CONTE
Ce matin-là, Valérie Lecas avait le moral au plus bas. Son compagnon venait de la quitter pour une raison qu’elle n’avait pas encore comprise, sa grand-mère qu’elle aimait tant était morte quelques jours plus tôt et, depuis huit mois, elle était sans travail.
C’était un dimanche de novembre. D’habitude, elle courait autour du lac pendant une bonne heure mais, ce jour-là, elle n’avait pas envie de faire des efforts physiques intenses. Elle décida de jeter un coup d’œil sur le carton que sa mère lui avait donné la veille : il contenait des objets ayant appartenu à sa grand-mère.
Elle reconnut les photos qui ornaient l’armoire de la vieille femme, quelques souvenirs qu’elle avait ramenés de vacances, une dizaine de livres aux pages jaunies ; au fond du carton, il y avait deux gros cahiers qu’elle feuilleta. C’était le journal que son arrière-grand-mère Adèle avait tenu à partir d’avril 1904, le jour de ses seize ans. La dernière page du second cahier indiquait : 15 mai 1917.
Valérie n’avait jamais entendu parler de l’existence de ce journal. Les deux jours qui suivirent, elle les consacra à la lecture des faits racontés par son aïeule. Elle entrait au fil des pages dans l'histoire d'une vie dont elle ignorait les détails, d'abord celle d’une adolescente vivant dans un petit village de la Creuse puis dans celle d’une jeune femme qui se retrouvait à Paris au milieu d’artistes célèbres avant de connaître les épreuves de la grande guerre.
Le style était alerte, les événements bien décrits, les impressions personnelles exprimées avec justesse. C’était un récit émouvant. Bien qu’ayant été rédigé un siècle plus tôt, il donnait l’impression d’être moderne.
Quand elle eut terminé la lecture du journal, Valérie décida de taper le texte sur son ordinateur. Dans quel but ? Elle l’ignorait encore.
(à suivre)