Cher Ami,
Tu m’as fait part dans ton dernier mail de ton découragement devant la situation actuelle, à tel point que tu envisages de quitter la France pour un pays où tu te sentirais plus heureux.
Bien entendu, si c’est ta volonté ainsi que celle de ton épouse, je ne me sens pas autorisé à t’influencer pour te faire changer d’avis. Je te demande seulement de bien réfléchir avant de prendre ta décision. Il y a des pays où l’on se sent bien quand on y passe quelques semaines de vacances, mais y vivre en permanence est une autre affaire. Et puis, si la vie paraît si belle quand on y séjourne en tant que touriste, la réalité quotidienne, quand on y regarde de plus près, est souvent moins idyllique.
Tu ne reconnais plus, m’écris-tu, dans la France d’aujourd’hui celle que tu aimais, le pays des droits de l’Homme où les étrangers étaient les bienvenus, où l'on chantait la liberté. Tu t’inquiètes de voir des décisions prises au nom de notre sécurité et que tu estimes dangereuses.
Tu ne reconnais plus dans les gens qui nous gouvernent les idées généreuses que tu avais découvertes en lisant Jean Jaurès dans ta jeunesse, et tu te sens trahi.
Tu as honte de voir ces malheureux exilés marcher dans la boue et dormir dans des abris de fortune, tu as honte d’entendre les propos malveillants qu’on tient à leur égard.
Tu ne comprends pas pourquoi tes amis syndicalistes ont été condamnés pour avoir enfermé pendant plusieurs heures un dirigeant d’usine alors qu’ils voulaient défendre l’emploi de leurs camarades et tu es furieux qu’on traite de voyous ceux qui ont osé déchiré la chemise d’un dirigeant ; tu dis que les vrais coupables sont ceux qui ne respectent pas les travailleurs.
Cette colère, je la comprends et la partage. Mais penses-tu vraiment que la bonne solution est de fuir au milieu de la tempête ?
Peut-être as-tu oublié ce qu’écrivait Stéphane Hessel, il n’y a pas si longtemps ? Il appelait à « une véritable insurrection pacifique » contre ceux « qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous.»*
Il disait : Indignez-vous ! Résistez !
N'est-ce pas la meilleure réponse à ta colère ?
Amicalement.
* Indignez-vous, page 28
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