Sa descente aux enfers a débuté ce jour de janvier 1991 où un puissant ordinateur l’a battu. Boris Drigonov ne s’en est jamais remis. Il a alors subi une forte dépression puis a vécu une période de mysticisme profond et s’est coupé petit à petit du monde réel. Mais avait-il connu dans le passé ce monde-là ? On peut en douter.
Dès l’âge de trois ans, le jeune Boris fut plongé dans le monde des échecs par son grand-père, un ancien champion russe persuadé que ce jeu avait mille vertus : il contribuait, selon lui, à former des gens modestes, sensibles au vrai et au beau, leur donnait de la profondeur d’esprit et un caractère ferme. Il avait oublié que les échecs avaient parfois aussi un pouvoir de fascination destructeur.
Si le petit Boris battait déjà à huit ans des grands-maîtres expérimentés, il était par ailleurs un piètre écolier. On pouvait douter de son intelligence ; il avait par contre une mémoire exceptionnelle : il connaissait par cœur toutes les ouvertures possibles et leurs variantes, il avait refait des centaines de fois les parties modèles citées dans les revues et livres spécialisés. Après chaque compétition, il rejouait mentalement les parties.
Plus sa renommée grandissait, plus Drigonov s’enfermait dans un univers particulier: il était obnubilé par le carré divisé en 64 cases sur lequel bougeaient 32 pièces de bois, celles qu’il manipulait et celles de l’adversaire qu’il imaginait devant lui.
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