Chevalement - Capture d'écran |
C’était
un matin de décembre, en 1990. En arrivant dans mon école, je fus
frappé par le regard triste d’une institutrice.
-
Quelque chose ne va pas ? lui demandai-je.
-
La dernière mine de la région ferme aujourd’hui, et mon père est
mineur. J’imagine sa tristesse.
L’attachement
à la mine de ceux qui y travaillaient et de leur famille est
incompréhensible pour quelqu’un qui est étranger à cet univers.
Comment
peut-on aimer ou regretter un métier où pendant deux siècles des
hommes, et au 19e siècle des femmes, des enfants et des
chevaux ont chaque jour risqué leur vie, où des milliers d’entre
eux sont morts dans un éboulement ou lors d’une explosion, le
sinistre coup de grisou, où des millions de mineurs ont vu leur vie
raccourcie par la silicose qui a détérioré leurs poumons ?
La
réponse est simple : c’est l’appartenance à une communauté
exposée au danger qui a conduit ces travailleurs à lutter ensemble
au sein de leur syndicat, à se retrouver en dehors de la mine pour
se distraire, chanter dans des chorales, jouer dans des harmonies,
c’est la solidarité qui leur a donné le courage de descendre au
fond de la mine pour arracher à la terre le charbon qui allait
alimenter les fours des usines, chauffer les gens, permettre aux
locomotives de rouler...
Ce
monde étrange, Émile Zola l’avait décrit avec beaucoup de
réalisme dans Germinal, en 1895, après avoir enquêté sur le
terrain. Il en avait tiré des scènes très justes, comme celle de
la grève.
Le
paysage minier que le Nordiste Pierre Bachelet a chanté dans Les Corons n’avait
rien de réjouissant : à l’horizon, des structures
métalliques – les chevalements qui servaient à faire descendre
et remonter les mineurs, les terrils, petits monts de pierres noires et les corons, alignement de maisonnettes en briques, toutes
pareilles.
Pourtant
les gens de la mine étaient attachés à leurs racines. Pour eux, il
n’était pas question d’effacer les traces de 200 ans de travail et de souffrance au fond de la mine, il fallait garder ce symbole de l’ère
industrielle, de l’exploitation des femmes, des enfants et des
hommes, de la rudesse des dirigeants de la Compagnie des Mines, des
combats des syndicalistes...
Le
charbon avait envahi leurs poumons, il avait pollué l’atmosphère. Il
fallait le faire savoir aux nouvelles générations. Leur
vœu a été entendu. Les traces du passé ont été préservées.
Peu
à peu, la nature renaît dans ces paysages que l'industrie avait domptés. Les terrils sont
devenus verts.
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