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vendredi 29 janvier 2016

n°1029 : COSMOLOGIES




Dans le poème Le rêveur ( écrit en juillet  2015) j’évoquais un homme qui se ressource dans le silence de la montagne. Comme ses  lointains ancêtres avant lui, il cherche à comprendre le monde dans lequel il est plongé :

“ Allongé mollement / sur un lit d’herbes douces / 
il  cherche à  percer / les secrets du monde”...
et quand “ la lune paraît / discrète et lointaine
l'homme espère un signe / qui ne viendra pas”.

Ce signe, les hommes le cherchent depuis des milliers d’années et ont trouvé des réponses dans la mythologie, la religion  et la science.

Le poète, lui, utilise son intuition pour traduire son sentiment d’appartenance au cosmos.


Dans son livre Dernières nouvelles du cosmos, Hubert Reeves l’infatigable défenseur de la biodiversité mais aussi astrophysicien consacre un chapitre à Edgar Allan Poe, le poète américain visionnaire qui a trouvé une partie de l’explication à la nuit noire : “ les étoiles n’ont pas toujours existé.”

L’origine de l’Univers reste toujours un mystère qu’aucune cosmologie n' a réussi jusqu'à ce jour à élucider.
Les cosmologies religieuses et culturelles anciennes proposaient des explications parfois proches les unes des autres :
Le monde créé en sept jours, selon la Bible, “Toute la Terre était mer” disait un texte babylonien, “ Le monde était un désert océanique ; le dieu de lumière apparut sous la forme d’un œuf brillant” (Egypte antique). L’image de  l’œuf apparaît aussi  en Grèce et dans l’Inde. (1)

La cosmologie moderne a balayé les mythes anciens. La théorie du Big Bang a établi que l’univers est vieux de près de 14 milliards d’années ; on a appris qu’il est en expansion et que cette expansion s’accélère. 
De nombreuses questions restent encore cependant sans réponse. On compte sur les scientifiques pour que la connaissance de l’Univers s’affine car il est utile de savoir comment fonctionne le monde.

Mais la réflexion sur le sens du cosmos et la place de l'homme dans le monde appartient à tous.


.1. Citations tirées de Dernières nouvelles du cosmos

mercredi 27 janvier 2016

n° 1028 - Ma première leçon d’écologie


Frédéric II et les oiseaux



L’écologie ! Les gens sensés savent que c’est une question urgente mais beaucoup  d’autres restent plus ou moins indifférents. Et puis on ne sait pas toujours ce qu’elle est exactement.
Quand, il y a peu de temps encore, je demandais à des étudiants de définir l’écologie, j’étais frappé par la faiblesse   de leurs réponses. Ils disaient :
- C’est lutter contre les pollutions! 
- C’est recycler les déchets!
On pourrait attendre mieux de la part d’élèves ayant le niveau Bac + 4 ! 

L’écologie a vu le jour au milieu du 19e siècle mais il faudra attendre de longues années encore avant qu’elle soit enseignée. Dans les années 1950, c’était encore le temps de la “ leçon de choses” à l’école primaire, au lycée on parlait de “ sciences naturelles”.

Curieusement, c’est à l’âge de huit ans que j’ai eu ma première leçon d’écologie. Et cela grâce à ma grand-mère. Celle-ci avait rêvé d’être institutrice, mais elle était devenue couturière. Elle savait expliquer clairement les choses. Aussi, pour attirer mon attention sur les liens qui existent entre les êtres vivants et leur milieu et sur le rôle que chacun occupe dans son habitat - ce qui est la base de l’écologie - elle m’avait raconté la mésaventure qu’avait connue le roi de Prusse Frédéric II,  au 18e siècle :  

“ Frédéric II raffolait des cerises. Or,  dans les vergers de Potsdam où poussaient ses cerisiers, il estimait que les oiseaux   prélevaient beaucoup trop de fruits.
En 1765 il signa donc un décret dans lequel il demandait l’extermination de tous les oiseaux du royaume.
Succès de l’opération : en moins d’un mois, il n’en reste plus un !
Dans les années qui suivirent, Frédéric II constata que les cerisiers ne portaient aucun fruit  : les insectes étaient passés par là.
Le roi comprit alors que les oiseaux, en se nourrissant d’insectes, protégeaient  ses cerises. Il dépensa beaucoup d’argent pour assurer leur retour dans son pays”. 

Cette histoire est un concentré des principes de l’écologie, elle est un plaidoyer pour la biodiversité ; elle explique ce qu’est une pyramide (ou chaîne) alimentaire. Elle montre le rôle néfaste de l’homme qui défie les lois de la nature.

Seuls nos ancêtres les plus lointains ont vécu selon ces règles : ils cueillaient et chassaient pour se nourrir, en prélevant ce dont ils avaient besoin, c’étaient des prédateurs parmi les autres.
Dès qu’il est devenu agriculteur et éleveur, l'homme a modifié son environnement en défrichant les forêts. Mais son impact écologique est resté faible longtemps. Jusqu’au jour où il a oublié qu'il était un occupant de la Terre comme l'étaient la crevette, le merle et le loup et que les principes de l’écologie que ses ancêtres respectaient intuitivement s'appliquaient aussi à lui.

Il est temps de revenir aux racines de l’écologie.

lundi 25 janvier 2016

Politique: 2016 - semaine 4







Démocratie : Particularités françaises

L’année 2016 est à peine commencée mais déjà le monde politique s’agite, le regard tourné vers 2017. De nombreux citoyens aimeraient que la politique se fasse autrement. Malheureusement il y a peu de chances qu’on parvienne en quelques mois à un bouleversement en matière de démocratie, car il faut du temps pour sortir des habitudes ancrées dans les esprits depuis des décennies.
Faisons un tour d’horizon des particularités françaises.

La France, où on loue tous les jours les valeurs de la République, est un pays où la démocratie fonctionne moins bien que dans de nombreux pays d’Europe qui n’ont pas aboli la royauté, citons  notamment l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique, la Suède...
En cause, une constitution qui donne beaucoup de pouvoir au président, au détriment du parlement.

La France est un pays où un chef d’état battu peut se représenter. Ailleurs - en Angleterre par exemple - le responsable politique battu cède automatiquement son poste de chef de parti. Sa carrière politique s'achève.

Les Etats-Unis ont élu un président de couleur, Barack Obama ; celui-ci était inconnu du grand public quelques années plus tôt.
En France, ce n’est pas en 2017 qu’on verra un homme issu de la diversité présider le pays. Ni un inconnu s'imposer à la présidentielle.

En Allemagne, c’est une femme, Angela Markel, qui dirige le pays. Chez nous, certes, une femme a déjà été candidate au poste de présidente ; on se souvient de l’attitude machiste de ses camarades masculins.

Un sondage récent a montré que les Français aimeraient que le personnel politique se renouvelle comme cela s’est fait ailleurs, en Espagne avec Pablo Iglesias (Podemos) et Albert Rivera ( Ciudadanos) , en Grèce avec Alexis Tsipras. Les Français voient les mêmes visages depuis trente ou quarante ans. Cette incapacité à se renouveler ne touche pas seulement les partis dominants, les représentants de la gauche radicale ont connu une sévère défaite aux dernières élections, car aux yeux des électeurs, aucun ne représentait l’avenir.

Le problème du renouvellement n’est pas seulement une question d’âge ( bien qu’il soit nécessaire que de plus jeunes accèdent aux responsabilités), il est surtout dans le changement des pratiques.

Toutes ces particularités françaises freinent l’amélioration de la démocratie. Elles expliquent en partie la poussée de l’extrême droite, premier parti de France aux régionales de 2015. Alors que chez nos voisins espagnols, celle-ci n’a jamais dépassé 1% des votes ces dernières années.

mercredi 20 janvier 2016

Humeurs n° 15 : Injuste !



« Ça ne fait rien, nous vivons un temps bien singulier ” 
( Georges Brassens - L’épave)

Les billets regroupés dans cette catégorie illustrent cette sentence qui n’a pas pris une ride depuis 1966.



Injuste !

Depuis deux mois, la lutte contre le terrorisme accapare les esprits. Pendant que celui-ci continue de sévir, les autres problèmes subsistent : quelques semaines après la COP 21 destinée à combattre le dérèglement climatique, rien n’a vraiment changé dans la façon d’aborder les questions écologiques et la misère sociale persiste. On en parle bien peu ; elle est pourtant le signe le plus marquant de notre époque.
Et comme le réchauffement de la Terre, elle touche le monde entier.

Quand donc ceux qui continuent de croire que  la croissance permet de lutter contre la pauvreté comprendront-ils que dans un système productiviste les plus riches ne cessent de s’enrichir pendant que les pauvres continuent de vivre dans des conditions intolérables ?
Des conditions contraires à la Déclaration universelle des droits de l’homme qui dit que :
Article 23 : Toute personne a droit au travail
Article 24 : Toute personne a droit au repos et aux loisirs.
Article 25 : Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé et son bien-être.
Article 26 : Toute personne a droit à l’éducation.

L’injustice est de plus en plus criante. Elle s’abat sur les réfugiés, sur les paysans sans terre, sur ceux qui vivent dans des bidonvilles, sur les SDF, sur les chômeurs...
Des hommes, des femmes, des enfants  vivant dans les pays riches ne mangent que grâce à la solidarité d’associations comme les Restos du Cœur, certains ne partent à la mer qu’un jour dans l’année grâce au Secours populaire ; ces gens n’ont pas les moyens de bien se soigner. D’autres ayant de maigres revenus achètent ce qui est le moins cher et souvent de piètre qualité.
Dans les pays pauvres, la situation est encore plus dramatique : certains n’ont pas accès à l’eau, ils souffrent de malnutrition ; l’exploitation des travailleurs y est inhumaine. Les plus hardis cherchent ailleurs un improbable Eldorado.

Injuste, la société mondialisée abandonne sans remords ceux que l’économiste Pierre-Noël Giraud appelle “ les inutiles”, l’inutilité étant pour lui la pire des injustices.

Inutile ! C’est l’état de celui qui est tombé malgré lui, dans des circonstances variées, dans un abîme dont il a peu de chances de sortir car la société l’ignore ou le rejette : elle estime  en effet que cette personne ne peut être mise à son service.

lundi 18 janvier 2016

n°1023 : Regard 2016 semaine 3








Les hommes de bonne volonté

L’expression est biblique mais quand je l’écris, c’est à Jules Romains que je pense.
Jules Romains est un auteur que j’apprécie. Il est né à la fin du 19e siècle dans un village de la Haute-Loire et  était fier de ses origines auvergnates. Il a été un auteur touche-à-tout : romancier ( son œuvre principale Les hommes de bonne volonté comporte 27 volumes écrits entre 1932 et 1946 ; notons aussi Les Copains), poète et homme de théâtre ( il a créé le fameux personnage de Knock).
Après sa mort survenue en 1972, Jules Romains a été quelque peu oublié.
Sans doute n’est-il plus à la mode parce que ses idées le sont moins qu’au siècle dernier ?  Jules Romains était un humaniste, un pacifiste, un idéaliste. Il défendait de belles idées telles que l'amitié :
« On ne sait pas ce que c'est que l'amitié.
On n'a dit que des sottises là-dessus. Quand je suis seul, je n'atteins jamais à la certitude où je suis maintenant...
Mais, en ce moment je suis tranquille.
Nous deux, comme nous sommes là, en bécane, sur cette route, avec ce soleil, avec cette âme, voilà qui justifie tout, qui me console de tout » écrivait-il dans Les Copains.

Dans les Hommes de bonne volonté, deux personnages sont présents dans tous les volumes, Pierre Jallez et Jean Jerphanion, bien différents l’un de l’autre. C’est leur dialogue qui  permet de définir ce qu’est un homme de bonne volonté :  une personne qui apporte - même modestement - sa pierre à l’édifice humain.
C’est donc un homme ou une femme qui écoute les autres, qui doute parfois et cherche en permanence à concilier son bonheur personnel avec l’intérêt de la collectivité.

L’homme de bonne volonté est le contraire du matamore rugissant qui veut imposer sa volonté, du supérieur hiérarchique qui pense que « le chef a toujours raison », du belliqueux qui guerroie sans réfléchir aux conséquences de son acte, du prétentieux qui veut toujours avoir raison, du responsable  qui prend seul une décision sans avoir cherché les causes du problème qu’il faut résoudre et qui, lorsqu'il se trompe continue de dire :
- Cette solution était la seule !

La démocratie a besoin des hommes de bonne volonté. Les régimes autoritaires les font taire.

samedi 16 janvier 2016

n° 1022 - Un musée, un tableau ( de Marie Cassatt)





Un musée : National Gallery of Art, Washington

Quand je découvre une ville, je ne manque jamais la visite d’un de ses musées. Il m’arrive aussi de me rendre dans une ville uniquement pour voir une exposition qui me paraît importante.
À Paris mais aussi en province, à Londres, Amsterdam, Rome, New-York, partout dans le monde, on est frappé par la richesse culturelle abritée par ces musées. On remarque aussi que les tableaux voyagent beaucoup, surtout quand la renommée de leurs auteurs atteint des sommets.
Au musée de Washington sont exposés les tableaux de grands peintres tels que Vermeer, Van Gogh ou Degas ; c’est une artiste moins connue que je présente aujourd'hui : Marie Cassatt.

Une femme peintre

Marie Cassatt est née en Pennsylvanie, en 1845. En  1866, elle séjourne à Paris puis voyage en Italie et en Espagne. Elle décide de s’installer à Paris en 1873, rencontre Degas et rejoint le mouvement des impressionnistes.
Dans ses tableaux, elle représente souvent des femmes et des enfants. À‭  la fin de sa vie, sa vue baisse de plus en plus et elle cesse de peindre.

Un tableau : la promenade en barque (1893-1894) 



En regardant ce tableau, on est d’abord frappé par le contraste des couleurs : les habits de la femme et de l’enfant sont clairs ( le blanc et le rose dominent),  le jaune vif très présent sur  le pourtour du bateau  et la rame est éblouissant. Il tranche avec le noir des habits portés par l’homme de la tête aux pieds.
Si l’homme occupe le premier plan, on voit à peine son visage. Certains diront qu’il domine la situation parce que c’est lui qui tient les rames. Je pense au contraire que la femme et l’enfant ont été mis en valeur ; c’est d’ailleurs le bébé que l’artiste a placé au centre du tableau. Et cela n’est pas le fruit du hasard. 

vendredi 15 janvier 2016

n° 1021 - Lettre à l’ami découragé





Cher Ami,

     Tu m’as fait part dans ton dernier mail de ton découragement devant la situation actuelle, à tel point que tu envisages de quitter la France pour un pays où tu te sentirais plus heureux.
    Bien entendu, si c’est ta volonté ainsi que celle de ton épouse, je ne me sens pas autorisé à t’influencer pour te faire changer d’avis. Je te demande seulement de bien réfléchir avant de prendre ta décision. Il y a des pays où l’on se sent bien quand on y passe quelques semaines de vacances, mais y vivre en permanence est une autre affaire. Et puis, si la vie  paraît si belle quand on y séjourne en tant que touriste, la réalité quotidienne, quand on y regarde de plus près, est souvent moins idyllique.

  Tu ne reconnais plus, m’écris-tu, dans la France d’aujourd’hui celle que tu aimais, le pays des droits de l’Homme où les étrangers étaient les bienvenus, où l'on chantait la liberté. Tu t’inquiètes de voir des décisions prises au nom de notre sécurité et que tu estimes dangereuses.
    Tu ne reconnais plus dans les gens qui nous gouvernent les idées généreuses que tu avais découvertes en lisant Jean Jaurès dans ta jeunesse, et tu te sens trahi.
     Tu as honte de voir ces malheureux exilés marcher dans la boue et dormir dans des abris de fortune, tu as honte d’entendre les propos malveillants qu’on tient à leur égard.
    Tu ne comprends pas pourquoi  tes amis syndicalistes ont été condamnés pour avoir enfermé pendant plusieurs heures un dirigeant d’usine alors qu’ils voulaient défendre l’emploi de leurs camarades et tu es furieux qu’on traite de voyous ceux qui ont osé déchiré la chemise d’un dirigeant ; tu dis que les vrais coupables sont ceux qui ne respectent pas les travailleurs.

    Cette colère, je la comprends et la partage. Mais penses-tu vraiment que la bonne solution est de fuir au milieu de la tempête ? 
    Peut-être as-tu oublié ce qu’écrivait Stéphane Hessel, il n’y a pas si longtemps ? Il appelait à « une véritable insurrection pacifique » contre ceux « qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous.»*
Il disait : Indignez-vous ! Résistez !
N'est-ce pas la meilleure réponse à ta colère ?

Amicalement.

* Indignez-vous, page 28

mercredi 13 janvier 2016

n° 1020 - Le Petit Prince


Antoine de Saint-Exupéry en 1935

Dans l’histoire de la littérature, le Petit Prince apparaît comme un phénomène à part.
Depuis 1943, date de sa première publication aux Etats-Unis, le livre n’a cessé d’avoir du succès au point qu’il est aujourd’hui, après la Bible, l’ouvrage le plus lu dans le monde.

Livre inclassable que Saint-Exupéry a dédié à son ami Léon Werth ou plutôt « à l’enfant qu’a été autrefois cette grande personne », le Petit Prince a d’abord était présenté comme un conte pour enfants tout en sachant qu’il s’adressait aussi aux adultes.
Conte à la fois philosophique par les idées qu’il transmet et conte poétique par le style, ce livre tient une place particulière dans l’œuvre de Saint-Exupéry qui  jusque-là s’était appuyé  sur son expérience de pilote pour écrire Courrier Sud, Vol de nuit,  Terre des hommes et Pilote de guerre.

J’avais dix ans quand on m’a offert le Petit Prince. Je me souviens d’avoir été captivé par l’histoire de ce petit garçon  qui surgit tout à coup dans le désert devant un pilote dont l’avion vient de tomber en panne et lui demande de dessiner un mouton. Mais ce sont surtout les premiers dessins  qui m’avaient étonné. Ce chapeau qui n’en était pas un parce qu’il représentait un boa ayant avalé un éléphant m'avait bien fait rire.

Après cette première lecture, j’ai relu maintes fois le livre. Au fil du temps, je l’ai lu  différemment.
La réussite du Petit Prince est d’abord dans la façon dont l’auteur a su traduire l’âme enfantine. Habilement, à partir de la logique de l’enfant, il pointe les travers du monde des adultes : le monarque qui règne sur une planète minuscule croit que les étoiles lui obéissent, le vaniteux pense que tout le monde l'admire, le businessman passe son temps à compter et cherche à posséder, l’allumeur de réverbère fait un travail stupide sans chercher à comprendre parce que « c’est la consigne », le géographe  prétentieux ne veut pas être confondu avec l’explorateur, il est « trop important pour flâner ».

Les derniers chapitres, ceux qui racontent les rencontres que le Petit Prince fait sur la Terre sont les plus poétiques et SaintExupéry y montre son amour de la nature, son attachement à l’amitié. En même temps, il poursuit sa quête philosophique, en faisant dire à son héros que les hommes « s’enfournent dans les rapides » sans savoir ce qu’ils cherchent.
« Alors ils s’agitent et tournent en rond.» *

Et chaque fois qu’on relit ce livre, on comprend mieux les raisons de son succès : les thèmes qui y sont abordés n'ont pas de frontières et ils ne vieillissent pas.


* Bibliothèque de la Pléiade, page 482 (Saint-Exupéry - Œuvres)
 

lundi 11 janvier 2016

Regard, -2016 Semaine 2






« C’est parfois d’une situation désespérée que jaillit l’espoir.»
Lao She (1899 - 1966)

Le monde va mal. Devant la multitude des problèmes, nombreux sont ceux qui ne voient pas d’issue à ce qu’on a cru être un certain temps une crise et qui est en fait le passage d’une époque à une autre.

En France, il faut dire que les signes donnés par ceux qui dirigent le pays ne sont pas faits pour rassurer. Pour lutter contre le terrorisme, on prétend  traiter le mal à la racine, ce qui n’est pas vrai ; tous les spécialistes le disent, la déchéance de nationalité n’aura aucun effet positif. Pour combattre le chômage, on s’apprête à modifier le droit du travail en l’adaptant aux règles du libéralisme. Quelques semaines après le discours final de la COP 21, le préfet des Bouches-du-Rhône accepte que le site industriel de Gardanne rejette dans le Méditerranée pendant six ans encore les « boues rouges » toxiques, résidus de la production d’alumine ( qu’on utilise pour l’électronique, les écrans LCD...). Et le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, inutile, coûteux et contraire aux objectifs de la transition, n’est toujours pas abandonné.
Autant de faits qui pourraient donner raison à ceux qui ne croient plus en un avenir meilleur.  

À‭  ceux-là, je voudrais rappeler deux principes que chacun devrait toujours avoir en tête.
‭Le premier est illustré par la phrase de Lao She citée plus haut. L’histoire est remplie d’exemples de victoires, de retournements de situation qui n’étaient pas conformes à la logique mais qui ont pu avoir lieu grâce au hasard ou à une mobilisation exceptionnelle. Un tel fait peut se produire à tout moment.

D’autre part, il faut prendre en compte le fait que le changement - quand il n’est pas dû à une insurrection ou tout autre fait brutal - s’opère sur un temps assez long.
Ainsi, en ce qui concerne la crise écologique, elle a été annoncée à la fin des années 60.
En 1972, le Club de Rome publiait  son premier rapport, The Limits to Growth ( Les limites à la croissance), dans lequel il remettait en cause la politique des Trente Glorieuses basée sur la hausse infinie de la croissance.
Depuis cette époque - soit plus de quarante ans - le système mondialisé a organisé autour de l’idée d’une consommation toujours plus forte le conditionnement des esprits, avec le succès que l’on sait puisque de nos jours, à l’exception d’une petite minorité qui se veut « hors -système » tout le monde - gauche, centre et droites confondus - s’est rallié à cette conception de la société.
Le déconditionnement prendra du temps. Il faut en accepter l’idée.

La multitude des projets alternatifs qui voient le jour à travers le monde ces dernières années est plutôt encourageante. 

vendredi 8 janvier 2016

n°1018 - L'animal et la télé


“ Un homme cruel avec les animaux ne peut être un homme bon.”
( Gandhi )

“ Quiconque a entendu les cris d'un animal qu'on tue ne peut plus jamais manger de sa chair.”
( Confucius )



Samedi dernier, en début de soirée, France 2 diffusait une émission consacrée - à l’occasion des 170 ans de la SPA - aux animaux  de compagnie. L’évènement est assez rare pour être signalé. En effet, à cette heure de grande écoute, ce sont plutôt les variétés qui ont la cote.

Les Français, on le sait, aiment les chats et les chiens, sauf certains d’entre eux qui les martyrisent ou les abandonnent quand ils partent en vacances. L’action d’associations telles que la SPA est donc utile car elle se charge, parmi d’autres missions, de trouver des personnes prêtes à accueillir ces animaux en détresse.

L’émission de samedi a eu le mérite de rappeler que les animaux sont des êtres sensibles, intelligents, fidèles et parfois surprenants, comme l’ont montré certaines histoires : celle de ce chat perdu qui a parcouru plus de  mille kilomètres pour retrouver sa maison, celle d’un autre chat qui a réveillé une famille pour éviter  à ses membres l’intoxication. On a pu voir aussi le regard affectueux d’un chien, la tendresse d’un gorille pour l’homme qui l’avait recueilli...

Des images attendrissantes, agréables à regarder, mais qui ne suffisent pas pour défendre la cause animale, car cette sympathie que l’être humain montre vis-à-vis des animaux ne concerne souvent que ceux qui vivent dans son foyer ; pour les autres, ce sont les souffrances, la mort programmée au bout de quelques mois.
La télévision ne s’intéresse pas beaucoup à ceux-là. Elle en parle très peu ou masque la vérité.


Comme dans ces reportages qui nous font croire que tous les animaux d’élevage vivent dans un cadre idyllique et où l’on entend dire que les éleveurs aiment leurs bêtes ( ce qui ne les empêche pas de les tuer).

La vérité, c’est que des hommes se délectent encore du spectacle barbare d’un taureau ensanglanté qui finira par mourir, que d’autres étalent fièrement leur tableau de chasse et que  d’autres encore, dans des laboratoires, se livrent à des expériences dont on pourrait se passer. Et puis tous les jours, des vaches, des porcs, des moutons, des lapins, des poules, des canards... vivent dans des conditions déplorables, dans un espace restreint, avant d’être abattus car on leur refuse le statut d’êtres sensibles. Dans la société industrialisée, ils ne sont que des produits dont il faut tirer le plus grand bénéfice possible.

La télévision s’honorerait en informant honnêtement ceux qui la regardent, en montrant ce qui se cache derrière une cuisse de poulet ou un verre de lait.




mercredi 6 janvier 2016

n° 1017 - Populaires


Populaire : Voilà un adjectif qui écorche les oreilles de certaines personnes n'aimant pas  ce qui émane du peuple.
Ce mépris pour des  livres, des films, des chansons  qui plaisent au plus grand nombre relève souvent d’un élitisme prétentieux ou d’une méconnaissance du vocabulaire ( populaire étant dans ce cas confondu avec vulgaire.)
( Le mot de la semaine - mars 2012)



Deux artistes populaires

À deux jours d’intervalle, on a appris la mort de deux célèbres artistes.
Le premier - Michel Delpech - avait lutté pendant trois ans contre la maladie, le second - Michel Galabru - est mort pendant son sommeil à l’âge de 93 ans.
Tout en montrant leur talent dans des domaines différents, un trait commun les rapproche : ils étaient populaires, c’est-à-dire appréciés du public parce qu’ils respectaient celui-ci et se sentaient proches des gens.

Michel Delpech a connu très jeune le succès dans  la chanson. Tous ceux qui l’ont rencontré ont trouvé l’homme modeste et sympathique. Le public aimait  sa voix chaude et le choix des thèmes de ses chansons qui évoquaient la vie ordinaire des gens et les plaisirs simples.
Si les radios ont eu tendance à diffuser ses plus grands succès, on trouve dans son répertoire de très belles réussites, moins connues, par exemple Le chasseur, une chanson dans laquelle l’homme parti chasser prend conscience, en voyant le vol superbe des oies sauvages, de l’erreur qu’il aurait faite s’il les avaient tuées :

« Avec mon fusil dans les mains
Au fond de moi je me sentais
Un peu coupable
Alors je suis parti tout seul...» 

Très belle chanson aussi que Rimbaud chanterait, un hommage au poète qu’il imagine vivre dans le monde moderne :

« Il écrivait sur des morceaux d'azur 
Sur les étangs sur les forêts
Il écrivait sur le vent sur les murs 
Mais aujourd'hui il chanterait...» 

Dans un autre registre,  Michel Galabru a servi le théâtre et le cinéma pendant 65 ans.
France 2 a eu la bonne idée de rediffuser le soir de sa mort la pièce de Pagnol, la Femme du Boulanger, enregistrée alors que l’acteur s’apprêtait à devenir nonagénaire. Cela fut l’occasion de revoir l’énergie qu’il dégageait et de retrouver cette façon si personnelle - notamment grâce à sa voix - d’interpréter un rôle.
C’était un immense acteur qui avait aussi joué Shakespeare, Molière, Jules Romains...
Le Molière du meilleur comédien lui avait été décerné en 2008.
Au cinéma, il a parfois joué dans de " petits" films, lui-même le reconnaissait avec humour, mais aussi pour de grands metteurs en scène : Yves Robert, Costa-Gravas, Bertrand Tavernier.
En 1977, il avait reçu le César du meilleur acteur pour son rôle ( celui de Joseph Bouvier) dans Le juge et l’assassin.

Oui, Michel Delpech et Michel Galabru  étaient des artistes populaires : ils n'étaient pas prétentieux ; ils cherchaient à donner à leur public des instants de bonheur.

lundi 4 janvier 2016

n°2016 - Regard(2016, semaine 1) : Une vision pour 2016




De 2016 à l'horizon 2050




 Jacques Attali est un homme qui écrit beaucoup, qui s’exprime sur tous les sujets ; je ne partage pas toutes ses idées mais il y a chez lui une qualité qu’il faut  reconnaître : sa réflexion s’inscrit  dans une perspective de long terme, il pense l’avenir, ce qui est essentiel surtout  dans la période que nous vivons, placée  entre une ère finissante et une autre dont les contours sont encore mal définis.

Je l’entendais  parler hier matin sur une radio. Il exposait sa vision de 2016. Persuadé que l’introduction  de la déchéance de nationalité (pour les binationaux auteurs d’actes terroristes) voulue par le gouvernement  n’aboutira pas, il faisait remarquer qu’il n’y aurait pas d’élections en 2016 et il espérait que cette  année serait consacrée à la réflexion.
Bien sûr, on souhaite tous la même chose. Mais dans le contexte de la vie politique actuelle, paralysée par une constitution dépassée, il est peu probable que les batailles politiciennes pour le choix des candidats  à la présidentielle et les questions tactiques soient occultées au profit d’une réflexion sur l’avenir du pays à l’horizon 2022 ( dans le cadre d’un projet pour la société à l’horizon 2050).

Par contre, du côté des citoyens, il faut continuer de réfléchir ensemble pour dessiner, entre utopies et réalisme, le monde de demain.

Cet avenir ne peut se construire que sur la prise en compte de l’urgence écologique. Pour cela, il faut que l’homme  et la société se réconcilient avec la nature.
Le philosophe Dominique Bourg disait dernièrement (1) : 
« La morale ne s’arrête pas aux êtres humains, le droit doit inclure les autres êtres vivants et les écosystèmes, la politique concerne les interactions avec la nature...»

Dans cette phrase il y a tout l'esprit du changement.
Celui-ci ne sera pas obtenu facilement ; depuis les temps préhistoriques, la plupart des  sociétés se sont bâties sur l’idée de domination : domination des plus forts sur les faibles, domination sur les êtres non-humains, sur le monde végétal...
La résistance des dominants sera forte. On vient encore d’en avoir la preuve lors de la dernière conférence sur le climat : les pays riches, notamment ceux qui possèdent du pétrole, ont empêché que des engagements précis soient pris dès maintenant en faveur des pays pauvres.
La détermination de ceux qui pensent qu’une autre société est possible doit être plus forte encore si l'on veut que les choses bougent.

(1) dans Sciences Humaines, janvier 2016

samedi 2 janvier 2016

n°1014 - Une photo, une phrase : Une rue, un soir de décembre



Tous les photographes ont le réflexe de fixer l’instant qu’ils ont apprécié ou qui les a émus. C'est pourquoi  ils emportent  toujours  avec eux  un appareil photo, outil qui ne sert pas seulement à  garder  les images que la mémoire pourrait oublier mais aussi à créer des œuvres originales.
Ramon Ciuret s’est promené dans sa région, dans l’est de la France, pour saisir l’esprit de la fête aux alentours de Noël.

Une rue, un soir de décembre


PHOTO : Ramon CIURET

La photo, mode d’emploi

D’abord, observer  la photo pour en tirer une impression globale, puis s’attarder sur les détails.
Ensuite laisser faire l’inspiration et choisir l’angle sous lequel on va la commenter qui sera de préférence celui qui n’est pas attendu. S’il s’agit de personnages, l’imagination sera davantage sollicitée.
Enfin ( puisque c’est la règle fixée ici) concentrer dans une phrase unique l’idée qu’on a retenue en la développant autant que l’on peut.*

La phrase

Ce soir-là, étrangement, en cette période de fêtes où les gens se ruent vers les magasins, la rue était presque déserte et la jeune femme qui venait de quitter son travail marchait d’un pas alerte sans faire attention aux arbres illuminés alignés sur les trottoirs, sans doute parce qu’elle avait fini par s’habituer à eux ; le silence qui régnait dans la rue l’étonnait et lui était plutôt agréable : fatiguée par la dure journée qu’elle venait de passer, elle n’aspirait qu’à une chose, rentrer le plus vite possible chez elle pour se reposer en écoutant une musique douce.

* en inventant  par exemple leur histoire






vendredi 1 janvier 2016

n° 1013 : Nouvelle Année


Photo : Ramon Ciuret



   C’est Jules César  qui a   choisi de faire commencer l’année le premier janvier. 
La date du premier jour de l’année a varié à plusieurs reprises et elle a été fêtée différemment selon les cultures. Au fil des siècles, cette tradition a évolué.

J’ai connu dans mon enfance les soirées de  la Saint-Sylvestre fêtées en attendant minuit dans la simplicité, les repas du Jour de l’An chez les grands-parents, les visites à pied chez les oncles et les tantes et la présentation des vœux aux amis de la famille  qui  étaient l’occasion de recevoir quelques pièces ou un billet. C’était le matin des étrennes :

“ On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,
Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête ...
Aux portes des parents tout doucement toucher.
On entrait ! Puis alors les souhaits... en chemise,
Les baisers répétés, et la gaîté permise !”
( Arthur Rimbaud - 1870) 
C’était une autre époque !

Les communes, les institutions, les entreprises, organisent désormais des cérémonies de vœux  si nombreuses qu’elles remplissent   les agendas durant tout le mois de janvier. 
Bientôt, espérons-le, on verra  sans doute le retour d’une plus grande sagesse, d’une simplicité voulue.

Je souhaite à chacun(e) de vous une bonne année. 




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