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lundi 11 novembre 2013

Sur mon bloc-notes ( semaine 46 - 2013 )

Les Pensées éparses et Brèves que vous retrouvez chaque lundi sont une autre façon de faire entendre la rumeur du temps présent.
Celle-ci, chaque semaine, apporte son lot de drames et de joies dont il convient de tenir compte pour agir et espérer.




Quelques propos sur Albert CAMUS

Délaissons cette semaine l'actualité pour évoquer celui qui fut l'un des plus grands auteurs du 20e siècle, Albert Camus, dont on célèbre en cette fin d'année le centenaire de la naissance.
Cinquante-trois ans après sa mort, Camus continue d'entretenir la polémique. Certains lui reprochent encore la position qu'il avait prise sur l'Algérie ( son amour pour le pays où il est né lui faisait penser que les deux communautés pouvaient vivre ensemble et l'emportait sur l'idée que l'indépendance deviendrait inéluctable.
D'autres aujourd'hui cherchent à le récupérer, ce qui pour l'historien Benjamin Stora, auteur de Camus brûlant, paraît impossible.
Une chose est certaine : son talent littéraire est largement reconnu dans le monde entier.

LE CHOC ( janvier 1960)

Au début de l'année 1960, j'étudiais à l'Ecole normale d'Arras. À cette époque, les élèves vivaient sur place. Dans les dortoirs, nous écoutions le matin les infos sur nos transistors pour ne pas être coupés du monde extérieur. Quand nous avons appris le 5 janvier qu'Albert Camus était mort la veille dans un accident de voiture, près de Sens, cette nouvelle fut reçue comme un cataclysme.

Cette mort survenait quarante jours après une autre disparition brutale : celle de Gérard Philipe, le grand acteur de cinéma et de théâtre qui allait avoir 37 ans. Parmi les pièces dans lesquelles il avait joué, il y avait Caligula, écrite par Camus.
Devant la mort de ces deux hommes brillants que nous admirions pour leur talent et leur personnalité attachante, troublés par ces deux destins tragiques, nous éprouvions, au-delà de la consternation, un sentiment confus de découragement et de révolte. 

CAMUS plutôt que SARTRE

Après une période où l'entente avait été bonne, les deux écrivains s'étaient séparés sur la question du communisme : Camus dénonçait les camps staliniens, Sartre gardait le silence sur ceux-ci ; Camus était un humaniste, engagé dans de nombreuses causes ( contre la misère, la peine de mort, la barbarie ; il luttait  en faveur de la solidarité, de la culture pour tous...). Contrairement à Sartre, il ne croyait pas que la solution aux problèmes de la société se trouvait dans le marxisme. Il pensait que les problèmes politiques devaient être posés sous l'angle moral.
Pour toutes ces raisons, j'ai toujours préféré Camus à Sartre. Mais lorsque - à l'adolescence - j'ai découvert l'auteur, c'est avant tout le plaisir que j'ai trouvé en lisant L'étranger, La Peste, La chute, qui a déterminé ce choix. 
 La beauté des textes de Camus transporte le lecteur dans un univers proche de la poésie.

LE STYLE

Camus a été critiqué de son vivant, à la fois pour sa pensée et son style que certains jugeaient trop simples, voire simplistes.
Ceux qui parlaient ainsi n'avaient pas compris la modernité de Camus ou bien ils pensaient qu'un auteur doit s'exprimer de manière obscure et grandiloquente pour montrer son intelligence.
Il suffit de lire quelques lignes de Noces à Tipasa (par exemple) pour apprécier le style de Camus ; résolument modernes parce que débarrassées des fioritures et des lourdeurs des grands auteurs du 19e siècle, les phrases de Camus sont limpides, claires, concises, tout en décrivant une situation, un sentiment, avec une grande précision. Certaines d'entre elles atteignent la profondeur d'un poème et on pense en les lisant à Francis Ponge (qui fut son ami) .

L'ESSAYISTE 
 
S'il est un livre d'Albert Camus qu'il faut – selon moi - avoir lu, c'est Noces suivi de L'été (paru chez Gallimard – Folio) dans lequel sont regroupés les quatre essais de Noces et les huit essais de L'été.
« Si Camus ne vieillit pas, c'est aussi parce qu'il est profond et grave » a dit un jour André Comte-Sponville, dans une interview donnée à Lire.
On retrouve dans la longue méditation de Camus sur  les villes, le désert, la mer, le vent...cette profondeur qui est celle des grands penseurs. Mais Camus ne cherche jamais à asséner une vérité ; la gravité se mêle souvent à la  sensualité, à la volupté - par exemple quand il parle de « cette entente amoureuse de la terre et de l'homme délivré de l'humain » - et c'est cela qui crée l'empathie.

LE PREMIER HOMME (1994)

Bien sûr, il fallait publier ce roman autobiographique qui nous permet de mieux comprendre Camus, mais on regrette en même temps qu'il n'ait pu être achevé. L'hommage à sa mère, la recherche du père, ont donné naissance à de belles pages. On y note également la reconnaissance de l'écrivain envers l'école laïque qui a permis à l'enfant pauvre d'Alger d'aller vers la connaissance. Dans les annexes, deux lettres sont très touchantes : celle de Camus adressée le 17 novembre novembre 1957 à Louis Germain qui fut son instituteur et la longue lettre de celui-ci, écrite en avril 1959 à celui qu'il appelait encore son « cher petit ». Un tel respect de l'un pour l'autre, une si longue amitié, sont les signes d'une grande humanité de l'un et de l'autre.

UN SOUHAIT

7 novembre 2013. Pour rendre hommage à Albert Camus France 5 a programmé une émission spéciale. Parmi les invités  figure Catherine Camus, sa fille. Celle-ci avait sans doute beaucoup de choses intéressantes à dire sur son père mais on ne lui donna pas souvent la parole. Les autres – des spécialistes – se livrèrent à de longs bavardages.
Quel était le but de cette émission ?
Donner l'envie de lire Camus ? Faire comprendre sa modernité ? Ces objectifs ne furent pas atteints.
En regardant cette émission, je pensais aux jeunes d'aujourd'hui, la plupart désorientés par un monde qui ne tourne pas rond. La lecture d'Albert Camus leur serait si utile !
Mais pour cela, il faudrait que la télé ait une autre approche de la culture ou / et qu'il y ait beaucoup d'enseignants à l'image de Louis Germain.



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