plupart du temps le reflet de l’époque qu’ont connue les auteurs. Au fil des siècles, la légèreté, la joie  de vivre n’ont pas toujours inspiré les poètes.

Au Moyen-Âge, l’espérance de vie était courte. Le plus grand poète du 15e siècle, François Villon, regrettait sa jeunesse alors qu'il avait à peine trente ans. À‭  cette époque, c’était normal. D’autre part, son style de  vie ne lui inspirait pas des odes à l’amour. Il connaissait mieux la hantise du gibet.

‭La Renaissance est la période qui a chanté le plus le désir de profiter du temps présent :
“ Cueillez, cueillez votre jeunesse”, c’est le conseil que donnait Ronsard à Cassandre.
‭Souvent le désir était accompagné de sagesse :
“ Celui n’est pas heureux qui n’a ce qu’il désire,
‭Mais bienheureux celui qui ne désire pas
‭Ce qu’il n’a point...” (Rémi Belleau).

‭Au siècle suivant, Corneille traite le thème de la fuite du temps avec cruauté et une certaine  arrogance ( il pense que ses vers, eux, ne vieilliront pas) :
“ Marquise si mon visage 
‭A quelques traits un peu vieux
‭Souvenez-vous qu’à mon âge
‭Vous ne vaudrez guère mieux.”

‭Le 18e siècle renoue avec l’épicurisme. Les philosophes invitent à cueillir le temps présent, mais de manière raisonnable. Le temps est à la réflexion, à la tranquillité de l’esprit.

‭Avec les Romantiques, c’est le mal-être des individus qui domine. Les jeunes auteurs ont l’impression de vivre dans “un monde en ruines”. Musset et Lamartine chantent la mélancolie, la nostalgie, “ le spleen”. Avec Baudelaire - nourri de romantisme - on ne parle plus de jeunes filles en fleurs mais de femmes dans leur tombe.

‭Le 20e siècle a connu trop d’épreuves - deux guerres mondiales, le nazisme, Hiroshima - pour que la littérature ne soit pas imprégnée de gravité.
“ Où en suis-je aujourd’hui ? Je ne sais au juste...
‭Ce n’est pas moi qui ai simplifié les choses, mais les choses horribles m’on rendu simple...” écrit René Char à son ami André Breton, en 1947. 
Dans la seconde moitié du siècle, de nombreux auteurs sont désenchantés.

‭Il est trop tôt pour savoir de quel côté penchera le 21e siècle. Retour à l’épicurisme ? Nouveau romantisme ? Cela dépendra de l’évolution de la société et de l'état du monde.

mercredi 2 mars 2016

Coup de cœur : Carmen, la gitane




Coup de cœur, cette nouvelle rubrique veut mettre en valeur des gens, des œuvres, des lieux, des faits qui, dans le monde rude d’aujourd’hui, réconfortent et apportent des moments appréciables de bonheur. 

Carmen, la gitane

       Prosper Mérimée (1803-1870) est connu pour avoir écrit de nombreuses nouvelles (par exemple Colomba qui raconte l’histoire d’une vendetta), mais aussi des essais historiques et des récits de voyages.
De lui on se souvient surtout aujourd’hui de la fameuse dictée pleine de chausse-trapes…et de Carmen, une nouvelle écrite en 1845 et publiée en feuilleton dans la Revue des deux Mondes.
  
   L’histoire se passe en Andalousie. L’héroïne est une jeune gitane d’une grande beauté, une rebelle qui fréquente des contrebandiers. Le brigadier Don José chargé de la conduire en prison tombe sous le charme de la bohémienne ; il la laisse s’échapper, devient bandit par amour. Mais Carmen est une femme libre. Don José l’apprend à ses dépens. Fou de jalousie il finit par la tuer.

Qui aurait pu imaginer que cette héroïne allait susciter un formidable engouement dans le monde entier, comparable à celui pour Esméralda, gitane elle aussi, née de l’imagination de Victor Hugo quelques années plus tôt, en 1831 ?

CARMEN, par HL DOUCET, 1884
   Une chose est certaine : c’est l’opéra de Georges Bizet composé en 1875 qui a contribué à créer la légende de Carmen. Bizet n’a pu connaître le succès retentissant de son œuvre : il est mort quelques mois plus tard, à l’âge de 37 ans.

   Pourquoi le personnage de Carmen est-il si envoûtant ?
Au 19e siècle, une femme issue de la communauté gitane intrigue. Elle fascine par sa beauté, elle étonne une société où la femme est reléguée au second plan, dans l’ombre du mari. Au 21e siècle, le charme subsiste toujours.
Carmen est une femme libre, elle ne cesse de le chanter :

«‬ Mon cœur est libre comme l’air‭ ! 
J’ai des galants à la douzaine,‭ 
Mais ils ne sont pas à mon gré.‭ 
Voici la fin de la semaine,‭ 
Qui veut m’aimer‭ ? ‬Je l’aimerai‭ ! 
Qui veut mon âme‭ ? ‬Elle est à prendre‭ !‬ ‭»‬ 

 Libre et sincère.‭ ‬Elle prévient ses prétendants :

«‬ L'amour est enfant de bohème‭
‬Il n'a jamais jamais connu de loi‭
‬Si tu ne m'aimes pas je t'aime‭
‬si je t'aime prends garde à toi. ‭»

Théophile Gautier voyait en Carmen l'incarnation du diable :

«‬ Carmen est maigre,‭ ‬-‭ ‬un trait de bistre ‭
‬Cerne son œil de gitana. ‭
‬Ses cheveux sont d'un noir sinistre, ‭
‬Sa peau,‭ ‬le diable la tanna. ‭»

Je préfère penser qu’elle incarne la femme libérée.






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