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jeudi 2 février 2017

La mine, ses héros, ses martyrs

Chevalement - Capture d'écran
    C’était un matin de décembre, en 1990. En arrivant dans mon école, je fus frappé par le regard triste d’une institutrice.
- Quelque chose ne va pas ? lui demandai-je.
- La dernière mine de la région ferme aujourd’hui, et mon père est mineur. J’imagine sa tristesse.
  L’attachement à la mine de ceux qui y travaillaient et de leur famille est incompréhensible pour quelqu’un qui est étranger à cet univers.
Comment peut-on aimer ou regretter un métier où pendant deux siècles des hommes, et au 19e siècle des femmes, des enfants et des chevaux ont chaque jour risqué leur vie, où des milliers d’entre eux sont morts dans un éboulement ou lors d’une explosion, le sinistre coup de grisou, où des millions de mineurs ont vu leur vie raccourcie par la silicose qui a détérioré leurs poumons ?

   La réponse est simple : c’est l’appartenance à une communauté exposée au danger qui a conduit ces travailleurs à lutter ensemble au sein de leur syndicat, à se retrouver en dehors de la mine pour se distraire, chanter dans des chorales, jouer dans des harmonies, c’est la solidarité qui leur a donné le courage de descendre au fond de la mine pour arracher à la terre le charbon qui allait alimenter les fours des usines, chauffer les gens, permettre aux locomotives de rouler...

   Ce monde étrange, Émile Zola l’avait décrit avec beaucoup de réalisme dans Germinal, en 1895, après avoir enquêté sur le terrain. Il en avait tiré des scènes très justes, comme celle de la grève.
  Le paysage minier que le Nordiste Pierre Bachelet a chanté dans Les Corons n’avait rien de réjouissant : à l’horizon, des structures métalliques – les chevalements qui servaient à faire descendre et remonter les mineurs, les terrils, petits monts de pierres noires et les corons, alignement de maisonnettes en briques, toutes pareilles.

   Pourtant les gens de la mine étaient attachés à leurs racines. Pour eux, il n’était pas question d’effacer les traces de 200 ans de travail et de souffrance au fond de la mine, il fallait garder ce symbole de l’ère industrielle, de l’exploitation des femmes, des enfants et des hommes, de la rudesse des dirigeants de la Compagnie des Mines, des combats des syndicalistes...
Le charbon avait envahi leurs poumons, il avait pollué l’atmosphère. Il fallait le faire savoir aux nouvelles générations. Leur vœu a été entendu. Les traces du passé ont été préservées.
   Peu à peu, la nature renaît dans ces paysages que l'industrie avait domptés. Les terrils sont devenus verts.

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