«
Lorsqu'on consacre une grande partie de sa vie à l'écriture, toutes
ses forces à faire partager un idéal, lorsqu'on préfère aux
vanités d'auteur le combat pour un homme responsable, un homme
meilleur, sensible à la beauté ( celle d'un tableau, d'un poème,
d'une chanson, d'une musique, d'un paysage...) il arrive – et c'est
bien naturel – que le découragement, la lassitude, surviennent et
que l'on doute alors de l'opportunité de l'action menée.
Mais
bien vite on se ressaisit car on est convaincu que ce combat est
nécessaire.
Dans
une société dite d'abondance, dans un monde où tant de
contraintes étouffent l'homme, le poète apparaît bien fragile
avec la seule force des mots et de son imagination.
Il
rencontre souvent le poids de l'indifférence et se heurte à
l'incompréhension.
Il
n'est pas facile d'aller à la rencontre des autres lorsque dès
l'enfance ont été brisés le désir de dépassement de soi, le
pouvoir créateur, la faculté de s'étonner...
Mais
il faut sans relâche agir pour que la poésie prenne sa place dans
la vie culturelle. Il faut donner, à ceux qui créent, les moyens de
s'exprimer, d'être entendus. »
( Les Bourgeons de Mai
– 1978 )
Il y a longtemps que j'ai écrit ces lignes ; pourtant aujourd'hui encore je tiendrais le même discours.
Pourquoi revenir vers ce texte publié dans un recueil collectif à
l'occasion du Mois de Poésie organisé à Boulogne-sur-mer, en 1978
sous l'égide de la DRAC (Direction régionale de l'action
culturelle) du Nord-Pas-de-Calais ?
Parce qu'il est
intéressant de voir où en est la
poésie en 2014 et d'observer ce qui a changé.
En 1978, nous avions fait
un pari fou : offrir plusieurs fois par semaine, pendant un
mois, des rencontres consacrées à la poésie ; et le public avait
répondu présent. Cela serait-il encore possible aujourd'hui ?
J'en doute fortement.
Ces dernières décennies, la société s'est enfermée un peu plus dans ses travers. Elle
favorise, pour des raisons de rentabilité, la médiocrité plutôt
que ce qui élève.
Cependant la poésie reste
bien vivante en France et ailleurs, ce qu'on peut vérifier en lisant
les anthologies consacrées aux poètes modernes et les ouvrages de
la collection Poésie de Gallimard ou en parcourant les
nombreux sites web qui lui sont consacrés.
Mais elle reste un art
peu familier, un aspect de la culture que le peuple s'approprie
peu et que les « élites » délaissent.
Jadis encouragée par les
rois, pratiquée par les princes (Charles d'Orléans) et les
politiques ( Victor Hugo, Lamartine...), la poésie était encore
présente au siècle dernier dans le discours des personnalités : Jaurès parlait avec lyrisme, Georges Pompidou consacra une anthologie à la poésie et n'hésitait pas à citer Paul Eluard dans une conférence de presse.
Aujourd'hui, le langage
s'appauvrit, une succession de formules impersonnelles forme un
discours, le lyrisme a disparu, la langue française est parfois
massacrée par les plus hauts responsables (On se souvient de certaines phrases de l'ancien Président de la République).
Chaque année des
opérations telles que le Printemps des Poètes essaient de
populariser la poésie. Celles-ci doivent être encouragées mais leur portée reste faible.
Il apparaît donc nécessaire de préparer l'émergence d'une
société qui placera la culture et la création artistique dans ses
priorités.
Ce devrait être un des objectifs de l'ère nouvelle.
En savoir plus sur le Printemps des poètes
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