La révolution des rubans
Le 23 décembre 2041, Albéric Lenouard est envoyé par son rédacteur en chef pour couvrir les événements survenus dans un petit pays d’Amérique du Sud. Un coup d’état vient d’y survenir. Il arrive dans un pays en liesse ( voir le billet du 19 décembre 2011)
Albéric s’attendait à trouver une ambiance tendue, il arrivait dans un pays en fête. Point de soldats dans les rues, aucun char à l’horizon ! Une musique joyeuse montait de toutes les maisons. Soudain, une rumeur joyeuse se fit entendre ; elle devint de plus en plus forte. Quelques secondes plus tard, Albéric aperçut la tête d’un défilé qui allait lui paraître interminable. Celui-ci était composé d’une majorité de jeunes d’à peine vingt ans. La plupart agitaient des bâtons sur lesquels étaient fixés des rubans de toutes les couleurs qui tournoyaient dans le vent. La synchronisation des mouvements était parfaite. Des musiciens jouaient de la flûte, d’autres tapaient sur des instruments de percussion de fortune. Cette allégresse faisait plaisir à voir.
Plongé dans cette ambiance de fête, Albéric débuta allégrement son enquête.
— Le pays est joyeux parce que son cauchemar vient de prendre fin. Ce que vous voyez là, c’est le soulagement d’un peuple qui retrouve la liberté après 40 ans de soumission, lui dit un jeune qu’il interrogeait.
Et il lui décrivit la situation dans laquelle son pays se trouvait : « La vie ici était infernale. Toux ceux qui s’opposaient au dictateur étaient emprisonnés. L’eau manquait. On la vendait au marché noir. Il n’était pas rare d’en échanger un litre contre quatre bouteilles de bon vin. L’air était irrespirable et les hôpitaux ne pouvaient plus accueillir tous les malades.
Les arbres avaient été abattus à la suite d’une enquête de la Commission nationale de la Sécurité Routière qui avait conclu que 85 % des véhicules accidentés avaient terminé leur course contre un arbre. Le dictateur avait alors jugé nécessaire d’abattre les arbres responsables des accidents. Le fonctionnaire chargé de faire exécuter l’ordre était un homme zélé. Il n’aimait pas le travail à moitié fait ; le lendemain, il ne restait aucun arbre dans le pays.
Depuis 30 ans, la musique avait été interdite sous prétexte qu’ « elle adoucit les mœurs ».Le dictateur voulait un peuple qui travaillât suffisamment pour ne plus avoir le temps de penser.
Petit à petit, les gens avaient sombré dans la morosité.
Et puis, l'année dernière, des jeunes jugeant la situation désespérée avaient réagi. Ils avaient décidé de renverser le vieux dictateur. La révolution des rubans était en marche.»
( à suivre)